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PARIS
10/10/2007
Il Complesso Barocco & Alan Curtis
© DR www.ilcomplessobarocco.com
Antonio Vivaldi (1678 – 1741)
MONTEZUMA
« Dramma per musica » en trois actes (RV 723)
créé au Teatro San Angelo de Venise le 14 novembre 1733
Livret de Luigi [Girolamo] Giusti
Vito Priante, Motezuma
Sonia Prina, Mitrena
Mary Ellen Nesi, Ramiro
Laura Aikin, Asprano
Ann Hallenberg, Fernando
Karina Gauvin, Teutile
Il Complesso Barocco
Alan Curtis, direction
Version de concert
Paris, Théâtre des Champs-Élysées,
le 10 octobre 2007, 20h00
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Que la lumière soit !
Ironie du sort, le manuscrit de Motezuma
est resté longtemps dans l’ombre la plus totale à
l’intérieur d’un carton coté
« Fonds 441 : Manuscrits des Lumières ».
On le croyait aujourd’hui délivré de la force
obscure ; pas tout à fait.
Le livret déjà, dont le thème au premier abord
peut paraitre séduisant – la conquête du Mexique,
l’exotisme, le Nouveau Monde vu par l’Ancien…
– s’avère un embrouillamini de situations
improbables qu’on renonce à démêler. Il lui
reste le mérite de proposer une galerie de personnages au
caractère bien trempé. On peut même trouver
à Motezuma et son épouse, la pugnace Mitrena, une
lointaine parenté avec un autre couple de despotes : les
Macbeth.
La partition ensuite conserve sa part de mystère. Sur les 28
numéros, seuls 17 ont été retrouvés.
L’acte 1 et 3 ont dû être partiellement
recomposés à partir d’ouvrages de la même
période : Bajazet et Farnace pour l’essentiel. La
situation autorise une certaine liberté mais entretient aussi la
confusion. Le concert du Théâtre des Champs Elysées
n’est pas exactement conforme au seul et unique enregistrement de
l’œuvre par le même Alan Curtis : des airs sont
supprimés, d’autres changés…
Enfin les tessitures voisines des protagonistes autorisent le brassage
des cartes à un point tel que depuis 6 mois l’affiche
varie au gré des publications. Brochures annuelle et
trimestrielle, programme de la soirée présentent chacun
leur distribution, sans qu’un seul d’entre eux ne
détienne finalement la bonne combinaison. Sonia Prina,
arrivée en cours de route pour chanter Ramiro à la place
d’Ann Hallenberg (qui elle pallie le forfait d’Anna
Bonitatibus en reprenant le rôle de Fernando) finira par
interpréter Mitrena. Un chien n’y retrouverait pas son
maître.
Ce serait sans compter sur Alan Curtis et son Complesso Barocco
qui, par leur connaissance de l’ouvrage – ils sont les
artisans de sa résurrection, ne l’oublions pas –
apportent l’éclairage suffisant pour que l’auditeur
reprenne ses marques et parcoure sans trébucher le chemin
sinueux des affects baroques. Mises à part les turbulences
venteuses de l’ouverture et, un peu plus tard, celles
trompettantes « D’ira e furo armato »,
l’ensemble se distingue par la consistance de la pâte
sonore, l’union des cordes tendues dans un même dessein qui
considère les attaques cinglantes, les ruptures de ton ou les tempi
effrénés qu’on observe chez d’autres comme
autant d’artifices auquel il se refuse. La position se respecte,
et même dans le cas présent, fait ses preuves ; on ne
déteste pas malgré tout être giflé par un
coup d’archet ou emporté par la fougue du mouvement ;
Vivaldi n’est pas que mélodie, il est aussi énergie.
Ce serait, avant tout, sans compter sur la force
d’interprétation des chanteurs, non pas celle du Ramiro,
beau mais placide, de Mary Ellen Nesi – à sa décharge, les rôles d’amoureux sont toujours un peu falots – ni celle de Laura Aikin
dont l’Asprano se perd dans les registres inférieurs de la
voix, mais tous les autres : Vito Priante, Sonia Prina, Ann
Hallenberg et Karina Gauvin qui, malgré l’absence de mise
en scène, parviennent à arracher leur personnage du
bourbier de la convention et le dresser vivant sur les planches, le
tout évidemment au prix d’un certain naturel ; il
faut bien forcer le trait pour sortir de l’usage.
On pourra alors trouver que Vito Priante
charbonne à l’excès son Motezuma mais quels
accents, quel orgueil, et quel mordant ! Le chanteur prend tous
les risques, jusqu’à oser la contre-note dans un
« Dov’é mia figlia » sauvage et
magnifique à l’image de son empereur du Mexique.
On pourra sourire des grimaces expressives de Sonia Prina,
bousculée par une partition qui ne lui épargne pas les
embuches et à laquelle elle ne rend pas complètement
justice. Les vocalises de « S’impugni la
spada » sont tout bonnement impossibles, Anna Giro, pour
laquelle le rôle fut écrit, ne les chanta pas. Mais quel
velours, quelle largeur, quelle richesse dans la couleur et dans
l’intensité dramatique, de la reine guerrière
à la mère désolée.
On pourra juger excessif le cabotinage d’Ann Hallenberg
mais Fernando n’est pas, comme on pourrait le croire, le
civilisateur au grand cœur, le général
chrétien face aux barbares ; il dissimule derrière
un visage héroïque une part de cruauté que la
mezzo-soprano sait ne pas oublier. Et, au-delà de
l’ambigüité, quelle virulence, quelle énergie,
quelle expression dans l’ornementation.
On ne pourra rien reprocher en revanche à Karina Gauvin, Teutile à la technique irréprochable - les trilles, les ports de voix, les piani
sont proches de la perfection – et dont le chant, musical et
sensible, tire le temps de la soirée l’opéra
égaré de Vivaldi de l’ombre vers la lumière.
Christophe RIZOUD
Note
Les aventures rocambolesques du manuscrit de Motezuma appartiennent
désormais à la petite histoire de la musicologie. Elles
sont racontées par Viet-Linh Nguyen dans sa critique du premier
– et unique à ce jour - enregistrement de
l’opéra de Vivaldi par par Alan Curtis (Archiv 2005).
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