C O N C E R T S 
 
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MARSEILLE
23/12/04
© Opéra de Marseille
LES CONTES D'HOFFMANN

Opéra en cinq actes de Jacques OFFENBACH

Livret de Jules Barbier 

Création à Paris à l'Opéra-Comique le 10 février 1881 
Dernière représentation à l'Opéra de Marseille le 13 mai 1986 

NOUVELLE PRODUCTION 
En coproduction avec les opéras de Lausanne et de Bordeaux 

Version musicale établie pour l'Opéra de Lausanne 
D'après la nouvelle édition de Jean-Christophe Keck

Direction musicale : Stéphane Denève
Mise en scène et costumes : Laurent Pelly
Réalisation : Christian Rath
Décors : Chantal Thomas
Lumières : Joël Adam
Adaptation des dialogues et dramaturgie : Agathe Mélinand
Costumologue : Donate Marchand
Vidéaste : Charles Carcopino

Distribution

Olympia, Antonia, Giulietta, Stella : Patrizia Ciofi
Nicklausse, la Muse de la poésie : Sarah Jouffroy
La Mère : Anne Salvan
offmann : Gordon Gietz
Lindorf, Coppélius, Dapertutto, Doc. Miracle : Nicolas Cavallier
Andrès, Cochenille, Frantz, Pitichinaccio : Steven Cole
Crespel : Michel Trempont
Hermann, Schlemil : Patrice Berger 
Nathanaël : Vincent Ordonneau
Luther : François Castel
Spalanzani : Christophe Mortagne

Orchestre et choeurs de l'Opéra de Marseille
Chef des Choeurs : Pierre Iodice

Représentations données à l'Opéra de Marseille
les 21, 23*, 26, 28 et 31 décembre 2004


Jacques Offenbach mourut le 5 octobre 1880, pendant les répétitions de son ouvrage le plus ambitieux, sans lui avoir donné sa forme définitive, ne serait-ce que sous une réduction piano-chant complète, et sans avoir pratiqué les aménagements (coupures, déplacements, substitutions) dont il était coutumier.

Cet inachèvement a donné lieu à des versions multiples. L'Opéra de Marseille présente actuellement la dernière née, fruit du travail du chercheur et musicologue Jean-Christophe Keck. Dans son édition, établie avec le souci de s'approcher le plus possible des intentions d'Offenbach, des passages ont été réintroduits, comme l'intégralité de la scène des esprits et celle de la Muse au prologue, voire reconstitués, tel le duo Stella-Hoffmann de l'Epilogue. L'acte d'Olympia est enrichi d'une scène inédite imaginée par Offenbach pour Nicklauss, le trio des yeux est réorchestré. L'acte de Giulietta, le quatrième comme à l'origine, est traité en un seul tableau comme dans la version Guiraud mais Schlemil meurt dans la première partie et Dapertutto perd le Scintille diamant introduit à Monte-Carlo en 1904 pour gagner un air inédit, enfin, le finale de l'acte redevient celui composé par Offenbach la veille de sa mort, mais la dramaturgie est modifiée : Giulietta meurt, comme Olympia et Antonia.

C'est donc une version largement nouvelle que le public de Marseille, après celui de Lausanne et avant celui de Bordeaux, est invité à découvrir. Cette coproduction a été confiée à Laurent Pelly, signataire avec ses partenaires Chantal Thomas et Agathe Mélinand de réussites éclatantes avec les opéras-bouffes Orphée aux Enfers, La Belle Hélène et actuellement La Grande Duchesse de Gerolstein.


© Opéra de Marseille

Naguère, Marseille avait accueilli sa Périchole douce-amère. C'était un défi pour lui que de s'attaquer à cette oeuvre à dominante sombre, placée sous le sceau de la trahison et de la mort, au propre comme au figuré. De Lausanne à Marseille, il nous semble que la production a encore gagné. N'hésitons pas à dire qu'il s'agit d'un travail désormais classique, c'est-à-dire digne d'être enseigné dans les écoles. Laurent Pelly épouse l'histoire d'Hoffmann et lui assure une totale lisibilité, éclairant le personnage depuis ses velléités initiales jusqu'au désenchantement final, révélant les rapports entre les différents protagonistes par une direction d'acteurs et une maîtrise de l'espace qui suscitent l'admiration.

Un dispositif scénique de panneaux amovibles, susceptibles de pivoter, de glisser, de se séparer et de se rejoindre, sans compter l'exploitation des coulisses et des cintres, constitue une gageure technique - pas moins de 59 changements ! - qui crée des espaces variés, du plus rassurant au plus inquiétant, réalistes ou mystérieux, confère une fluidité aux enchaînements de scènes et contribue à installer l'atmosphère fantastique sans recourir au grand guignol.

Pas de couleurs vives ou gaies ; beaucoup de gris, de noir, des verts glauques, de bleus sombres .Les costumes, contemporains de la création de l'oeuvre, sont volontairement éteints ; L'essentiel n'est pas décoratif : ni verres pour les buveurs de la taverne, ni cornues dans le laboratoire de Spalanzani, juste des images projetées pour un oeil affolé pendant le trio et la vision de la mère pour Antonia qui renforcent le sentiment d'inquiétude.

Décor réaliste d'un palier et d'une volée d'escaliers qui s'escamote et laisse un vide béant entre les amoureux, puis réapparaît et les réunit dans le lyrisme de l'effusion pour devenir l'instant d'après la cage étouffante où meurent les aspirations .Salon vénitien qui au rythme de la barcarolle se balance dans le remous de la lagune et les écoeurements des orgies... Tout serait à mentionner !

Outre la force exceptionnelle de cette mise en scène, la musique et le chant sont remarquablement servis. Le rôle -titre est interprété par le ténor Gordon Gietz. A un physique séduisant et juvénile, s'ajoute une grande musicalité, à notre avis le principal intérêt de sa prestation ; certains pourront regretter des aigus prudents, surtout au début, et un éclat modeste ; mais Hoffmann n'est pas un vainqueur et l'adéquation entre la voix et le personnage nous a paru satisfaisante.

Conformément au souhait d'Offenbach, la même cantatrice incarnait les quatre rôles féminins. Après sa Traviata de Venise, Patrizia Ciofi affronte ce nouveau défi. Désormais bien connue du public français, elle livre le meilleur d'elle-même. Aucune trace du voile parfois perceptible, une maîtrise des difficultés qui les ferait oublier et un engagement qui lui permet de se renouveler d'un personnage à l'autre, une projection sans défaut, un français presque parfait, voilà bien des motifs de louange et de satisfaction ; son Antonia en particulier en a bouleversé plus d'un.

Nicolas Cavallier campe les méchants. Enlaidi par un maquillage discrètement expressionniste, d'un personnage à l'autre, ce solide chanteur impose la volonté de nuire, de détruire, de toute l'autorité d'une voix saine, à aucun moment engorgée ni forcée.

Nicklauss et La Muse reviennent à Sarah Jouffroy. Muse très attirante, travesti crédible, ce mezzo nous a semblé bien clair, sans réserve dans le grave ; et son timbre ne nous a pas conquis. Mystère des résonances d'une voix ! Prestation honorable.

Anne Salvan est une Mère agréable à entendre, car sa voix ne présente pas les signes de fatigue trop souvent associés à ce rôle.

Les autres emplois masculins sont tous très bien tenus. Le vétéran Michel Trempont figure un Crespel juste et émouvant ; Patrice Berger, Vincent Ordonneau et François Castel, respectivement Hermann et Schlemil, Nathanaël et Luther, disent et chantent fort bien. Mention spéciale pour Christophe Mortagne, Spalanzani intrigant à souhait. Mais la palme revient à Steven Cole , qui, des quatre rôles mineurs que sont les serviteurs, parvient à tirer autant de compositions savoureuses tout en faisant valoir une projection d'une clarté exemplaire et une désinvolture scénique de haute école , seuls moments de détente pour le public.

Les interventions des choeurs ne sont pas négligeables dans cet ouvrage ; hormis plusieurs flottements dans les attaques, la prestation d'ensemble est honorable. Grande satisfaction, en revanche, du côté de l'orchestre. Stéphane Denève, une étoile montante parmi les jeunes chefs français, a su donner à cette phalange pas toujours très réceptive une cohésion et une souplesse rarement entendues. Sa battue large et précise articule à merveille la fosse et le plateau; libère et contrôle l'énergie, dose les contrastes, en évitant le piège des rythmes mécaniques et trouve la pulsation juste qui laisse s'épanouir le lyrisme. La musique d'Offenbach en est ravivée et les mélodies les plus rabâchées retrouvent leur charme et leurs couleurs. Le public l'a bien perçu, qui a écouté jusqu'à la dernière note le finale avant d'éclater en longs applaudissements.
 
 

Maurice SALLES
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