Strasbourg est, cette saison, une
des 3 villes du monde à présenter cette 8° symphonie
de Mahler, c'est dire l'événement que ce concert représentait.
Surnommée "symphonie des mille"
(et ce, à l'insu de Mahler, qui était furieux de cette dénomination),
elle fut exécutée à Strasbourg par 500 exécutants,
et pour un seul soir. C'est pourquoi fut choisi le "Hall Rhénus"
du Parc des expositions de Strasbourg pour le concert. Ce hall permet en
effet d'accueillir 6000 personnes et il était archi comble !
On pourra regretter que le concert
ne fut pas plutôt donné plusieurs fois dans une salle plus
petite, car le Hall Rhénus n'est bien sûr nullement adapté
pour un tel concert. Mais la salle habituelle des concerts de l'Orchestre
Philharmonique n'aurait pu accueillir toute cette masse de musiciens qu'au
prix d'aménagements de la scène, et il aurait fallu jouer
l'oeuvre au moins 3 fois pour accueillir autant de spectateurs, d'où
des coûts plus élevés... Vaste problème.
Ce qu'on pouvait apprécier par
contre, c'était une acoustique étonnamment sèche pour
un lieu si immense. Une légère sonorisation ainsi que des
écrans géants permettaient aux personnes placées loin
de la scène de mieux percevoir le concert. Malgré ces efforts
louables, le son était bien faiblard depuis le fond et les côtés
du hall, et ne permettait pas d'en profiter au mieux.
On pouvait donc craindre dans ces
conditions, une bruyante interprétation, "à la hussarde",
afin de remplir le vaste espace, mais il n'en a rien été,
et ce grâce à la direction superbe de Jan Latham-Koenig qui
a su offrir une lecture d'une grande maîtrise (pas une décalage
entre l'orchestre, les solistes, les choeurs et l'orchestre "en coulisse"),
d'une grande clarté et d'une grande finesse quand il le fallait.
Jamais les impressionnants tutti n'étaient outrés, vulgaires,
gratuits, tout était propre et surtout clair, ce qui n'est pas un
mince exploit. Dans la partie lente et uniquement orchestrale de la deuxième
partie, avec de nombreux soli instrumentaux, on avait parfois l'impression
d'entendre de la musique de chambre jouée dans une petite salle.
Il faut dire aussi l'excellent niveau
des interprètes: des choeurs absolument superbes (très homogènes,
et à noter, une Maîtrise remarquable), à l'orchestre
qui sortait pourtant de 6 représentations du Prince Igor à
l'Opéra du Rhin (voir critique)
, et qui était en très grande forme, notamment les solistes.
Quant aux chanteurs solistes, ils apportaient
toute satisfaction. Les sopranos brillaient par leur engagement et
leur endurance dans des parties d'une difficulté étourdissante,
notamment Inga Nielsen, superbe et émouvante (elle remplaçait
Renate Behle). On aura aussi remarqué la superbe Birgitta Svenden
en 1° alto. Le ténor souffrait un peu dans les parties aiguës
de sa partie, elle aussi extrêmement difficile, mais offrait un beau
timbre et un réel engagement, tout comme le baryton et la basse.
Au final, une interprétation
tout à fait remarquable, qui alliait puissance, finesse et émotion,
de cette oeuvre imposante. Un "très beau cadeau aux auditeurs de
la région", comme le dit justement Jan Latham-Koenig dans le programme.
Pierre-Emmanuel Lephay