GUSTAVE III, LE RETOUR
Pour sa première saison messine,
Laurence Dale avait décidé de mettre à l'affiche le
rare Gustave III d'Auber,
ouvrage pour lequel il avoue une certaine fascination, et de le monter
en parallèle avec Un Ballo in Maschera qui exploite la même
trame. Puis, apprenant que la partition reconstituée de la première
mouture verdienne, Gustavo III, était disponible, il opta
pour cette dernière. Je n'entrerai pas dans les détails de
cette "reconstruction hypothétique", Yonel Buldrini
s'en est chargé avec la culture et le brio que nous lui connaissons.
Je ne m'engagerai pas plus dans le débat qui oppose ceux pour lesquels
cette partition est une simple supercherie et ceux qui lui reconnaissent
un réel intérêt musicologique. Il est certain cependant
que le parallèle avec le Grand Opéra historique d'Auber est
ici bien plus frappant et que, comme l'affirme Laurence Dale dans le programme
du spectacle, "cela sonne plus français ". L'expérience valait
donc la peine d'être tentée, d'autant que si elle met en évidence
certaines similitudes, elle permet également de mesurer toute la
différence qui existe entre l'art agréable d'Auber qui privilégie
le rythme et les éléments spectaculaires, et celui de Verdi
qui s'attache davantage à l'expression des sentiments de ses personnages.
Ce Gustavo III est présenté
dans le même dispositif scénique que son grand frère
français, quoique décliné sur une tonalité
plus sombre qui donne à l'ouvrage un caractère dramatique
plus accentué. Le décor ingénieux permet à
nouveau des enchaînements rapides tandis que les costumes respectent
le cadre historique. Nous retrouvons l'étrange cylindre dans lequel
la sorcière fait son apparition, le grand escalier de la scène
du gibet et les animaux légendaires suspendus au dernier acte. Le
char doré ne sert plus à Gustave pour faire son entrée,
mais réapparaît cependant dans le finale. Laurence Dale écarte
à nouveau toute tentation de relecture et utilise cette fois encore
des panneaux mobiles pour isoler les scènes intimistes. Il se montre,
par contre, un peu moins inspiré dans sa direction d'acteurs, parfois
très conventionnelle. La présentation scénique reste
très attractive et l'on apprécie en particulier des images
d'une grande beauté dans la scène du gibet et le finale.
Laurence Dale a souhaité travailler
pour cette production avec de jeunes chanteurs prêts à s'investir
réellement dans leurs rôles. Le roi est chanté par
le ténor australien Dominic Natoli, pâle Elemer à Nancy
la saison passée mais qui affiche ici des qualités intéressantes.
La voix est solide et saine, le timbre séduisant, l'artiste a de
la prestance, mais l'émission manque parfois de liberté et
l'expression de nuances. Brigitte Antonelli apparaît comme l'élément
le plus faible de la distribution avec une voix trémulante, à
l'aigu extrêmement douloureux. Le registre grave est en revanche
bien assumé et l'artiste montre une réelle sensibilité
dans sa prière puis dans son grand air du troisième acte.
Sans doute mériterait-elle d'être entendue dans un rôle
plus conforme à ses moyens. Marc Mazuir donne quelques signes d'engorgement
à son entrée, mais se libère rapidement et séduit
alors par l'homogénéité et la noblesse du timbre ainsi
que par un beau legato. Il est particulièrement convaincant
dans son air de la vengeance.
Récente lauréate du concours
national des Voix d'or, la jeune Laure
Baert campe un Oscar très prometteur et plein de vitalité,
avec un physique juvénile et un timbre très frais. Cette
voix légère se révèle tout à fait à
l'aise dans les passages de virtuosité. Comme dans Gustave III,
on retrouve la sorcière de la Sicilienne Patrizia Patelmo avec les
mêmes atouts (un timbre prenant et une présence scénique
convaincante) et les mêmes défauts d'instabilité de
la voix. A l'arrivée, elle nous offre une Ulrica très intéressante,
sans ces poitrinages excessifs qui hypothèquent les prestations
de beaucoup de ses consoeurs. Enfin, les seconds rôles sont nvenablement
distribués.
J'ai apprécié la direction
musicale du chef hongrois Janos Fürst, très attentif à
la dynamique et qui assure un excellent équilibre entre la fosse
et le plateau. Il confère beaucoup d'animation aux ensembles, très
enlevés et réussis. La prestation de l'Orchestre National
de Lorraine ne nous a, en revanche, pas pleinement convaincus. Il sonne
parfois assez pauvrement sans que l'on sache mesurer exactement la part
imputable à l'acoustique assez sèche de la salle. L'application
et l'implication des choeurs méritent en revanche d'être soulignées,
alors que le ballet fait une discrète apparition au dernier acte.
Aux saluts, Laurence Dale fait monter sur scène machinistes et instrumentistes.
Ainsi tous les participants de cette passionnante double production auront
été mis à l'honneur. Il nous faut une fois encore
saluer l'engagement, remarquable, de toutes les forces de l'Opéra
de Metz, une scène vivante et dynamique qui mérite désormais
toute notre attention. Prochain rendez-vous : la Médée
de Cherubini.
Vincent Deloge
_________
Pour aller plus loin, lire dans
la revue Forum Opéra :
* le dossier de Yonel BUKDINI
consacré au Gustavo III
de Verdi