Décidément,
l'Opéra du Rhin nous aura gâtés
pendant cette saison 2004-2005. Après une Lulu
théâtralement très forte il y a à peine quelques
jours, il clôt cette saison avec Les Boréades de Rameau. Et
encore un triomphe, un ! Créées en 1964 (!) en version de
concert par l'ORTF, ces Boréades n'ont connu leur première
représentation scénique qu'en 1982 à Aix-en-Provence.
C'est dire si Rameau ne les a jamais vues ! Mais gageons qu'il aurait aimé
cette nouvelle mise en scène très inventive : le décor
représente l'intérieur d'un grand chapiteau de cirque rouge
sombre à l'intérieur duquel les princes et les dieux sont
des dompteurs (et des chasseurs) vêtus de rouge dont le gibier sont
les hommes (les danseurs). Alphise elle-même est vêtue en dompteuse,
mais avouons que dans ce costume elle ressemble plus à la Grande-Duchesse
de Gerolstein qu'à une reine grecque !
Anne Lise Sollied - Paul Agnew
© Alain Kaiser
Tous les hommes sont habillés
du même costume de dompteur, à l'exception d'Apollon qui,
étant le dieu de la lumière, est vêtu de jaune, et
de Abaris, qui, n'appartenant pas à cette communauté, est
vêtu d'un simple costume couleur crème et a le visage peint
en blanc. Belle idée de théâtre, vraiment, bien qu'au
bout de plus de trois heures de spectacle la mise en scène devienne
un peu ennuyeuse à force de ne prendre appui que sur le monde du
cirque et ses rituels : faute de renouvellement, une certaine monotonie
s'installe parfois.
Par bonheur, le niveau musical de la
soirée fait oublier cette menue réserve. Les femmes sont
superbes, en particulier Alphise, incarnée par la norvégienne
Anne Lise Sollied qui trace le portait d'une reine meurtrie . Vocalement,
cette soprano possède une voix pleine d'autorité, presque
un peu trop charnue pour ce répertoire. On regrettera toutefois
des carences dans la diction, si importante chez Rameau. Delphine Gillot,
pour sa part, incarne une belle Sémire. Dans les courts rôles
de Nymphe et Polymnie, Kimy McLaren et Luandra Siqueira s'acquittent honorablement
de leur tâche.Incontestablement, ce sont les hommes qui se taillent
la part du lion dans ce spectacle, à commencer par le superbe Borée
de Andrew Foster Williams. Dramatiquement fabuleux, le baryton anglais
offre un portrait parfaitement haïssable du dieu des vents auquel
il offre sa belle voix puissante qui "passe" sans effort l'orchestre et
les choeurs. Les deux prétendants, Calisis et Borilée trouvent
en Eric Laporte et Nicolas Cavallier des chanteurs à leur mesure.
Laporte fait preuve de belles demi-teintes, quoiqu'un peu en difficulté
dans les vocalises rapides. Cavallier, quant à lui, confère
à l'infâme Borilée des accents sombres parfaitement
inquiétants.
© Alain Kaiser
Thomas Dolié est une révélation.
gé de seulement 26 ans, ce jeune baryton français a déjà
interprété brillamment Papageno à l'Opéra du
Rhin en janvier. Ici, il est Adamas et Apollon. Deux rôles qui lui
vont merveilleusement bien. Mais le véritable héros de cette
soirée, c'est Paul Agnew. Ici, il se surpasse - si c'est possible
- en terme de couleurs et de nuances. Son air, après l'enlèvement
d'Alphise par Borée, est tout simplement prodigieux tant Agnew y
est tendre et poignant. Scéniquement, il arbore une sécurité
et une prestance dignes du héros qu'il incarne. Tant d'aisance vocale
et physique, c'est confondant.
© Alain Kaiser
A la fois gibier de chasse, attraction
pour la reine Alphise et même vents sous la domination de Borée,
les danseurs sont omniprésents. Leurs chorégraphies sont
constamment inventives, délibérément contemporaines
- un parti pris surprenant, mais assumé avec assez de talent pour
convaincre.
Sonorités superbes, phrasés
inouïs, le concert d'Astrée est superbement dirigé par
une Emmanuelle Haïm visiblement amoureuse de cette oeuvre. Le public
ne s'y est pas trompé est a réservé à la "cheffe"
et à ses musiciens un triomphe mérité.
Nicolas Grienenberger
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Prochaines représentations
:
18, 21 Juin : Mulhouse - La Filature
28, 29 Juin, 1er, 2, 4 juillet 2005
: Strasbourg - OpéraÝ
www.opera-national-du-rhin.com/