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BLAGNAC
29/03/2008
Ensemble Les Passions dir. JM Andrieu
© © A.Huc de Vaubert
Jean GILLES (1668-1705)
REQUIEM
Motet Cantate Jordanis incolae
Chœur de Chambre Les Eléments
Les Passions, orchestre baroque de Montauban
Anne Magouët (dessus), Vincent Lièvre-Picard (haute-contre), Bruno Boterf (taille), Alain Buet (basse-taille)
Direction Jean-Marc Andrieu
31 mars 2008, Toulouse, Cathédrale Saint-Etienne
concert donné dans le cadre
de la 1ère Rencontre des Musiques anciennes en Midi-Pyrénées
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De grandioses funérailles
Montauban, un dimanche. La fine pluie enveloppe les briques du
Pont-Vieux et empêche de s’attarder sur la façade du
Palais épiscopal qui abrite le Musée Ingres. En attendant
la répétition générale du concert Jean
Gilles du lendemain, nous ne résistons pas à sa visite.
Après tout, les riches collections du musée
recèlent un instrument XVIIIème fortement
remanié : le fameux violon d’Ingres. On y admire
aussi l’un des tableaux favoris de Napoléon, le Songe d’Ossian,
ou encore d’admirables dessins de jeunesse datant du voyage
d’Italie de l’artiste. Mais trêve de détours
touristiques, venons-en au programme des Passions, l’orchestre
baroque de Montauban.
C’est dans le Théâtre Olympe de Gouges qu’a
lieu la répétition générale.
L’hémicycle à l’italienne accueille les
instrumentistes, le Chœur Les Eléments (Victoire de la
Musique 2005) et les solistes. Jean-Marc Andrieu a mené de nombreuses recherches afin de restituer la partition du Requiem de Jean Gilles au
plus près possible de son état originel, avant les
nombreuses modifications postérieures apportées tout au
long du Siècle des Lumières, abrogeant la marche de
timbales, rétablissant l’aspect Grand Siècle
d’une œuvre typique du grand motet versaillais qui fut
jouée pour les funérailles de Rameau et de Louis XV.
L’orchestre à quatre parties est précis, vif,
très « français » dans ses timbres.
Les articulations sont saillantes, les rythmes dansants bondissants. Un
serpent double le basson et confère une sonorité
enveloppante et poétique aux bois. Voilà le Requiem
de Gilles, dans sa lumineuse simplicité mélodique tel que
Campra a pu le diriger au Concert Spirituel. Accompagné de
confrères anglais, nous ressortons de la salle de concert avec
une démarche sautillante et légère, à la
fois heureux et troublés d’être tant ragaillardis
par l’audition d’une messe des morts.
Le lendemain. En la Cathédrale Saint-Etienne de Toulouse. La
même équipe a livré une interprétation
autrement plus bouleversante du Requiem.
Dans la grande nef, à l’acoustique moelleuse,
réverbérante et propulsant les graves en avant,
c’est un Jean-Marc Andrieu très inspiré qui a
dirigé avec vigueur une lecture quasi liturgique de
l’œuvre. Peut-être était-ce la magie des lieux
puisque nous étions à quelques mètres de
l’endroit où le motet fut interprété la
première fois, lors des funérailles de Gilles, en 1705.
Si les cordes ont montré des signes de faiblesse et une justesse
quelquefois approximative (excusables si l’on prend en compte la
température polaire qui régnait), les chœurs ont
fait preuve d’une extraordinaire cohésion et d’un
phrasé exemplaire, aidés par un continuo très
dynamique. Les Eléments,
aux pupitres équilibrés, ont modelé avec
rotondité chaque phrase, attentifs à laisser
s’effacer les notes sous les voûtes gothiques et
privilégiant le souffle grandiose du drame. Le contraste entre
les voix de dessus, féminines et transparentes, par rapport
à la masse du reste du chœur permettait en outre au chef
de jouer sur les climats et les couleurs.
Les solistes ont accepté avec humilité de se conformer
aux pratiques du temps en chantant dans le chœur. Leur
connaissance approfondie de ce répertoire, et des tessitures
spécifiques à la musique française est à
louer sans réserve : Bruno Boterf
s’est distingué par la noblesse et
l’égalité de son timbre, sa maîtrise de la
déclamation et des mezzo di voce. A ses côtés, Alain Buet,
à la voix grainée et profonde, a choisi la carte de la
puissance, projetant avec force et aisance ses notes, au risque de
perdre parfois en précision dans les mélismes et autres
passages un peu virtuoses. Enfin, Vincent Lièvre-Picard
s’est révélé un parfait héros de
tragédie-lyrique et sa voix se mêlait
particulièrement bien avec le dessus fruité d’Anne Magouët. Le Requiem était précédé du Motet Cantate Jordanis incolae,
autre exemple typique du grand motet d’une écriture
fastueuse et contrastée. Un enregistrement que l’on attend
avec impatience est prévu fin août, après
d’autres représentations aux Heures musicales de Lessay,
et aux Festivals de la Chaise-Dieu et de Sylvanès.
Viet-Linh NGUYEN
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