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PARIS
17/12/2007
Simon Keenlyside
© Hanya Chlala
Récital Simon KEENLYSIDE, baryton
Julius DRAKE, piano
Robert SCHUMANN (1810-1856)
- Ballade des Harfners
- 12 poèmes de Justinus Kerner
Lust der Sturmnacht
Stirb, Lieb’ und Freud !
Wanderlied
Erstes Grün
Sehnsucht nach der Waldgegend
Auf das Trinkglas eines verstorbenen Freundes
Wanderung
Stille Liebe
Frage
Stille Tränen
Wer machte dich so krank ?
Alte Leute
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Franz SCHUBERT (1797-1828)
Der Wanderer an den Mond
An den Mond in eriner Herbstnacht
An die Leier
Geheimes
Blondel zu Marien
Prometheus
Der Wanderer
Dass sie hier gewesen
Die Sterne
Waldesnacht (im Walde)
*
Das Fischermädchen
L’incanto degli occhi
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Théâtre du Châtelet, Paris, le 17 décembre 2007
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Liederabend avec Simon Keenlyside
Quelques semaines après avoir incarné le Comte Almaviva des Nozze di Figaro, au Met dans la mise en scène de Jonathan Miller, dont on rendra compte par ailleurs, Simon Keenlyside offre une soirée de Lieder – Liederabend,
ça sonne tellement mieux – au Châtelet. Quel
contraste saisissant ! Nous avions quitté le baryton
londonien en comte violent, tapant du pied comme un grand enfant
capricieux à qui certaines résistent, et on le retrouve
dans le froid hiver de deux cycles de Lieder, dans la meilleure des traditions.
Car Simon Keenlyside est aussi à l’aise dans les habits de
tel ou tel héros du répertoire que dans un classique frac
devant un piano à queue. Vocalement, sa voix convient à
merveille à ce répertoire que les plus grands ont
illustré. Viril, naturel, puissant dans les passages
« Sturm und Drang », subtilement
théâtral, allégeant et éclaircissant sa voix
à bon escient, « alla Fischer Dieskau »,
sans se priver parfois du plaisir de balancer un aigu à pleine
voix, Keenlyside nous déroule, en un peu plus de deux heures,
une démonstration de chant époustouflante dans un
programme centré sur deux compositeurs qu’il a
déjà souvent servis (1), y compris au disque.
La première partie est consacrée à Schumann et débute avec la Ballade du Harpiste, extraite des Années d’apprentissage de Wilhelm Meister.
D’abord programmée après l’entracte, comme
pour assurer la transition vers Schubert qui l’a également
mise en musique, Simon Keenlyside a plutôt décidé
d’ouvrir son programme avec elle et il s’y engage
pleinement, en passant de manière théâtrale
d’une voix à une autre tout en finesse (« Ich
singe, wie der Vogel singt », ce qu’il reproduira
souvent dans d’autres Lieder, comme le merveilleux et bref
« Frage »). Suit le cycle de douze Lieder
composé par Schumann sur des poèmes de Justinus Kerner
qui permettent à Keenlyside d’illustrer la palette des
émotions du romantisme allemand : déferlement des
éléments (« Lust der Sturmnacht »),
émotion à peine contenue (« Stirb, Lieb’
und Freud’ »), faiblesse humaine
(« Sehnsucht nach der Waldgegend »),
simplicité par dessus tout (« Stille
Liebe »). Le baryton déploie son timbre merveilleux
et son sens du phrasé. Inutile de dire que les rares passages
héroïques, comme les deux chansons à boire du cycle
ou « Wanderung », ne lui posent aucune
difficulté, notamment sur le sol naturel de
« Wanderlied ». Keenlyside raconte une histoire
– alors pourtant que ce cycle n’a pas la cohérence
de Dichterliebe ou de Winterreise – et on y croit.
La deuxième partie du programme est encore meilleure, et les
qualités pointées dans la première partie
s’y épanouissent pleinement. Dès les
premières mesure de « Der Wanderer an den
Mond », Keenlyside montre son sens du legato
qui convient encore mieux à Schubert qu’à
Schumann ; dans « Dass sie hier gewesen »,
le flux et le reflux seront parfaitement rendus par une ligne de chant
impeccable. Dans « An die Leier » ou dans le long
« Prometheus », il joue parfaitement sur le
côté schizophrène du personnage romantique, qui ose
et qui a peur, qui désire et n’est jamais satisfait. Plus
encore que dans les Lieder de
Schuman, Keenlyside raconte chacune des pièces comme une
œuvre en tant que telle, qu’il construit comme un roman.
Démonstration de force (« Prometheus »),
vocalises délicates (« Blondel zu
Marien »), legato et sens du rythme (« Die
Sterne »), Keenlyside tient son public en haleine.
S’il fallait vraiment chercher des points moins positifs, nous
dirions que, parfois, dans le haut médium, la voix de Keenlyside
se ternit, devient presque engorgée, manque de projection. On a
envie de lui dire de la laisser s’épanouir, de lui donner
encore plus d’harmoniques. L’abus de la voix de tête,
ou de sonorités blanches, des mezze voci détimbrées risquent aussi, à la longue, de lasser.
Mais il reste que, à juste titre, c’est une ovation qui
conclut le cycle. Ovation pour le baryton bien sûr, mais aussi
pour son concitoyen Julius Drake, sans nul doute un des meilleurs du
moment, qui a offert à son soliste un tapis sonore moelleux,
dont émergeait ici ou là quelque accord
particulièrement significatif (dernières mesures de
« Stirb, Lieb und Freud’ »). Ovation
récompensée à son tour par cinq bis, dont
« l’Incanto degli occhi », en italien.
La seule vraie fausse note à relever vient… du public,
qui applaudit chaleureusement la Ballade du Harpiste qui ouvre le
récital… puis le premier Lied du cycle de Schuman…
puis le deuxième… puis le troisième… avant
que Simon Keenlyside ne l’implore, à la fin de
« Wanderlied », de s’arrêter car la
déconcentration n’était pas très loin.
Va-t-il falloir, après l’annonce concernant les
téléphones portables, en ajouter une autre sur la
nécessité de ne pas applaudir avant la fin d’un
cycle ? O tempora, o mores, comme disait l’autre…
Jean-Philippe THIELLAY
Note
On se souvient, sur la même scène, du récital qu’il avait donné avec Winterreise, mis en scène par Trisha Brown, en janvier 2006
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