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STRASBOURG
27/06/06
Kerstin Avemo (Euridice) - Michael Slattery (Orfeo)
Pascal Bertin (un berger) Kimy McLaren (une ninfe)
© MN Robert pour le Théâtre du Châtelet
Claudio MONTEVERDI (1567-1642)
L'ORFEO
Fable en musique, en un prologue et cinq actes
Livret d'Alessandro Striggio fils
Direction musicale : Emmanuelle Haïm
Mise en scène : Giorgio Barberio Corsetti
Décors : Cristian Taraborrelli et Giorgio Barberio Corsetti
Costumes : Cristian Taraborrelli
Lumières : Giorgio Foti
Vidéo : Fabio Iaquone
Orfeo : Michael Slattery / Finnur Bjarnason (27 juin)
La Musica / Euridice : Kerstin Avemo
La Speranza : Marina de Liso
Caronte : Mario Luperi
Messagiera : Renata Pokupic
Proserpina : Aurelia Legay
Plutone : Paul Gay
Apollo : Ed Lyon
Pastore : Pascal Bertin, Ed Lyon, Jonathan Brown, John Mackenzie
Ninfa : Kimy McLaren*
Eco : Simon Wall
Ensemble vocal et Orchestre du Concert d'Astrée
Coproduction de l’Opéra de Lille, du Théâtre de Caen
et de l’Opéra National du Rhin
Strasbourg, 27 Juin 2006
autres représentations : 29 Juin, 1er, 3 Juillet 2006
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Un Orfeo « light »
Comme la saison dernière, l’Opéra du Rhin invite le
Concert d’Astrée et sa chef Emmanuelle Haïm pour une
production d’opéra. Après des Boréades
contestables en 2005, nous retrouvons une Emmanuelle Haïm plus
à son aise avec Monteverdi. La direction est souple, claire et
sobre, sans effets appuyés. La gestique de la chef est
d’ailleurs beaucoup plus paisible et modérée que
l’an dernier où les gesticulations quasi-incessantes
étaient insupportables et semblaient davantage freiner le
discours que l’épanouir. Ici donc, de l’air, de
l’espace : la musique respire. On reste tout de même
agacé par certaines vocalises improvisées
exubérantes tirant vers l’aigu (chez La Musica notamment)
qui dénaturent et brisent la ligne de chant
montéverdienne qui se suffit à elle-même, des
percussions peu idoines et une improvisation générale sur
le dernier accord qui en devient quelque peu cacophonique... Par
ailleurs réclamerait-on davantage de dramatisme, par exemple
pour accompagner l’entrée de La Messaggiera.
Le Concert d’Astrée offre un effectif réduit, aux
sonorités agréables mais qui nous ont paru bien faibles.
Au moins cette douceur s’accorde-t-elle avec une distribution
« petit format ». Il nous a semblé
cependant qu’il fallait quelque peu tendre l’oreille pour
goûter aux subtilités du bel canto et à la riche orchestration de l’ouvrage.
Les chanteurs réunis sont tous jeunes et affichent un physique
idéal - si ce n’est l’âge - pour leur
rôle. De fait, la « verdeur » de certaines
voix peut dérouter, mais on apprécie ce qu’on y
gagne en crédibilité scénique. Pour autant, nous
n’avons pas à faire à des novices, et il faut louer
en premier lieu la maîtrise de Finnur Bjarnason dans le
rôle d’Orfeo. Voix douce, chant ductile, maîtrise des
terribles vocalises de « Possente Spirto », on
est séduit. Les voix profondes et corsées de Renata
Pokupic (La Messaggiera) et Marina de Liso (La Speranza) donnent tout
le poids nécessaire à leur personnage. On sera moins
convaincu par la voix un peu métallique de Kerstin Avemo en
Musica et Euridice et celle, manquant de graves et bougeant beaucoup,
de Mario Luperi en Caronte.
Michael Slattery (Orfeo) - Marina de Liso (Sperenza)
© MN Robert pour le Théâtre du Châtelet
Plus
séduisants sont la Prosperine d’Aurelia Legay et le
Plutone de Paul Gay, tout comme les différents bergers et
surtout le superbe Appolo d’Ed Lyon.
La mise en scène, très sobre et dénudée, de
Giorgio Barberio Corsetti, séduit par la finesse du travail et
l’originalité de sa vision. Après un Prologue en
costume (La Musica, entourée d’instruments,
s’affiche dans un cadre de scène resserré : le
tout fait penser à quelque tableau de la Renaissance), nous
sommes transportés dans une Italie insouciante des années
60/70 avec une bande de jeunes gens autour de leur vespas. Le
metteur en scène fait référence à Pasolini
mais nous n’avons pu, pour notre part, nous empêcher de
penser à l’Orphée de Jean Cocteau, fascinante transposition du mythe dans la France d’après-guerre.
Aurélia Legay (proserpina) - Paul Gay de Liso (Pluto)
& l'ensemble vocal du Concert d'Astrée
© MN Robert pour le Théâtre du Châtelet
Justement,
la dimension mythique est un peu voilée dans la vision qui nous
est offerte, mais sait subtilement se faire présente avec par
exemple ces « faunes » qui parcourent la
scène au fil des tableaux ou le Deus ex machina final avec un
Apollo qui descend véritablement sur scène (...mais dans
un canapé !). Surtout, Giorgio Barberio Corsetti ne tombe
pas dans la caricature en nous offrant par exemple un Orphée qui
aurait tronqué sa lyre contre une guitare : la
transposition est subtile. Là où elle convaincra moins,
c’est dans le tableau des enfers avec Prosperine et Pluto,
où l’on saisit mal la présence d’une
guinguette où les faunes font cuire quelques viennoiseries...
(pour les morts ?...). Par contre, le dernier acte où Orfeo
chante son malheur et son dégoût voit une sorte de salon
avec des canapés où s’ébattent de jeunes
amants. Le contraste avec l’état d’esprit
d’Orfeo, de plus en plus amer, n’en est que plus fort. On
retiendra encore la pluie de vêtements avant qu’Orfeo ne
traverse le Styx, image saisissante et assez terrifiante.
Le recours à la vidéo vient parachever ces belles
idées : le corps d’Euridice roulant au sol à
la fin du deuxième acte, La Musica endormant Carone, Plutone
venant couvrir d’ombre Orfeo etc. Les images, fort belles,
légèrement floutées, ne sont jamais envahissantes
et interviennent toujours aux moments opportuns.
Au final, on aura un peu l’impression d’un Orfeo
« light », tant musicalement que
scéniquement, un Orfeo tout en douceur, mais non
dénué pour autant de qualités.
Pierre-Emmanuel Lephay
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