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TOURS 
(Grand Théâtre)

(photo François Berthon - tous droits réservés)

Fidelio

Opéra en deux actes de Ludwig van Beethoven

Leonore : Deborah Riedel
Florestan : Daniel Galvez-Vallejo
Marzelline : Inge Dreisig
Rocco : Gregory Reinhart
Don Pizarro : Stephen Owen
Jacquino : Etienne Lescroart
Don Fernando : Antoine Garcin
1er prisonnier : Pierre Rousseau
2ème prisonnier : Justin Bonnet

Direction musicale : Jean-Yves Ossonce

Mise en scène : Albert-André Lheureux
Décors et costumes : Jean Maillot
Lumières : Richard Créceveur
Chef des Choeurs : John S. Craven

Orchestre Symphonique de Tours
Choeurs de l'Opéra de Tours
Lyric Chorus
 

Grand Théâtre de Tours
05/06/2002



Jean-Yves Ossonce, directeur du Grand Théâtre de Tours depuis 1999, est l'un des derniers représentants français d'une belle tradition : celle qui consistait à rassembler en une même âme et en un seul coeur la direction musicale puis la direction artistique et générale d'une maison d'opéra. Autrement dit, Jean-Yves Ossonce connaît tous les recoins de son théâtre, de la fosse au grenier. Aussi efficace en maître d'oeuvre de travaux de rénovation qu'au pupitre ou dans les rendez-vous avec les partenaires financiers du théâtre, l'énergique directeur général, artistique et musical plaît à sa région ; qui n'a d'ailleurs pas craint de combiner récemment pour lui, en une seule entité, l'Orchestre Symphonique de Tours et l'opéra de la ville. Ainsi, le déjà très occupé Ossonce se retrouve à la tête d'un véritable complexe musical : le joliment nommé Grand Théâtre Lyrique et Symphonique. Autant vous dire que ce directeur-là vit des saisons tourangelles chargées. 

Alain Colloc, ici même, a déjà écrit sur cet unique opéra de Beethoven, dernière production de la saison mais, quelques jours avant sa venue, la Marzelline dont il parle lui, fut victime d'un imprévisible ennui de santé. A la première, Talia Refeld ne jouait donc pas Marzelline et Inge Dreisig, qui avait travaillé ce rôle voilà quatre ans, fut appelée en catastrophe à onze heures trente du matin le jour de cette fameuse première pour la remplacer. A dix-sept heures, elle lisait le rôle avec orchestre et le donnait au public tourangeau à vingt. On ne vous parle pas du temps considérable qu'elle dut passer dans les transports puis à la salle des retouches une fois arrivée, pour le costume et la perruque, ensuite avec le metteur en scène et le directeur musical : tout ceci en moins de huit petites heures. Evidemment, ce bouleversement inévitable eut une incidence sur une partie du premier acte. Les ensembles se sont retrouvés parfois déséquilibrés, manquant un peu de cohésion, la brusque apparition d'Inge n'a pas rassuré le vocalement frêle Etienne Lescoart, qui eut bien du mal à donner du corps à ses répliques d'amoureux. Comme l'orchestre était sonore mais peu fourni, le plateau se devait d'être impérativement présent et dans l'ensemble, les chanteurs ont mis du temps à répondre souplement aux injonctions venues de la fosse.

Contre tout attente, la méritante Inge Dreisig ne passe ni à côté des détails de la mise en scène, ni à côté de son premier air dans lequel sa confiance n'est pourtant sans doute pas maximale. Deborah Riedel, dont c'était la première dans ce rôle, joue un Fidelio d'emblée convaincant contrairement à Stephen Owen qui n'est pas un gouverneur d'une qualité vocale homogène quoique fort bon acteur. Toutefois, ses colères de tiran éthylique sont les traits vocaux les mieux réussis du premier acte.

A l'inverse, le deuxième acte fut parfaitement irréprochable. L'entracte aidant peut-être mais le niveau des chanteurs le permettant, l'entière équipe scénique trouve ses vraies marques au second lever de rideau. Le choeur, qu'on avait trouvé un peu mate, change de figure et devient progressivement de la trempe des meilleurs choeurs symphoniques, comme extirpé d'un enregistrement de référence de la 9e symphonie (du même compositeur). Si les chanteurs se cherchaient un peu sur le plateau précédemment, tout est maintenant absolument rodé. Le Rocco de Gregory Reinhart relève la tête à mesure que l'argument de l'opéra s'illumine bien que l'alliage Rocco-Don Pizarro fut toujours impeccable. En somme, à la libération de Florestan, tous les chanteurs présents sur plateau se montrent sous leur meilleur jour et l'arrivée vocale d'Antoine Garcin, alias Don Fernando venu délivrer officiellement les prisonniers, couronne le tout bien somptueusement.

L'orchestre, quant à lui, toujours vigilant, sonne spécifiquement symphonique ce qui rend plus que remarquable l'ouverture du second acte présentant Florestan enchaîné. Les dialogues des instruments solistes de l'orchestre avec les chanteurs ont toujours été tout à fait réussis.
L'admirable de la soirée fut le personnage-clé du drame, le touchant prisonnier Florestan, transfiguré par l'excellent Daniel Galvez-Vallejo. La scène au cachot est pleine de qualités : que dire du superbe duo Leonore-Rocco, de celui des deux amoureux, du brillant mariage des timbres des trois chanteurs, du discret et attentif orchestre, de la belle direction d'acteur d'Albert-André Lheureux, enfin de l'argument-même, cette effrayante visite au gouffre qui amène Leonore à creuser le caveau de son époux ?

La direction de Jean-Yves Ossonce très précise et très souple, efficace et dynamique, ne délaisse jamais rien. Dans ses gestes, tout est dit, des plus subtiles nuances aux petites inflexions de dernière minute venues du plateau. Tout l'orchestre s'est imposé une réelle discipline du timbre, soignant toute une palette d'attaques, génératrice d'ambiances sonores bien différentes et dans l'ensemble bien plus classiques que romantiques. En cette fin de saison tourangelle, Fidelio héritait donc bien plus de Mozart finissant que de Berlioz à venir et cela tout à son honneur.
 
 

Pauline Guilmot
Lire l'avis d'Alain Colloc
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