L'opéra
d'Avignon proposait pour deux représentations une rarissime Donna
del lago en coproduction avec l'Opéra Royal de Wallonie, dans
une distribution quelque peu renouvelée par rapport aux premiers
concerts belges.
La mise en scène de Claire Servais
qui parvenait encore à passer à Liège, devient à
Avignon carrément indigeste, car la salle est plus petite, et les
ridicules en sont d'autant plus grossis qu'ils se déroulent sous
le nez des spectateurs. Il est ainsi difficile de ne pas se laisser aller
à rire quand on entend distinctement le bruit des "scratchs" lorsque
Douglas endosse son armure, ou quand Malcolm s'escrime sur la poire mal
dissimulée dans le manche de son poignard pour en faire jaillir
le sang.
Claire Servais est une habituée
des mises en scène lyriques, elle commet malgré cela une
erreur de débutante, en envahissant le dispositif efficace et relativement
esthétique conçu par Dominique Pichou, constitué d'un
escalier et de panneaux coulissants, d'objets incongrus autant qu'inutiles
: des épées descendent des cintres et restent suspendues
en l'air pendant le duel, de grossiers mannequins de plastique décapités
et couverts de peinture rouge gisant près d'un cheval éventré
également en plastique figurent les morts de la bataille, un photomaton
de Rossini semble faire un clin d'oeil à la fin du premier acte.
Et j'en oublie dans ce festival kitsch...
Obnubilée par ces gadgets, la
metteuse en scène en néglige la direction d'acteur. Les protagonistes
sont plantés là, sans un mouvement, les choeurs sont disposés
en rang d'oignons.
Les costumes de Jean-Pierre Capeyron
sont, en revanche, seyants, alors qu'il est si difficile de ne pas tomber
dans le ridicule dès qu'il s'agit de kilts.
Vocalement, c'est la fête, une
fête amplifiée par l'enthousiasme du public avignonnais, qui
applaudit, acclame, tape des pieds...un véritable triomphe est fait
aux interprètes, et tout particulièrement à Rockwell
Blake et à Ewa Podles.
L'usure de la voix du ténor
rossinien absolu commence à s'entendre, il le sait et redouble de
précautions. Cela dit, il a bien plus que de beaux restes, son souffle
est inépuisable, sa technique toujours sans défaut, et la
comparaison avec Harald Quaaden est cruelle lorsque dans l'acte deux les
ténors se répondent en écho. Et encore, Rockwell Blake,
magnanime, ne force pas le trait : après son grand air, il ne lui
reste plus rien à prouver.
On connaissait par ses différents
récitals au disque le Malcolm d'Ewa Podles. Qu'il suffise de dire
que sa prestation scénique fut encore largement supérieure.
Le timbre est splendide, l'engagement farouche, la vocalisation précise.
Le public ne s'y est pas trompé, qui lui a réservé,
debout, plusieurs minutes d'ovation après son deuxième air.
Une très grande, comme on en rencontre peu dans une vie de mélomane.
Le rôle de la douce Elena convient
mal à Iano Tamar, à la fois vocalement et psychologiquement.
Cette Médée, cette lady Macbeth est gênée aux
entournures par le caractère émouvant de son personnage,
et son beau timbre sombre et sauvage s'accommode mal des duos d'amour et
des explosions de joie de la poétique dame du lac. Son interprétation
s'en ressent, propre, correcte, mais sans flamme.
Simone Alberghini, bien connu des habitués
du festival de Pesaro et coutumier des rôles de basses rossiniennes,
est un Douglas bien chantant. Par charité, nous ne parlerons en
revanche pas de Harald Quaaden qui a eu le mérite de sauver la représentation
en remplaçant Bruce Fowler, lui-même appelé à
la rescousse après la défection de John Osborn.
Pour terminer, ayons une pensée
émue pour Alberto Zedda, que l'on dit perfectionniste, et qui, s'il
a su tirer le meilleur de l'orchestre lyrique de Région Avignon-Provence,
s'est trouvé affublé d'un orchestre de coulisses évoquant
irrémédiablement la fanfare de La Belle Hélène,
réussissant l'exploit de ne pas jouer une seule note juste !
Catherine Scholler