Assister à la première
de Fidelio ce dimanche 27 janvier est une curieuse expérience car
s'y sont mêlés le public habituel des matinées du dimanche
et le public des premières prêt à toutes les petites
perfidies et à sonner la charge au moment des saluts.
Ce "choc des cultures" était
d'autant plus original que la mise en scène de Deborah Warner (il
s'agit d'une production importée du festival de Glyndebourne) projette
l'unique opéra de Beethoven dans un univers de béton, de
grillages et d'armoires métalliques avec des costumes volontairement
ternes, le tout baigné dans un éclairage glauque mais superbe
de Jean Kalman. Cette modernité n'est absolument pas choquante sur
le principe tant l'histoire de Fidélio est universelle. Dans cet
univers, la direction d'acteur de Deborah Warner fait mouche et démontre
qu'elle est un grand metteur en scène de théâtre et
d'opéra. Ceci est particulièrement vrai pendant les dialogues
parlés. Par contre, durant les airs et les ensembles, l'action devient
parfois plus statique mais la faute en incomberait plutôt à
la construction dramatique de la partition qui fait baisser la tension.
C'est d'ailleurs la principale faiblesse de cet opéra dont les airs
hyper classiques se succèdent sans donner un véritable élan
à l'histoire. Restent des moments superbes comme la sortie des prisonniers,
l'air de Florestan ou le final triomphal.
Ce final fait l'objet d'un traitement
quelque peu surprenant car la liesse populaire se déroule sous la
neige avec des choristes qui pataugent dans les flaques. Le contraste entre
une musique éclatante et le caractère un peu sinistre de
la vision de Warner laisse une impression bizarre et a surpris très
certainement une partie du public. Le public de première en a bien
entendu profité pour siffler copieusement le metteur en scène
et son équipe. Pourtant, même dans cette scène, on
peut admirer le travail de détail réalisé avec les
chanteurs avec, en particulier, les tentatives timides et tendres de Jaquino
pour reconquérir la pauvre Marzelinne. Il n'y parviendra pas ce
qui renforce la mélancolie générale.
La distribution est très homogène
et d'un très bon niveau musical même si aucun des chanteurs
de nous offre une interprétation exceptionnelle. Petit bémol
: les interprètes féminines et en particulier Lisa Milne
(Marzelinne) sont parfois noyées par l'orchestre dans les notes
graves.
Les grands vainqueurs de cette représentation
sont Sir Simon Rattle et l'orchestre the Age of Enlightenment, qui nous
dévoilent toutes les richesses de la partition orchestrale (ce qui
souligne un peu durement peut être les faiblesses de la partition
vocale). Tout au long de l'opéra, Rattle, joue avec bonheur sur
les rythmes et les nuances (le prologue du deuxième acte est époustouflant).
Cela passera pour une lapalissade mais la venue d'un Rattle (au même
titre qu'un Ozawa) nous font regretter d'avoir à subir trop souvent
des tâcherons dans les fosses des grandes maisons parisiennes.
- lire également
l'avis de Placido Carrerotti -