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Jacques OFFENBACH (1819-1881)
Le financier et le savetier
et autres délices...
Le financier et le savetier
Opérette-bouffe en 1 acte
de Jacques Offenbach (version de Paris - 1856)
Livret d'Hector Crémieux (et Edmond About)
Aubépine : Ghyslaine Raphanel
Belazor : Franck Thézan
Larfallou : Eric Huchet
Premier invité : Frédéric Bialecki
et autres délices ...
Madame Favart
- Ouverture
- Romance de Justine « Prenant mon air le plus bénin »
(Ghyslaine Raphanel)
Les Bavards
- Romance de Roland « Sans aimer, ah ! Peut-on vivre »
(Eric Huchet)
Dragonette
- Couplets de Dragonette « Oui, j'ai menti »
(Ghyslaine Raphanel)
L'Ile de Tulipatan
Duo Hermosa, Alexis « J'aime tout ce qui sonne »
(Ghyslaine Raphanel, Eric Huchet)
Fantasio
- Prélude de l'acte II
- Romance d'Elsbeth « Psyché, pauvre imprudente »
(Ghyslaine Raphanel)
La fille du tambour-major
- Tarentelle de Robert « Nous étions à Novare »
(Frédéric Bialecki, Ghyslaine Raphanel)
Orchestre des Concerts Pasdeloup
Direction Jean-Christophe Keck
Enregistré les 13, 14 et 16 novembre 2006
à Notre-Dame du Liban à Paris
Durée 66’58
Universal Music Classics France – 442 8964
Les mélodies du bonheur
Beni soit Jean-Christophe Keck qui, outre le travail musicologique réalisé sur les partitions de Jacques Offenbach (on pense notamment à l’édition critique de La grande duchesse de Gerolstein mais les exemples abondent), exhume et enregistre de véritables petits trésors. Ainsi, Le Financier et le Savetier,
opérette bouffe en un acte, neuf scènes et sept
numéros dont la truculence n’a rien à envier
à d’autres œuvres plus connues du même
compositeur. On y retrouve en effet un bon nombre des qualités
admirées chez ses grandes sœurs - Orphée aux enfers, La Belle Héléne ou La Périchole - mais dans un format plus réduit.
La subversion, en premier. Offenbach et ses librettistes ne
s’attaquent pas cette fois à l’antiquité mais
à ce brave La Fontaine. A rebours de la fable Le savetier et le financier, l’opérette
du même nom - ou presque, on notera l’inversion des mots
qui fait toute la différence - revendique une immoralité
insolente en consacrant le triomphe de l’argent, qui plus est,
acquis d’une manière, sinon malhonnête, du moins
hasardeuse : le jeu.
On trouve également, huit ans avant le « roi barbu
qui s’avance, bu qui s’avance », le même
plaisir à jongler avec les syllabes (« il faut
qu’un bon savetier save, save, save… », Fable
d’Aubépine, n°2) et à jouer des pataquès
(« j’ai z’un million, j’ai z’un vrai
million», trio, n°5).
Musicalement, il règne dans Le financier et le savetier ce
même mélange de frénésie et de fantaisie que
vient subrepticement tempérer une bouffée de
mélancolie ; ici, la première partie du duo entre
Aubépine et Larfallou (n°4) qui n’est pas sans
évoquer le duo « O beau nuage qui
voyage » entre Pauline et le baron dans La vie Parisienne.
Et en poussant le bouchon encore un peu plus, on peut voir dans le
compliment bébête qu’adresse Aubépine
à son papa devant ses invités (n°1) une
première esquisse de la chanson d’Olympia - les vocalises
en moins, heureusement pour Ghyslaine Raphanel.
Comme un bonheur n’arrive jamais seul, l’enregistrement de
la pièce s’accompagne de huit autres délices dont
le duo entre Hermosa et Alexis dans L’île de Tulipatan où
la jeune fille, véritable garçon manqué, tente de
séduire le prince, un brin efféminé, en lui
confiant son goût pour les instruments de musique. Subversion
toujours, Hermosa - la fille - est interprétée par un
ténor alors que le rôle d’Alexis - le garçon
- est dévolu à la soprano. Le morceau sert de
prétexte à une imitation désopilante par le
chanteur des trombone, tambour, trompette et violoncelle ; il
mérite à lui seul le détour.
D’une écriture plus savante encore, l‘extrait de La fille du tambour major n’est
pas moins incontournable, par l’entrain de la mélodie mais
aussi par la façon dont la musique, sans se départir de
sa cadence effrénée, se met au service de l’action.
Robert, poursuivi à Milan par la police italienne, choisit de
raconter ses aventures sur fond de tarentelle – une danse on ne
peut plus couleur locale - afin de ne pas se faire repérer. A
chaque fois que passe la patrouille, le son du tambourin interrompt le
récit de manière comique.
Ce morceau donne aussi l’occasion de mieux apprécier
Frédéric Bialecki qui, en tant que Premier invité
dans Le financier et le savetier,
se contentait de donner la réplique. Il constitue, avec Eric
Huchet, le point fort de cet enregistrement, par la clarté de la
diction – il faut dire que, à cet égard, tous les
chanteurs sont ici irréprochables – mais aussi par la
franchise de l’accent et la jeunesse du timbre.
Autant de qualités qui, pour le ténor comme le baryton,
participent à l’exacte interprétation d’un
répertoire dont la fragilité n’est pas un vain mot.
Il faut un certain art du chant pour lui rendre justice ; il faut
savoir trouver le ton. Combien de chanteurs d’opéras se
sont pris les pieds dans le tapis à s’y employer –
il leur manque le naturel ; combien de comédiens n’y
sont pas mieux parvenus – la voix leur fait défaut.
Sans posséder la même vitalité que Les musiciens du
Louvre – Jean-Christophe Keck n’est pas Marc Minkowski -
l’Orchestre des Concerts Pasdeloup démontre son
affinité avec la musique légère, fidèle
à la tradition des « concerts populaires »
dont Jules Pasdeloup fut en son temps le chantre. Le chef
d’orchestre, contemporain d’Offenbach, mourut en 1887. Cent
vingt ans après, il continue ainsi d’incarner une
tradition. On aimerait qu’elle perdure et, mieux encore,
qu’elle se développe car si la morale du financier et du
savetier, revu et corrigé par Hector Crémieux, est que
l’argent fait le bonheur, on ajoute sans hésiter –
et ce disque le confirme encore - qu’Offenbach aussi !
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