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PARIS
13/04/2008
Marguerite Krull
© Kingmond Young
(www.margueritekrull.com)
Gioacchino ROSSINI (1792-1868)
Elisabetta, regina d’Inghilterra
Drama per musica en deux actes,
créé au Teatro San Carlo de Naples le 4 octobre 1815
Livret de Giovanni Federico Schmidt
Elisabetta : Marguerite Krull
Leicester : Gregory Kunde
Matilde : Anna Maria dell'Oste
Enrico : Blandine Staskiewicz
Norfolc : Antonino Siragusa
Guglielmo : Yves Saelens
Orchestre Symphonique de la Monnaie
Direction musicale, Julian Reynolds
Paris, salle Pleyel, le 13 avril 2008
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J’aimerais tant (re) voir Siragusa…
Ce spectacle de la tournée de l’Orchestre de La
Monnaie à Paris ne s’ouvrait pas forcément
sous des hospices favorables, ayant connu un bouleversement de sa
distribution initiale ; d’abord le remplacement de Dario Schmunck, Leicester, par Gregory Kunde, ce qui, en souvenir d’un fabuleux Otello
à Pesaro l’été dernier, était une
très bonne surprise, puis l’annulation de dernière
minute d’Anna Caterina Antonacci, très attendue dans ce rôle et qui était une des raisons de la programmation de ce rare opera seria de
Rossini. On était d’autant plus inquiet que la
remplaçante était inconnue et que l’ouvrage,
écrit pour des interprètes de premier plan (Colbran,
Garcia notamment), exige des chanteurs une maîtrise virtuose du
chant orné.
On est heureusement très vite rassuré, la matinée
sera réussie, et ce dès le premier air du félon
Norfolc !
Ce dernier est jaloux de Leicester, qui revient devant la reine
Elisabeth auréolé de sa victoire sur les partisans de
Marie Stuart. Elisabeth est secrètement amoureuse de Leicester,
mais ce dernier s’est marié en secret avec Matilde, qui
n’est autre que la fille de Marie Stuart… Norfolc aura
beau jeu de trahir Leicester, qui voit en lui un ami et un confident.
Mais tout se terminera bien, Leicester et Matilde seront
pardonnés et Norfolc sera condamné à mort.
Mais revenons à cette première cavatine « Oh voci funeste ». Antonino Siragusa
aborde cet air périlleux crânement. La voix est puissante
mais jamais forcée, le timbre est clair mais viril, la diction
mordante… Ajoutez à cela une technique aguerrie qui se
joue des difficultés dont est hérissée la
partition, un brin de forfanterie qui convient bien au rôle et
vous comprendrez que les oreilles soient à la fête. Que
demander de plus ? L’interprète démontre dans
son beau duo avec Elisabetta, qu’il sait aussi sait nuancer son
émission.
La réussite éclatante de ce premier air est
renouvelée dans sa scène de l’acte 2 : le
public ovationne justement et longuement le ténor.
Son rival, Gregory Kunde, bien
que visiblement enrhumé, ne lui cède en rien. Et sa
grande scène dans la prison à l’acte 2 provoquera
à son tour les hourras du public. Car au ténor clair et
aigu de Siragusa répond une voix puissante et mâle. La
voix s’est allongée vers le bas, mais les aigus conservent
un impact intact. Un timbre qui parfois blanchit, quelques vocalises
moins aisées ne gênent nullement, elles ne font que
transparaître les blessures du héros
malmené…
La belle complémentarité vocale des deux ténors se
révèle dans le duo « Deh ! scusa i
trasporti ». La réussite est encore renforcée
par leur générosité et l’évidente
complicité qui les unit. Le public est définitivement
conquis et acclame les deux rivaux. Devant l’enthousiasme du
public, ces derniers accordent de très bonne grâce un bis
du duo, ce qui déclenche une nouvelle ovation !
Et le reste me direz-vous ? On l’oublierait presque !
On retiendra un Orchestre de La Monnaie
qui fait montre d’une certaine virtuosité (on note
cependant quelques décalages des cordes) mais dont la
sonorité manque parfois de moelleux et la direction
enlevée de Julian Reynolds qui a cependant tendance a couvrir
les solistes… un peu plus de retenue aurait permis de mieux
profiter des ensembles.
Les chanteuses, elles, ne se hissent pas au même niveau que les hommes.
Anna Maria dell'Oste fait
valoir une joli soprano léger aux aigus biens projetés.
Elle offre une scène de l’acte 1 réussie,
démontrant une belle maîtrise de l’écriture
rossinienne. Il lui manque cependant un medium plus riche et sonore
pour donner une image complètement satisfaisante du rôle.
Reste, Marguerite Krull,
appelée au dernier moment pour chanter le rôle titre. Un
challenge un peu surdimensionné pour elle. Elle semblait
d’ailleurs très soulagée et émue par
l’accueil chaleureux du public aux saluts.
Un physique charmant qui évoque Marylin Monroe et quelques
accents bienvenus ne peuvent masquer une inadéquation des moyens
au rôle écrasant d’Elisabetta (1).
Ici, un manque de puissance qui la noie dans les ensembles et un
couleur de timbre un rien terne où l’on pourrait souhaiter
plus d’opulence, là une virtuosité limitée
(les vocalises du premier air sont savonnées)… On se
gardera bien cependant d’accabler l’interprète qui a
livré une interprétation probe et aura sauvé le
spectacle.
Blandine Staskiewicz et Yves Saelens
complètent de façon plus que satisfaisante la
distribution dans les petits rôles d’Enrico, frère
de Matilde, et Guglielmo.
On retiendra de toute façon de cette matinée
principalement le duo de ténors galvanisant. Preuve en est que
ce « Leicester et Norfolc » de Rossini
recèle à lui seul bien des réjouissances ! Et
excellente nouvelle pour les amoureux de Rossini : on retrouvera
les deux ténors dans Ermione cet été à Pesaro.
Antoine Brunetto
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(1) D’après la biographie
jointe au programme, elle semble plus habituée à
fréquenter le répertoire mozartien, qui doit lui convenir
autrement !
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