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MASSY
12/02/05

© www.laclefdeschants.com
LE MEDECIN MALGRE LUI

Charles GOUNOD

Opéra-comique en trois actes
D'après la pièce éponyme de Molière créée en 1666
Adaptation et livret de Jules Barbier et Michel Carré (1858)

Tournée nationale de "La Clef des Chants".
En coproduction avec le Théâtre Municipal de Tourcoing
et le Grand Théâtre de Reims

Mise en scène, chorégraphie,
décors et costumes d'Alain Germain

Sganarelle : Arnaud Marzorati
Jacqueline : Karine Godefroy
Léandre : Cyril Auvity
Géront : Matthieu Lécroart
Martine : Christine Tocci 
Valère : Vincent Billier 
Lucinde : Isabelle Fallot
Lucas : Thierry Cantero
Mr Robert : Johann le Roux

Orchestre de Massy
Direction : Bruno Membrey

Massy, le 12 février 2005

Et voilà pourquoi la critique est muette !

Les amis de l'opéra français que nous sommes ne saurons trop louer l'association "La Clef des Chants" d'avoir permis la résurrection de cet ouvrage quasiment oublié de Charles Gounod.

Composé presque en même temps que Faust, ce Médecin malgré lui nous permet en effet de découvrir une facette inconnue d'un compositeur plutôt réputé pour son sérieux.

L'ouvrage tranche sur la production habituelle d'opéra-comiques. Certes, l'argument est typique du genre (1), mais le traitement de Barbier et Carré est très respectueux de l'oeuvre originale : coups de bâton, grivoiseries sont autant d'éléments d'un humour anachronique, assez éloigné de cette légèreté affectée caractéristique de ce répertoire.

Musicalement, ce n'est pas le charme spontané d'un Auber, ni ces mélodies qu'on retient dès la première écoute telles qu'en compose Adolphe Adam, ni encore l'énergie et la folie d'un Offenbach. La musique de Gounod est plus recherchée et complexe, d'un humour plus fin (avec des clins d'oeil à Lully qui composa pour Molière). On admirera son inspiration mélodique, jamais vulgaire, son orchestration soignée : les airs de Léandre auraient ainsi tout à fait leur place dans une oeuvre "sérieuse" ; seul l'ensemble "Un médecin est un devin" (2) (à l'acte II), renoue véritablement avec le style bouffe : il sera d'ailleurs repris deux fois en bis au rideau final.

Un tel ouvrage exige une ribambelle de chanteurs-acteurs et, compte tenu de ses moyens, la Clef des Chants a plutôt eu la main heureuse : l'ensemble de la distribution se caractérise par de véritables talents dramatiques et une très bonne prononciation (3). De fait, signalons qu'on retrouve quasiment le texte original de Molière.

Omniprésent, Arnaud Morzaroti est un Sganarelle franchement impayable, à la limite de l'inquiétant par son côté totalement disjoncté. Vocalement, les oreilles sont à la fête : la voix est claire, sonore, étendue sur la tessiture et la prononciation remarquable. Du grand art.

Dans le rôle un peu fade de Léandre, Cyril Auvity chante avec délicatesse et musicalité, et un timbre chaleureux ; on peut regretter toutefois une technique qui abuse un peu de la voix "mixée", mais il est vrai que la tessiture est plutôt tendue.

Entendu récemment à Compiègne dans Noé, Matthieu Lécroart doit se contenter d'un rôle limité en termes d'intervention musicale. Sans surprise, le baryton se révèle vocalement impeccable ; plus étonnamment compte tenu de son âge relativement jeune, sa composition de vieux barbon tient remarquablement la route.

L'épouse de Sganarelle, Martine (qui ne chante pratiquement qu'au premier acte), est incarnée par le mezzo Christiane Tocci, bonne actrice et bien chantante, à laquelle on ne reprochera qu'une diction pas toujours très claire et un peu nasale.

La nourrice de Karine Godefroy déploie une voix d'une certaine puissance, avec quelques beaux aigus, malgré une technique pas toujours très pure. Sans doute une artiste à suivre compte tenu de sa jeunesse.

Des deux valets, on retiendra surtout celui du baryton-basse Vincent Billier, le ténor Thierry Cantero ayant plus de difficultés à négocier ses aigus.

Citons enfin pour mémoire la Lucinde d'Isabelle Fallot, chanteuse modeste mais bonne actrice (après tout, on lui demande essentiellement d'incarner... une muette !).

Pour cette soirée, l'Orchestre du Grand Théâtre de Reims, qui assure la tournée nationale, laisse la place au très correct Orchestre de Massy : si la sonorité n'est pas exceptionnelle, l'ensemble est remarquablement en place et sans problèmes techniques (mais peut-être s'agit-il des mêmes solistes !).

On doit au chef d'orchestre Bruno Membrey une grande partie de la réussite de cette soirée : les tempi sont vifs, la direction attentive aux chanteurs. De l'excellent travail.

Véritable homme-orchestre, Alain Germain assure mise en scène, décors, costumes, éclairage et chorégraphie ! 

La scénographie est élégante, la direction d'acteur précise et juste. Les idées comiques abondent sans noyer l'action, Alain Germain assumant la relative vulgarité (4) des scènes entre Sganarelle et la nourrice.

Au rideau final, un franc succès pour cet excellent spectacle : voilà qui nous change des éternelles "nouvelles productions" de La Flûte Enchantée !
 
 

Placido CARREROTTI
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Notes

1. L'année précédente, Bizet et Lecoq n'ont-ils pas chacun composé une petite merveille sur un sujet similaire, le Docteur Miracle ?

2. En habile homme
Vous voyez comme
Il met le doigt
Au bon endroit !
La médecine
Voit et devine
Au premier coup
Le fond de tout.
C'est la science 
Par excellence :
Un médecin
Est un devin

Et on recommence ad libitum : ça c'est du livret d'opéra-comique !

3. Seul bémol, un improbable accent québécois chez certains interprètes, là où l'on devrait entendre un parlé campagnard.

4. Exemple, le lait jaillissant du sein de la nourrice lorsque Sganarelle la presse contre lui : ces paillardises auront au moins eu le mérite de réjouir le public lycéen, présent en nombre ce soir là. Tout est bon pour amener les nouvelles générations à l'opéra !

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