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PARIS
10/11/2007
Jean-Christophe Keck © DR
Jacques OFFENBACH
Un Festin chez Offenbach
Arrivée des convives
La Vie parisienne (1866)
finale de l’acte II (extrait) « Par Saint-Crépin »
Un petit verre d’apéritif…
Croquefer (1857)
chanson à boire « A vos santés, je bois »
… accompagné de pâté en croûte
Geneviève de Brabant (1867)
rondo du pâté « C’est un pâté qui renferme »
Les soupes
Les bergers (1865)
ensemble « Vive la soupe aux choux »
Les entrées
Tomb-al-ca-zar (1856)
couplets du jambon de Bayonne
Les viandes
Quelques côtelettes d’agneau…
Pomme d’Api (1875)
trio du grill
…suivies d’un rosbif bien saignant…
Madame l’Archiduc (1874)
duetto bouffe anglais « Oh ! Ce rosbeef very fine… »
…agrémenté de quelques truffes…
Le Fifre Enchanté (1864)
quintette de la truffe « Holà ! Quelqu’un ! »
…le tout bien arrosé de vin vieux
Une Nuit blanche (1855)
chanson à boire « Aimons le vin »
Du thé en guise de trou normand
Geneviève de Brabant (1867)
rondo du thé, « Je ne connais rien au monde… »
Pour les gros mangeurs, un petit pot au feu
Robinson Crusoé (1867)
couplets du pot-au-feu « Je prends un vase de terre »
Le plateau de fromages…
Le Soldat magicien (1864)
couplets « Comme ils sont ingrats les hommes »
…accompagné d’un vieux Morgon.
Monsieur et Madame Denis (1862)
ensemble « Allons, buvons, allons, trinquons »
Place aux desserts
L’Ile de Tulipatan (1868)
couplets de Théodorine « Je vais chercher les petites cuillères »
Madame Favart (1878)
couplets de l’échaudé « Quand du four, on le retire »
Pour accompagner le dessert, rien ne vaut un bon pichet d’eau claire !
La Chanson de Fortunio (1861)
couplets de Valentin « Ma chère eau pure »
Pas de café sans chocolat
Maître Péronilla (1878)
couplets du chocolat « Oui, je le dis et m’en fais gloire »
Un dernier verre et un petit galop…
La Princesse de Trébizonde (1869)
brindisi et galop « O malvoisie, liqueur choisie »
…pour que finalement tout tourne
La Vie parisienne (1866)
finale de l’acte III (extrait) « Tout tourne, tout danse »
Ghyslaine Raphanel, soprano
Jeanne Marie Levy, soprano
Éric Huchet, ténor
Frank T'Hézan, ténor
Frédéric Bialecki, baryton
Orchestre Pasdeloup
Direction, Jean Christophe Keck
Paris, Théâtre du Châtelet, le 10 novembre 2007, 16h00
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Bon appétit !
Sa musique est un hymne au plaisir en général et aux
joies de la table en particulier - on ne compte plus les
« buvons » et « mangeons »
qui émaillent ses couplets - et pourtant Jacques Offenbach avait
un appétit frugal, se contentant pour son déjeuner
d’une simple noix de côtelettes d’agneau et
d’un œuf à la coque agrémenté de
quelques mouillettes. On cherchera en vain dans un tel régime
les cinq fruits et légumes quotidiens recommandés
aujourd’hui par les nutritionnistes mais on y trouvera les
raisons de sa maigreur, maigreur que s’employèrent
à brocarder les humoristes de l’époque. On en veut
pour preuve la caricature utilisée par Jean-Christophe Keck et l’Orchestre Pasdeloup comme illustration de leur dernier enregistrement : Le financier et le savetier et autres délices.
On retrouve justement cet après-midi au Châtelet la
même équipe autour de Jacques Offenbach et d’un
programme alléchant, composé comme un repas de
fêtes avec entrées, plats et desserts au pluriel, le tout
copieusement arrosé de vins, multiples également. La
sobriété du compositeur ne l’empêchait pas
dès qu’il en avait l’occasion d’exprimer en
musique son goût pour la bonne chère. Cela nous vaut des
morceaux au titre savoureux comme le rondo du pâté, les couplets du chocolat, du pot-au-feu et du jambon de Bayonne ou encore le quintette de la truffe.
Il y a d’ailleurs dans les partitions d’Offenbach, si
l’on en croit Jean-Christophe Keck, suffisamment de
références culinaires pour proposer plusieurs concerts
gastronomiques ; le musicologue n’a eu que l’embarras
du choix. Il semble avoir cette fois privilégié, pour
notre plus grand plaisir, des pièces inédites. En effet,
mis à part les deux finales de La vie parisienne et, dans une moindre mesure, le trio du grill de Pomme d’Api,
aucun des extraits proposés n’est connu. Ils sont
même pour la plupart tirés d’œuvres totalement
oubliées. Qui a déjà entendu parler de Monsieur et Madame Denis, Le soldat magicien ou de Maître Péronilla ?
Ce dernier titre nous vaut une anecdote émouvante
racontée par Jean-Christophe Keck entre la poire et le fromage
comme le veut la tradition. Maître Péronilla
est une opérette en 3 actes composée en 1878, soit deux
ans avant la mort du compositeur, dont il rédigea lui-même
le livret. On sait le prix que Jacques Offenbach attachait à sa
nationalité française. On sait aussi les attaques que lui
valurent en 1870 ses origines allemandes et combien il en souffrit. On
imagine alors la signification que pouvait prendre pour lui ce livret.
Las, un mauvais journaliste en quête de scandale l’accusa
de plagiat. L’affaire fut portée en justice, Jacques
Offenbach innocenté mais il en demeura meurtri au point que sur
son lit de mort, il clamait encore son innocence. Les couplets du
chocolat extraits de Maître Petronilla en prennent une autre saveur, celle amère du cacao.
Il s’agit en fait du seul plat saumâtre car pour le reste
on ripaille joyeusement. Le frichti, on s’en doute,
n’appelle pas la mélancolie. Sentences
épicuriennes, onomatopées, jeux de mots et jeux de sons
composent l’ordinaire, le tout assaisonné de
mélodies succulentes et de rythmes réjouissants. Pour peu
qu’on ait l’oreille gourmande, on se régale, on se
bâfre, on se goinfre, on mange tant et plus qu’à la
fin on frôle l’indigestion. On souhaiterait finalement un
peu plus de modération dans la composition du menu car tous ces
mets n’ont pas été cuisinés pour se
succéder selon la seule logique de leur nom ou de leur sujet.
Jacques Offenbach, en homme de théâtre, ne laissait pas
leur organisation au hasard et cherchait au contraire à
contraster les saveurs afin que la recette, tant gustative que
financière, soit la meilleure possible.
Sur scène, les marmitons connaissent leur tambouille.
Jean-Christophe Keck est aujourd’hui le grand chef de la cuisine
Offenbach, reconnu en France et à l’étranger comme
le spécialiste de la question. On attend d’ailleurs avec
gourmandise d’en savoir plus sur Orphée 58,
le label qu’il vient de fonder pour promouvoir les œuvres
du père de La Belle Hélène. L’Orchestre
Pasdeloup, qu’il dirige à l’occasion de ce festin,
est l’un des partenaires du projet. L’entente entre le chef
et les instrumentistes ne fait pas de doute. L’ensemble ne manque
pas d’entrain même si le son peut parfois sembler trop
nourri pour des œuvres qui vraisemblablement ne
bénéficièrent pas toutes en leur temps d’un
effectif aussi fourni. Mais on a trop souvent grogné
après les orchestrations réduites pour bouder notre
plaisir.
Les chanteurs sont aussi à la fête même si on
aimerait que derrière ces vétérans du chant se
profile une relève. Seul Frédéric Bialecki avance timidement la toque. On se console en retrouvant le timbre clair et la diction précise d’Eric Huchet, ténor déjà apprécié dans Le financier et le savetier,
qui sait comme rarement combiner l’humour et la
délicatesse, souligner le trait sans le grossir, rendre son
chant sensible sans qu’il paraisse mièvre.
On voudrait aussi que se dessine une relève dans le public.
Est-ce l’heure du concert, on comptait dans la salle plus de
têtes blanches que de têtes blondes. On sait que la musique
d’Offenbach est un élixir de jeunesse mais il n’y a
pas d’âge pour une cure de jouvence, ni en ces temps de
malbouffe, pour un bon repas.
Christophe RIZOUD
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