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PARIS
16/01/2007
© DR Jordi Savall
Antonio VIVALDI (1678 – 1741)
FARNACE
Dramma per musica en 3 actes (Venise, 1727)
Livret d’Antonio Maria Lucchini
Farnace : Furio Zanasi
Tamiri : Marina de Liso
Berenice : Adriana Fernandez
Pompeo : Lawrence Zazzo
Selinda : Gloria Banditelli
Gilade : Céline Scheen
Aquilio : Fulvio Bettini
Le Concert des Nations
Direction musicale : Jordi Savall
Salle Pleyel, Paris, le 16 janvier 2007, 20h
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Enfin !
Tout vient à point qui sait attendre. Après avoir
conquis Madrid en Octobre 2001 puis Bordeaux en juin 2003, Farnace
de Vivaldi, dirigé par Jordi Savall, arrive enfin à
Paris.
Entre-temps, un enregistrement, publié en avril 2002 chez Alia
Vox – le label du maître – a permis de se
familiariser avec, d’une part, l’œuvre –
exceptionnelle, peut-être l’une des plus abouties du
prêtre roux – et, d’autre part,
l’interprétation – remarquable – de
l’équipe réunie pour l’occasion. On retrouve
d’ailleurs à Paris une bonne moitié de la
distribution (1).
Le son du disque, fortement réverbéré, avait
à l’époque divisé la critique. Spectaculaire
et vivant pour certains, brouillon pour d’autres, il
présente la particularité d’entourer les chanteurs
d’une sorte d’halo, plutôt flatteur au demeurant.
L’acoustique de la salle Pleyel se révèle moins
avantageuse. En effet, quelle que soit la qualité des voix, les
teintes s’estompent ; le relief s’émousse. Pas
assez pour affaiblir les accents de Furio Zanassi – le mordant,
par exemple, avec lequel il attaque « Ricordati che
sei » – mais suffisamment pour atténuer
l’impact de son chant, notamment dans les passages virtuoses.
« Gelido in ogni vena », sommet incontestable de
la partition, reste cependant l’un des plus grands moments de la
soirée, par la beauté de l’air mais aussi par
l’engagement dramatique du baryton dont
l’interprétation, d’un grand réalisme, ferait
pleurer des pierres. Elle dépasse même en émotion
celle que Cécilia Bartoli délivre dans son Vivaldi album, une référence par ailleurs.
Ce Farnace ambigu, autoritaire et fragile à la fois, trouve en
Marina de Liso, une épouse tout aussi sensible qui, sans
posséder le velours de Sara Mingardo – Tamiri au disque
– sait restituer avec noblesse et générosité
les tourments de la reine. Mise à mal au départ par les
notes graves de « Combattono quest’alma »,
elle parvient à surmonter ensuite les difficultés du
rôle pour lui donner sa pleine expression. Le récitatif
accompagné du 2e acte « Quest’è la
fè spergiura » s’avère à cet
égard exemplaire.
On sera moins indulgent avec les trois autres interprètes
féminines. Le soprano léger de Céline Scheen,
charmant au demeurant mais bien étroit pour endosser
l’armure de Gilade, transforme le délicieux
« Scherza l’aura lunsighiera » en aria pour
soubrette. Le timbre de Gloria Banditelli manque trop de
séduction pour que son personnage de femme fatale paraisse
crédible. La virtuosité d’Adriana Fernandez
n’est pas à remettre en cause mais les fureurs et les
noirceurs de Bérénice restent étrangères
à son tempérament.
Les deux autres interprètes masculins laissent une impression
beaucoup plus favorable même si leur rôle est moins
développé – un air et un duo pour Aquilio, deux
airs et un quatuor pour Pompeo. Lawrence Zazzo, surtout, enthousiasme,
par la justesse de l’intonation, par le maintien et par la
longueur du souffle que l’allure frénétique de
« Sorge l’irato nembo » ne parvient pas
même à entamer.
Mais, s’il faut décerner une palme alors elle revient sans
hésitation à Jordi Savall dont la direction se
révèle un modèle d’équilibre et de
limpidité. Tout en évitant les excès tumultueux de
certains baroqueux, à mille lieux aussi d’autres
interprétations dont la raideur et la maigreur asphyxient, le
chef catalan, d’une battue souple et mesurée, conduit le
Concert des Nations vers une certaine perfection, tant au niveau de la
sonorité des instruments, de l'homogénéité
des pupitres et de la variété du continuo que de la
justesse des tempi. Ainsi emmené, l’intérêt
ne retombe jamais. Mieux encore, on en vient presque à se
laisser prendre par les circonvolutions dramatiques du livret. Les
familiers des opéras seria prendront ainsi la mesure de l’exploit.
Christophe Rizoud
Note
(1) Furio Zanasi, Gloria Banditelli, Adriana Fernandez et Fulvio Bettini
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