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BRUXELLES
22/04/2008
Joyce DiDonato
© DR
(www.joycedidonato.com)
George Frideric HAENDEL (1685 – 1759)
La Fida Ninfa
Teseo
Dolce riposo
Ira, sdegni, e furore… O stringero nel sen
Vuo’ morir, ma vendicata
Imeneo
Sinfonia
Sorge nell’alma mia
Admeto
Sinfonia
Orride larve… Chiudetevi miei lumi
Gelosia, spietata Aletto
Serse
Crude furie
Ariodante
Scherza infida
Il pastor fido
Chaconne
Hercules
Sinfonia
There in myrtle shades
Where shall I fly
Joyce Di Donato, mezzo-soprano
Les talens lyriques
Christophe Rousset : direction
Théâtre Royal de la Monnaie,
le 22 avril 2008, 20h00
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Rejoice greatly !
Rien n’étonnera moins ses fans : les débuts de Joyce Di Donato
à la Monnaie ont électrisé le public ! Un
public, une fois n’est pas coutume, suspendu aux lèvres de
la diva du Kansas et qui s’abstenait de tousser, de chuchoter, de
froisser l’emballage de ses Valda ou encore de se moucher –
dernier avatar de cette goujaterie BCBG qui envahit les salles
bruxelloises. « Silence, on enregistre »,
c’est, en substance, la formule magique adressée aux
spectateurs avant l’entrée du chef et de la soliste, les
micros de Virgin immortalisant les concerts des 19 et 22 avril dernier.
Entre deux représentations de la Médée de Cherubini, Christophe Rousset et ses Talens lyriques
accompagnaient Joyce Di Donato dans un florilège au titre
alléchant, mais forcément réducteur :
«Furore !» De fait, il est impossible
d’évoluer dans ce seul registre près de deux heures
sans lasser. La douleur d’Admète, le désespoir
d’Ariodante ou la rêverie de Déjanire offrent un
heureux contraste avec la folie de cette dernière et les
colères d’Alceste, de Médée ou de
Xerxès.
Toutefois, c’est bien dans ces « arias rageuses,
fougueuses et palpitantes » comme elle les décrit si
bien que l’artiste donne le meilleur d’elle-même.
Affaire de tempérament, sans doute. La mezzo prend surtout ce
répertoire au sérieux et elle a les moyens de ses
ambitions. « On ne peut pas chanter une aria de Haendel
sans s’investir totalement dans le texte (qui est en outre
constamment répété) et entrer dedans avec
émotion et engagement. Il est impossible de faire les choses
à moitié ou de faire semblant, et c’est pour cela
justement que j’aime infiniment cette musique. » La
démonstration est éblouissante et souvent grisante. Il
faut dire que la plasticité de l’instrument laisse songeur
: sa vocalise, franche et tonique, et son legato de rêve
suffiraient déjà à notre bonheur, mais Joyce Di
Donato met toutes ses ressources dans la bataille, elle sculpte la
matière, darde des aigus rayonnants, ose de puissants crescendos
et renchérit dans la virtuosité (explosif
« Crude furie »), bref, elle crée la
surprise et le ravissement, raison d’être du Da Capo.
Elle nous livre ainsi les reprises et les cadences les plus originales
et les plus excitantes qu’il nous ait été
donné d’entendre depuis longtemps. Si tout semble couler
de source, avec une aisance déconcertante, rien n’a pu
être laissé au hasard et certainement pas
l’ornementation. Rousset a une longue pratique de Haendel et y a
très probablement mis son grain de sel. Le moindre trait,
impeccable, semble prémédité. Du reste,
c’est inévitable, car improviser serait par trop
périlleux pour un enregistrement et les regards que la soliste
jette comme à la dérobée sur la partition nous
rappellent que tout est under control.
Contrôle : le mot est lâché, il
caractérise mieux que tout autre le travail de Christophe
Rousset. Celui-ci dirige Haendel comme Rameau : précis,
analytique, il déploie une science de l’articulation comme
des phrasés qui rend pleinement justice à
l’écriture orchestrale du Saxon. Brillant organiste, ce
dernier maniait aussi l’archet avec un talent indéniable,
dont témoignent les parties de violons dans l’air d’Imeneo,
« Sorge nell’alma mia », excellemment
tenues par les Talens lyriques. Néanmoins, cette maîtrise
a un prix : elle ne laisse guère de place à
l’inspiration du moment, à la fantaisie.
« Scherza infida » est à cet égard
emblématique. Tout est parfaitement en place et la gradation des
effets trop savante pour être spontanée. L’air
semble ainsi moins habité que finement pensé, il
n’étreint pas mais distille une émotion
stylisée. Par contre, si Joyce Di Donato a du mal à
exprimer le désarroi et la tristesse d’Admète,
c’est en raison de la tessiture du rôle, écrit pour
le contralto Senesino et trop grave pour elle. Le contraste est
d’ailleurs frappant avec l’air d’Alceste sur lequel
se poursuit le programme, la voix retrouvant aussitôt sa couleur
et son mordant. Enfin, la mezzo n’a pas son pareil pour
évoquer l’extase amoureuse («There in myrtle
shades ») avec juste ce qu’il faut de glamour, sans
manière ni soupir superflu. La minauderie n’est
décidément pas dans sa nature !
Aux saluts, Joyce Di Donato irradie et ne se fait guère prier pour donner trois bis :
l’air de Déjanire « Cease, ruler of the
day », qu’elle est sur le point de présenter
quand le chef l’interrompt : « un air d’avant
qu’elle ne soit folle », déclenchant les rires
du parterre, « Sorge nell’alma mia » et
« L’angue offeso » (Giulio Cesare).
Le disque devrait inaugurer en beauté le contrat
d’exclusivité que l’artiste vient de signer avec EMI.
Bernard SCHREUDERS
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