Elektra à La Monnaie
ou les débuts de Kazushi Ono
Grande première ce 17 septembre
à La Monnaie. Premier spectacle de la saison, sans doute, mais surtout
intronisation de Kazushi Ono en sa qualité de nouveau directeur
musical, succédant à Antonio Pappano, parti pour les rives
de la Tamise. A l'issue de ce spectacle, le jeune chef japonais, né
en 1960, a eu droit à une véritable ovation, rare aux premières
bruxelloises. Il est vrai que sa direction d'un orchestre très fourni,
et impeccable, a été plus que remarquable. Il a dirigé
cette oeuvre unique, directe et compacte, de main de maître, avec
un rare sens du souffle allié à une très belle musicalité,
qualités essentielles à la réussite d'une production
d'Elektra. Sans jamais couvrir les voix, ce qui est à souligner,
car cet opéra souffre souvent d'une surcharge orchestrale pénible
pour les solistes. Ceux-ci ont été parfaitement à
la hauteur, particulièrement la Chrysothémis de Charlotte
Margiono, follement ovationnée. Timbre d'airain, mais sachant parfaitement
délivrer le message d'amour qu'elle souhaite tant offrir, elle incarne
véritablement l'humanité prise dans un drame atroce. L'Electre
d'Isolde Elchlepp, sans démériter, pâlissait un peu
aux côtés d'une soeur aussi brillante. Mince et physiquement
crédible, elle a toutefois soutenu son rôle écrasant
avec une grande aisance, jusqu'à la danse finale. Les deux hommes,
réduits par Hoffmanstahl et Strauss à la portion congrue,
ont été excellents, tant l'Oreste noir d'Albert Dohmen, que
le sirupeux Egisthe de Ian Caley, très Gerhard Stolze. La grande
déception vint d'Ingrid Tobiasson, Clytemnestre bien terne et ne
donnant aucun éclat à sa grande scène, pourtant éminemment
dramatique. A sa décharge, il faut dire qu'elle ne fut pas aidée
par une mise en scène terriblement sobre, et qui ne mettait aucunement
en évidence son impressionnante personnalité. Stéphane
Braunschweig s'est en effet contenté d'une mise en place, certes
correcte, mais sans aucun sens de l'évocation, si important dans
cette oeuvre sulfureuse. Décor unique (avec baignoire en premier
plan, effet facile), lumières rouges et blanches, portes ouvertes
ou fermées, direction d'acteurs placide, cela manquait nettement
d'allant et de vigueur. Heureusement, la qualité musicale a tout
sauvé. Une magnifique intronisation pour Kazushi Ono.
Bruno Peeters
________
Lire aussi la critique de cette
même production donnée le 3 mars 2002
à Strasbourg