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METZ
18/11/04
Molière / Lully
LE BOURGEOIS GENTILHOMME
Direction musicale : Vincent Dumestre
Mise en scène : Benjamin Lazar
Assistante : Louise Moaty
Chorégraphie : Cécile
Roussat
Scénographie : Adeline Caron
Costumes : Alain Blanchot
Lumières : Christophe Naillet
Maquilleuse : Mathilde Benmoussa
Comédiens :
Monsieur Jourdain : Olivier Martin
Salvan
Dorimène : Anne-Guersande Ledoux
Lucile : Louise Moaty
Nicole, Le Maître de musique
: Alexandra Rübner
Dorante, le Maître d'armes :
Lorenzo Charoy
Cléonte, le Maître de
philosophie : Benjamin Lazar
Le maître à danser :
Julien Lubeck
Covielle, le Maître tailleur
: Jean-Denis Monory
Madame Jourdain : Nicolas Vial
Chanteurs :
Le Mufti, le vieux bourgeois babillard,
L'élève : Arnaud Marzorati (baryton)
La musicienne, la femme du bel air,
L'Italienne : Claire Lefilliâtre (soprano)
Le premier Musicien, La vieille bourgeoise,
Un Espagnol, un Poitevin : François-Nicolas
Geslot (haute-contre)
Un Gascon, un Poitevin, un Chanteur
: Serge Goubioud (ténor)
Un Espagnol, un Gascon, un Chanteur
: Lisandro Nesis (ténor)
Un Espagnol, l'homme du bel air, Un
chanteur : Bernard Arrieta (baryton)
L'Italien, le Suisse : Arnaud Richard
(baryton-basse)
Danseurs :
Un Espagnol, un Poitevin, un laquais
: Caroline Ducrest
Arlequin, le donneur de livres,
Un garçon tailleur : Julien
Lubek
La siamoise de la vieille bourgeoise
: Cécile Roussat
Un Trivelin, un garçon tailleur
: Flora Sans
Scaramouche, un garçon tailleur
: Gudrun Skamletz
Un Importun, un élève
danseur : Akiko Veaux
Instrumentistes :
Le Poème harmonique (direction
: Vincent Dumestre)
Ensemble Musica Florea (direction
: Marek Stryncl)
Metz, Arsenal, 18 novembre 2004
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On a fait
beaucoup de bruit (et de publicité) autour de cette reconstitution
à l'ancienne de la comédie-ballet du tandem Molière/Lully,
Le Bourgeois Gentilhomme, qui a tourné en France et en Europe
: éclairage intégralement à la bougie (certaines salles
ne le permettaient malheureusement pas, comme ici à Metz), décors
de toiles peintes, prononciation à l'ancienne, instruments d'époque,
etc. Certains ont même parlé d'un nouvel Atys, faisant
allusion aux représentations que donnèrent les Arts Florissants
de cet ouvrage de Lully il y a plus de 15 ans.
C'est donc plein d'espoir et de bonheur
que nous nous rendîmes à Metz pour assister à ce qu'on
annonçait comme un événement incontournable. Hélas,
il fallut se résigner bien vite, et pester quelque peu sur une certaine
mode qui fait s'exclamer un certain public sur certains spectacles "foooormidables".
L'an dernier, c'était Les Troyens
de Berlioz au Châtelet (que tout le monde qualifiait d'événement
et de "redécouverte" alors que l'on n'a pas attendu Gardiner et
Kokkos pour connaître cet ouvrage), cette année, c'est sans
conteste Le Bourgeois Gentilhomme de Dumestre-Lazar, qui, n'en doutons
pas, obtiendra sûrement moult récompenses.
Bien sûr, les moyens sont conséquents
et cette reconstitution est, à plusieurs égards, très
appréciable et instructive. Pourtant, il suffisait d'ouvrir grand
les oreilles pour entendre un orchestre peu sûr et homogène,
des chanteurs bien fragiles et parfois dépassés, une direction
musicale monotone et des acteurs parfois simplement sympathiques.
En outre, si la pièce de Molière
atteint des sommets et constitue un des chefs d'ouvre de son auteur, il
est loin d'en être de même avec la partition de Lully, bien
peu inspirée, hormis quelques pages. Le divertissement final tire
tellement en longueur que la salle se vide de plusieurs dizaines de personnes
en quelques minutes (la représentation durait certes quatre heures,
avec un entracte, mais ce n'est guère plus long que certains opéras).
La tâche était donc ardue
pour les musiciens. Il eut fallu une équipe autrement solide et
une direction plus vivante pour captiver l'auditeur. Dès l'ouverture,
le rythme est mouvant, l'orchestre sonne grêle, avec quelques approximations
au niveau de la justesse ; quant à Vincent Dumestre, il reproduit
à l'identique le même geste étiré sans rapport
avec le rythme... Le premier chanteur qui intervient affiche, quant à
lui, une voix particulièrement instable. Tout cela débute
donc bien mal. On est par contre impressionné par l'intervention
de Claire Lefilliâtre qui pare son chant d'une incroyable ornementation
(et dont l'artiste s'est faite la spécialiste), mais certaines vocalises
ont tendance à déraper quelque peu au point que l'on en vient
à se demander si tant d'agréments sont bien utiles... Un
charmant duo avec le très beau haute-contre François-Nicolas
Geslot ravit, mais ce sera bien l'un des meilleurs et des plus beaux moments
musicaux de la soirée. Peut-être les musiciens eussent-ils
été davantage motivés par une direction plus vivante,
mais en l'occurrence, la partie musicale du spectacle ne laisse pas grand
souvenir.
La partie théâtrale est
servie par une équipe de jeunes acteurs. Tous s'appliquent à
bien prononcer le texte à l'ancienne (articulation des consonnes
finales, comme "Valette" pour "Valet", des "wé" au lieu de "wa",
comme dans "Roi "), mais leur jeu ne marque pas durablement le spectateur.
Rien d'indigne certes, mais rien de mémorable non plus. On mesure
le fossé qui sépare cette équipe sympathique d'une
troupe de véritables acteurs professionnels lorsqu'on songe aux
représentations des pièces de Molière que La Comédie
Française enregistre depuis quelque temps pour la télévision
et qui sont régulièrement diffusées, notamment sur
Arte (1). Le Bourgeois d'Olivier Martin-Salvan, par
exemple, est fort amusant, mais le personnage de M. Jourdain ne doit pas
être que drôle et ridicule. Une autre dimension, plus profonde,
doit attirer sur le personnage une certaine pitié de la part du
spectateur. La dimension critique de la pièce, qui s'en prend à
la bourgeoisie alors émergente, ne ressort pas suffisamment.
La chorégraphie, bien exécutée,
est assez curieuse. Elle est, certes, parfois conforme au style baroque,
mais, soudain, elle semble basculer dans un univers contemporain incongru
dans un tel cadre, avec, notamment, des personnages qui courent sur place...
Le (très) jeune metteur en scène
Benjamin Lazar fait évoluer tout ce monde dans un espace restreint,
mais bien exploité par des entrées variées (par des
portes sur les côtés, par les coulisses ou encore une immense
porte en fond de scène). Là encore cependant, on regrettera
un manque de profondeur dans cette vision qui insiste surtout sur le comique
des situations, parfois d'une manière qui semble un peu outrée,
au détriment de la satire sociale.
Au cours de la représentation,
nous ne pouvions pas nous empêcher, pour notre part, de penser à
une entreprise similaire : celle de Fairy Queen, qui mêle
Le Songe d'une nuit d'été de Shakespeare avec une
musique de scène de Purcell et qui fut donnée au Festival
d'Aix en Provence en 1989 par les Arts Florissants pour la partie musicale
et des acteurs de la Royal Shakespeare Company pour la partie dramatique,
le tout admirablement mis en scène par Adrian Noble. La réussite
de cette production était totale, tant musicale (une des plus grandes
réussites de William Christie) que théâtrale (dès
l'entrée des acteurs, vous saviez ce qu'est un acteur professionnel).
A Metz, pour ce Bourgeois Gentilhomme, nous étions à
des lieues d'une telle réussite...
Pierre-Emmanuel LEPHAY
(1) La
production du Bourgeois Gentilhomme mis en scène par Jean-Pierre
Vincent, récemment diffusée sur France 3, n'en pas la plus
réussie. On préférera, par exemple, de superbes Femmes
Savantes.
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