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NANCY
03/02/2006
Nemorino - Soner Bülent Bezdüz et le Docteur Dulcamara - Till Fechner
© Ville de Nancy
Gaetano DONIZETTI (1797-1848)
L’Elixir d’amour
Melodramma giocoso en deux actes
Livret de Felice Romani
Créé le 12 mai 1832 au Teatro della Canobbiana de Milan
Direction musicale: Sébastien Rouland
Mise en scène, chorégraphie – Omar Porras
Décors, création des masques - Fredy Porras
Costumes – Coralie Sanvoisin
Lumières – Matthias Roche
Création des accessoires : Laurent Boulanger
Assistante mise en scène : Jane Piot
Assistante chorégraphie : Axelle Mikaeloff
Assistante costumes : Silver Sentimenti
Assistantes création masques : Julie Chapallaz, Isabelle Matter
Avec la collaboration amicale
de Fabiana Medina pour la chorégraphie
Adina – Maïra Kerey
Nemorino – Soner Bülent Bezdüz
Belcore – Nigel Smith
Le Docteur Dulcamara – Till Fechner
Gianetta – Laure Baert
Danseurs : Solaine Caillat, Veronica Endo Olascuaga,
Karine Girard, Linda Gonin, Isabelle Terracher,
Romano Bottinelli, Jérémie Duval, Serge Helias,
Esteban Peña Villagran, Michaël Vessereau
Chœurs de l'Opéra de Nancy et de Lorraine
(direction Merion Powell)
Orchestre Symphonique et Lyrique de Nancy
Coproduction Théâtre de Caen,
Opéra de Rennes, Opéra National de Nancy et de Lorraine
Nancy, 3 Février 2006
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«Je
désire mettre en scène des figures qui allient dans un
même geste chant, jeu dramatique et danse. Un moyen pour moi de
revenir à ce que je retiens comme étant l’essence
du théâtre ».
Le Colombien Omar Porras réalise avec ce pétillant Elixir
nancéen sa première mise en scène lyrique et,
d’emblée, il semble qu’il faudra compter avec un
nouveau venu au langage très personnel et ludique,
ovationné à juste titre par le public. Un parcours
très divers et complet, explorant le mouvement à travers
des disciplines comme le travail d’acteur, mais aussi les
marionnettes, le masque, la danse, la musique avec sa troupe du Teatro
Malandro, semble avoir façonné un personnage
possédant non seulement toutes les techniques, mais surtout un
regard impertinent, malicieux, et profondément libre de toute
doctrine. Avec la complicité essentielle de son frère
plasticien Fredy Porras, Omar Porras replace l’Elixir d’amour dans un univers à la Tim Burton mâtiné de Chicken Run
et revisité par Miyasaki. Un monde onirique peuplé de
lutins, de nymphes et de faunes, qui accueille en toute évidence
les personnages naïfs au grand cœur de l’Elixir,
les innocents et les roublards et LE personnage principal :
l’Amour, ici redevenu mystère essentiel de la Nature dont
Nemorino et Adina ne sont que les révélateurs.
Adina - Maïra Kerey - et Nemorino - Soner Bülent Bezdüz
© Ville de Nancy
Alors
oui, disons-le, nous avons été enchantés, au sens
féerique du terme : décors de bandes
dessinées, colorés, ingénus sans
mièvrerie ; costumes explosant de richesse et de
créativité, et ces masque au grand nez, comiques ou
attendrissants, et si révélateurs des sentiments,
accessoires époustouflants (la carriole de Dulcammara tout droit
venue du Château ambulant
de Miyasaki…), une inventivité constante et
pétillante, un travail d’équipe frappant de
complicité. Une utilisation optimale du plateau, avec un sens
inné du déplacement des masses et de l’utilisation
des danseurs, mêlés aux chœurs avec une
habileté qui leur fait amplifier les mouvements sans rupture. Un
sens du détail très juste aussi, qui ponctue les
mouvements d’ensemble sans les polluer et multiplie les clins
d’œil au spectateur (l’arbre qui fleurit pendant
l’inévitable « furtiva lagrima »,
chantée heureusement sans l’attirail habituel de ports de
voix à la napolitaine…). Vraiment, du grand art de la
scène.
Et la musique alors ? Et bien, loin de disparaître
derrière ce bric-à-brac enchanteur, elle en sort
magnifiée, mieux, justifiée. Avouons que l’urgence
de la partition ne nous était jusqu’alors jamais apparue
comme évidente. Mais ainsi illustré, le travail
d’orfèvre de Donizetti, et notamment cette manière
subtile de progresser d’un duo à un ensemble puis au
chœur, reçoit un contrepoint narratif idéal sur
scène, que la direction de Sébastien Rouland accompagne
parfaitement, au point que l’on pardonnera quelques
décalages et patinages excusables un soir de première.
Giannetta - Laure Baert - et le choeur de femmes
© Ville de Nancy
Le plateau vocal est d’un cosmopolitisme réjouissant. Le Nemorino turc de Soner Bülent Bezduz,
un peu contraint au début, s’affirme de plus en plus tout
au long de la représentation, il possède un timbre
agréable et surtout une émission d’une grand
pureté. La Kazakhe Maïra Kerey fit ses débuts en
France en octobre 2003 dans le rôle de Musette à
l’Opéra Bastille (aux côtés d’Alagna)
et fut alors … incendiée par notre cher confrère Placido Carrerotti.
C’est bien pourtant la même qui, avec il est vrai une voix
non exempte de duretés, offre à Adina une belle
consistance et une aisance scénique indéniable.
Dulcamarra et Belcore vaillants vocalement et scéniquement, mais
à vrai dire, de toute la distribution, qui ne restera pas aussi
mémorable que la mise en scène, c’est la Gianetta
de Laure Baert qui nous séduit le plus, par sa facilité,
la chaleur pulpeuse de son timbre, et le poids qu’elle donne
à son personnage. Ce qui justifie amplement le moment
récital que lui consacre l’Opéra de Nancy le 10
février, une interprète que de rôle en rôle
(souvent second, hélas) on voir s’affirmer de plus en plus
et que l’on souhaiterait enfin entendre au premier plan.
Cerise sur le gâteau d’une soirée euphorique et
longuement applaudie, la présence dans la salle de nombreux
jeunes qui ont largement contribué à réchauffer
les frimas lorrains…
Sophie Roughol
Spectacle
repris au Théâtre de Caen (7, 9 avril), à
l’Opéra de Rennes (17, 19, 21 mai), au Grand
Théâtre de Reims (4, 6 juin)
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