Photo - Ren*e Fleming
Renée contre les phtisiques
Après le rendez vous manqué
de juin 2000, (annulation du récital et abandon du rôle de
Louise), Renée Fleming honore de sa présence le Théâtre
du Châtelet plusieurs fois cette année. Première étape
: ce récital qui s'est terminé dans une ambiance de concert
rock.
Il faut dire que Madame Fleming est
très habile dans la programmation de ses récitals. Le deux
parties ont démarré chacune avec des mélodies en demi
teinte et sensuelles (4 mélodies de Joseph Marx et Les Chansons
de Bilitis de Debussy et Louÿs) pour terminer sur des mélodies
(4 mélodies de Strauss et 6 mélodies de Rachmaninov) plus
lyriques où elle a pu développer jusqu'à plus soif
la beauté de son timbre chaud.
Car jeudi soir, Renée Fleming
était dans une forme vocale éblouissante. Certes, certains
feront d'élégants chichis sur quelques aigus très
légèrement blanchis et deux ou trois attaques prises par
en dessous et peut être une tendance à sacrifier la netteté
du phrasé pour favoriser la beauté du chant (ceci est peut
être un peu problématique pour le Debussy). Mais dieu que
la voix est belle, pleine et la ligne de chant d'une tenue exemplaire !
Chaque mélodie est traitée comme une véritable aria
d'Opéra avec un investissement total de la chanteuse. Cela est particulièrement
frappant chez Strauss et Rachmaninov. Ainsi le Leise Lieder et le Ma belle,
ne chante plus pour moi étaient tout simplement stupéfiants
au point d'imposer un silence total à une salle pourtant bien bruyante
(voir plus loin).
Jean-Yves Thibaudet a accompagné
Rénée Fleming avec une complicité évidente,
son piano étant un support idéal pour mettre en valeur et
en relief le travail vocal de la chanteuse.
Mais, comme ce fut le cas à
Garnier lors de son premier et mémorable récital parisien,
Renée Fleming a gratifie son public d'une véritable troisième
partie de concert avec 6 rappels variés (Korngold, Strauss, Rachmaninov,
Elligton, et Previn) et tout aussi difficile vocalement (voire plus) que
le programme officiel. Elle a semblée d'autant plus libérée
des contraintes du programme que tous les petits défauts trouvés
ça et là ont disparu et le public s'est littéralement
déchaîné.
Un mot sur le public justement : à
l'écoute du nombre de raclements de gorges, de reniflements et surtout
de toux grasses dès l'arrêt de la musique (mais aussi parfois
pendant), on peut s'interroger sur l'opportunité de proposer une
relâche des concerts pendant la période hivernale ! Ce fut
à la limite du supportable, à tel point qu'un spectatrice
hystérique s'est mise à hurler contre les tousseurs à
l'entracte. Mais on peut se demander si toutes les toux sont le résultat
d'un pathologie virale ou si d'autres n'ont pas tendance à réagir
à un réflexe pavloviens (arrêt du son = remontée
glaiseuse) [ndlr : lire à ce sujet la critique
d'Hélène Mante sur un concert de Philippe Herreweghe
à Bruxelles]. A quand une équipe psychologique dans chaque
salle de théâtre ?
Pour ne pas finir sur cette note misanthropique,
le public a fait aussi preuve d'un très bel enthousiasme pendant
les rappels et aurait été prêt à rester la nuit
entière avec la diva. Tout le monde a aussi pu rire (ou sourire)
à l'arrivée d'un vieux Monsieur, habitué des salles
parisiennes avec son bouquet (gros pour la chanteuse, petit pour le pianiste)
il ne manquait plus que le panier de fraises des bois !
Bertrand Bouffartigue