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C'est au théâtre du Châtelet, où ils ont triomphé les deux dernières saisons avec leur Belle Hélène, que les musiciens du Louvre ont fêté leur vingtième anniversaire. Pour l'occasion, leur chef, Marc MINKOWSKI, a choisi un programme entièrement consacré à RAMEAU, rappelant ainsi l'engagement principalement baroque de la troupe.
A leurs côtés, de brillants et célèbres solistes ont prêté leur voix pour célébrer cette double dizaine avec faste.

C'est dans un simple décor de concert, dominé par le portrait de Jean-Philippe RAMEAU de Jacques André Joseph AVED, qu'ont été donnés des extraits des oeuvres du compositeur, alternant les pages instrumentales (pastorales, airs tendres, gracieux ou vifs, rondeaux, rigaudons, ritournelles...) et vocales au cours d'une soirée qui totalisait près de trois heures de musique.

C'est dans ces moments strictement instrumentaux que Marc MINKOWSKI a démontré la brillante maîtrise qu'il possède de son orchestre et de ce répertoire : l'élégance de la Pastorale héroïque de Zaïs, la finesse de la contredanse des Boréades, ou le déferlement des éléments dans les tempêtes d'Anacréon et des Indes Galantes, ont été un bonheur pour les oreilles. La baguette du chef excellait à harmoniser les pupitres de son orchestre, à exacerber les nuances, ou détailler la fragilité des contrepoints avec la précision du crochet d'une dentellière.

En alternance, de nombreux extraits pages vocales : il a fallu regretter les absences, excusées, de Lynne DAWSON, Jennifer SMITH et Michel SENECHAL (qui devait notamment interpréter Platée dans le costume qu'il portait en 1959 à Aix-en-Provence). Malgré cela, de nombreux artistes, fidèles aux musiciens du Louvre, ont répondu à l'appel.

Magdalena KOZENA a brillé dans ce répertoire français avec une touchante intensité, tout d'abord dans l'air "Tristes apprêts" extrait de Castor et Pollux, puis dans l'air de Phani "Viens Hymen" tiré des Indes Galantes. 

Puissant Thésée de François LE ROUX, élégante Phèdre (Air de l'acte III d'Hippolyte et Aricie) de Nathalie STUTZMANN, malgré, dans leur chef, une tendance à appuyer les sons graves et, pour le contralto, à poîtriner. John Mark AINSLEY a semblé très inégal : à bout de souffle et manquant de justesse dans "Lieux funestes" de Dardanus, il a par contre formidablement soutenu les ensembles finaux. La même remarque pourra être faite à propos de la prestation de Sylvie BRUNET, soliste dans Castor et Pollux.

Majestueux Jean-Sébastien BOU dans l'invocation au soleil d'Huscar des Indes Galantes, ainsi que dans le Quatuor "Tendres amours" de la même oeuvre (accompagné notamment par l'excellente Magali LEGER dont la voix a gagné en consistance et en saveur). 

Jolie interprétation d'Aurélia LEGAY dans la première entrée des mêmes Indes, ainsi que de l'excellente Joyce DIDONATO dans La Princesse de Navarre. 

Petite voix que celle de Cyril AUVITY, mais servie par une technique infaillible dans le "Jouissons, jouissons" des Boréades. Marion HAROUSSEAU, après sa prestation de l'Amour dans l'enregistrement d'Orphée et Eurydice à Poissy, a de nouveau charmé le public par sa voix juvénile et pourtant déjà assurée, que ce soit dans l'air de Clarine de (Platée) ou dans son duo avec Laurent NAOURI (Anacréon), dans lequel on entendait bel et bien "la voix d'un enfant". Ce dernier a été le grand triomphateur de la soirée, notamment grâce à sa lecture de l'air d'Anténor (Dardanus), d'une rare intensité dramatique et qui a couronné l'ensemble de ses prestations exemplaires.

Le premier final nous a permis d'entendre d'autres extraits d'Hippolyte et Aricie : tout d'abord le trio des Parques, écarté par les chanteurs de la création, car jugé trop ardu... on ne peut dès lors que féliciter pour leur ironique prestation Messieurs BOU, AUVITY et NAOURI. Puis un autre air (Acte IV) de Phèdre, où l'on aurait aimé entendre une Anne-Sofie von OTTER plus engagée.

Première surprise, pour conclure cette première partie : Marc MINKOWSKI a proposé l'adaptation vocale d'une célèbre pièce de clavecin de RAMEAU permettant aux solistes de recréer une querelle de basse-cour assez inattendue.

Deuxième surprise, au début de la seconde partie du concert, avec la projection d'un petit film souvenir sur les activités passées des musiciens du Louvre et de leur chef (enregistrement d'Hippolyte et Aricie avec Véronique GENS et Jean-Paul FOUCHECOURT ou des extraits d'une version concertante de Platée).

Pour conclure ce concert, Mireille DELUNSCH nous a gratifié de son air de la Folie (Platée), qui a remporté l'ovation méritée pour sa théâtralité et son époustouflante ligne de chant.

Tous les interprètes se sont retrouvés pour le choeur final de Platée "Hymen, Hymen" avant de clôturer avec émotion cet anniversaire par une chaconne extraite du King Arthur de PURCELL : "On a tout le temps, quand on a vingt ans". Un premier bis entrecoupait ces deux oeuvres : une polka de Johann STRAUSS II, qui a permis à Marc MINKOWSKI de prouver la dextérité de son orchestre et, par la même occasion, de rappeler en clin d'oeil son interprétation, si critiquée, de Die Fledermaus au festival de Salzbourg 2001.

Il serait ingrat d'oublier l'extraordinaire présence du Choeur des musiciens du Louvre, artistes brillant par leur professionnalisme, fascinants de maîtrise dans chacune de leurs interventions et totalement déchaînés dans LesIndes Galantes.

Joyeux anniversaire !