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PARIS
18/10/05
(© Alvaro Yanez)
Wolfgang Amadeus MOZART
(1756-1791)
LE NOZZE DI FIGARO
Opéra bouffe en quatre actes
K. 492 (1786)
Livret de Lorenzo da Ponte,
d'après La Folle journée
ou Le Mariage de Figaro
de Pierre Caron de Beaumarchais
Direction musicale, Evelino Pidò
Mise en scène, Jean-Louis Martinoty
Décors, Hans Savernoch
Costumes, Sylvie de Segonzac
Lumières, Jean Kalman
Chorégraphie, Cooky Chiapalone
Chef de choeur, Irène Kudela
Le Comte Almaviva, Rudolf Rosen
La Comtesse Almaviva, Veronica Cangemi
Susanna, Patrizia Ciofi
Figaro, Andrea Concetti
Cherubino, Anna Bonitatibus
Marcellina, Sophie Pondjiclis
Antonio, Angelo Romero
Bartolo, Antonio Abete
Don Basilio, Peter Hoare
Barbarina, Pauline Courtin
Don Curzio, Christian Jean
Concerto Köln
Choeur du Théâtre des
Champs-Elysées
Paris, 18 octobre 2005
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Ces Noces
sont probablement les plus moroses auxquelles il m'ait été
donné d'assister. Je ne reviendrai d'ailleurs pas avec grande précision
sur cette production déjà abondamment critiquée sur
Forum Opéra. Les décors
dérangeaient d'abord, intellectualisants à souhait, intéressants
peut-être par leur concept mais réalisés avec peu de
goût et des coloris très ternes par rapport aux originaux
(rappelons qu'il s'agit de copies de peintures), sans parler des contours
d'amalgames de peintures dignes des photos découpées selon
le contour des visages. Ils étaient surtout absolument inintéressants
d'un point de vue scénique, très peu utilisables et très
peu utilisés. Les costumes ensuite, jolis, peut-être, mais
qui nient les différences sociales et transforment une pièce
révolutionnaire en un simple marivaudage sans ambition. Les lumières
aussi, quelle ne fut pas ma stupéfaction en lisant qu'il y avait
un concepteur d'éclairages ? La lumière est maussade comme
les Noces, elle ne sculpte jamais l'espace, n'a jamais d'importance dramaturgique
et est digne d'un de ces bistrots turcs, les néons en moins (la
Turquie est culturellement tellement fine, je n'ai jamais pu comprendre
son rapport aux éclairages). Tout cela, néanmoins, ne constituerait
que de vagues griefs sans trop d'importance si la direction d'acteurs suivait.
Mais là où Jean-Pierre Ponnelle savait magnifier la musique,
Jean-Louis Martinoty, en ayant l'air de suivre la voix de son maître,
la dérange : les chanteurs se déplacent sur scène
comme des pantins plus ou moins désarticulés, en ce sens
que l'on ne comprend pas, ou rarement, ce qui justifie un mouvement si
ce n'est l'obligation pour les chanteurs de se déplacer sur la scène
pour que le spectateur ne s'ennuie pas. Un piètre résultat.
Ca, c'était pour la scène.
D'un point de vue musical, l'orchestre transformait souvent l'énergie
débordante du chef Evelino Pido en agressivité pour le moins
désagréable. Le son était très contrasté
mais jonglait néanmoins toujours avec le même noyau de couleurs
et manquait donc cruellement de sonorités nouvelles, variées,
adaptées aux situations particulières induites par la partition.
Il masquait en outre beaucoup trop souvent les chanteurs (de l'intérêt
d'avoir une fosse un peu plus profonde...). Notons néanmoins la
sonorité d'ensemble absolument magnifique des bois assortie d'une
justesse impeccable (alors que leurs collègues des cuivres devraient
encore se pencher sur cet aspect, avec les circonstances atténuantes
accordées aux cuivres bien entendu). Une autre excellente idée
du côté de l'orchestre était l'adjonction d'un violoncelle
pour certains des récitatifs. Ceux-ci étaient dès
lors beaucoup plus soutenus et résolument différents, ce
qui faisait ressortir également par contraste les récitatifs
accompagnés du seul pianoforte, joués d'ailleurs avec beaucoup
d'inspiration par Ken Smith.
Du côté des chanteurs,
il y avait énormément de bonnes choses mais peu d'excellence
: c'était très correct, souvent très bien campé
d'un point de vue théâtral mais aucun chanteur n'était
convaincant de manière absolument évidente. Une exception
cependant pour le Comte, chanté par Rudolf Rosen : il dominait la
soirée de sa présence scénique et de son timbre magnifique
assorti d'une interprétation sensible et intelligente, bien plus
d'ailleurs que le Figaro de Andrea Concetti ou la Suzanne de Patrizia Ciofi.
Andrea Concetti convenait très bien au rôle de Figaro sans
toutefois l'incarner véritablement, sa voix était tout à
fait maîtrisée et adaptée tant à la tessiture
qu'au caractère du valet, mais elle restait terriblement sage, trop
politiquement correcte. Patrizia Ciofi a chanté de manière
inégale, souvent agréable, parfois délicieuse de légèreté
ou de sensibilité, parfois manquant cruellement de volume et d'une
prestance généralement plutôt absente (c'est un comble
pour Suzanne). La Comtesse, Veronica Cangemi, a commencé sa prestation
au bord du dérapage, usant d'un vibrato trop large et d'une
justesse approximative mais a pris ensuite de l'assurance et a atteint
des moments d'une toute grande finesse avec des subtilités dans
le timbre, le phrasé et l'émission qui constituaient autant
d'heureuses surprises. Chérubin, quant à lui, avait des défauts
inverses, ce qui renforçait bien le contraste entre son personnage
et celui de la comtesse, la juvénilité de celui-ci et la
maturité de celle-là. Son personnage, chanté par Anna
Bonitatibus, était interprété tout en nervosité,
le vibrato était très serré (parfois trop)
et les lignes musicales étaient bien dessinées même
si elles étaient parfois interrompues par des brusques cassures
de volume.
Ces incarnations plus qu'honnêtes
n'ont malheureusement pas réussi à apporter de la substance
à l'ensemble. Le maître-mot de la soirée était
l'ennui, presque rien ne captait l'attention de manière soutenue.
Le public, d'ailleurs, quoique d'un enthousiasme explosif, était
très peu concentré. J'ai vécu cette soirée
comme une série d'interférences à l'encontre du drame
et de sa mise en musique. Puisse l'année Mozart apporter d'autres
éclairages à la musique du maître et aux paroles de
Lorenzo da Ponte.
Elisa DE WINTER
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