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TOURCOING
04/03/2008
Christophe Dumaux (Orlando) et les acrobates
© DR Atelier Lyrique de Tourcoing
Georg Friedrich HAENDEL (1685-1759)
ORLANDO
Opéra en trois actes
Livret adapté de Capece d'après Orlando furioso de l'Arioste (1516)
Créé à Londres au King's Theatre Haymarket le 27 janvier 1733
Direction musicale : Jean-Claude Malgoire
Mise en scène : Gildas Bourdet
Assistant à la mise en scène : Dominique Renckel
Décors : Gildas Bourdet, Edouard Laug
Costumes : Brigitte Faur-Perdigou
Lumières : Jacky Lautem
Images et régie : Alexis Noël
Montage vidéo : Youssef Barrada
Coiffures, maquillage Nathalie Eudier
Chefs de chant : Benoït Hartoin, Anne Catherine Vinay
Orlando : Christophe Dumaux
Angelica : Elena de la Merced
Medoro : Jean-Michel Fumas
Dorinda : Yvette Bonner / Rachel Nicholls
Zoroastro : Alain Buet
Isabella : Marion Laboulais
Acrobates : Emile Chaygneaud, Christelle Dubois, Anthony Lefebvre, Maud Penne
La Grande Ecurie et la Chambre du Roy
Tourcoing, le 4 mars 2008
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Un Orlando velléitaire
Il faut avant tout saluer les risques pris par l'Atelier Lyrique de Tourcoing, en montant un opéra aussi difficile. Car Orlando
exige de résoudre plusieurs problématiques, dont le
rôle titre n'est pas le moindre : femme ou homme, mais rompu
à la pratique vocale baroque et prêt à assumer la
complexité du personnage et la fameuse scène de
délire. Et les effets spéciaux ? Et les neuf
décors différents ? Et les contrastes de la
partition ? Aux côtés de Jean-Claude Malgoire, Gildas Bourdet
a le mérite d'assumer un point de vue et un budget modeste. Un
seul décor de salon bourgeois, les murs servant d'écran
à des projections vidéo évoquant le contexte de
chaque période : ciel étoilé pour l'ouverture
avec le Mage, puis visions de nature, ou bouillonnements oniriques. La
magie s'efface devant un procédé qui n'étonne
plus, mêlant au drame fantastique initial des aspects de
vaudeville conventionnel. Les créatures du mage sont quatre
membres du Centre Régional des Arts du Cirque de Lomme, en singes domestiques facétieux et lubriques.
Dans ce contexte, les costumes de Brigitte Faur-Perdigou
sont un contrepoint essentiel qui clôt l'univers voulu par
Bourdet. Prouesse technique et salmigondis imaginatif de diverses
influences, du samouraï de Zoroastro à la soubrette
piquante de Dorinda et à l'espagnole à queue de paon
d'Angelica, ils sont un corollaire signifiant du caractère de
leur titulaire. On est donc bien obligé, à la vision de
l'accoutrement stupéfiant d'Orlando, de déduire ce que
Bourdet veut en faire, et qui est corroboré par ses notes
d'intention : un être à la sexualité plus
qu'indéfinie, plurielle, un patchwork d'intentions
velléitaires, qui ratera jusqu'à son suicide, un
anti-héros dont le timbre initial de castrat souligne
l'ambivalence. Caramba ! Vêtu d'un manteau-robe bouffante en
toile militaire aux poches démesurées, chaussé de
rangers mais paré de jolies mitaines, cravate au col et
casquette à la Castro, joues roses, longue natte, belles
anglaises et ceinture de munitions à la taille, fasciné
par la robe dont il se pare devant son miroir, Orlando est, osons le
mot… franchement ridicule et totalement too-much. Qu'en a pensé Christophe Dumaux ?
En tout cas le message du metteur en scène passe … mais
pas toujours la voix, au timbre agréable, à la belle
agilité, mais sans grand projection. Christophe Dumaux semblera
constamment mal à l'aise dans son accoutrement, et la
scène de folie reste très mesurée, en
deçà de ce que l'on pourrait espérer de
variétés de tons, de couleurs et d'affects.
Les deux personnages féminins, contrastés, sont à
l'opposé de cet Orlando uniformément fragile,
scéniquement et vocalement : une coquette que
l'épreuve grandit, Angelica, et une amoureuse
pré-romantique qui tourne à la philosophe, Dorinda -
Rachel Nicholls. Aux côtés de Zoroastro, ce duo
féminin mène le peu d'action que leur laissent le Destin
(maintes fois évoqué), et le mage. Scéniquement,
la reine de la soirée est muette : magnifique
présence en scène d'une piquante Yvette Bonner vaincue par un vilain microbe, et remplacée en fosse par la remarquable Rachel Nicholls,
qui nous donne les plus beaux moments et la seule véritable
caractérisation dramatique de la soirée. En Angelica, Elena de La Merced a de l'allant, le timbre clair et brillant, parfois teinté de duretés ; Alain Buet
maîtrise à la perfection son rôle, ne tombant pas
dans le piège tentant de la surenchère parodique. Et
c'est vocalement de haute tenue, dans une partition qui explore la
grande étendue de sa tessiture. Excellent trio de fin de premier
acte.
A la tête de sa phalange, Jean-Claude Malgoire
semble lui aussi préférer la demi-teinte et
l'ambiguïté : peu de contrastes, enchainements
posés, tempi policés, parfois même très
ralentis (on eut peur pour Dorinda dans le « Quandi
spieghi » du second acte), mais moments d'une grande
poésie (air du sommeil d'Orlando). Peu de mystère et de
folie…
L'Orlando de Haendel n'est pas
celui de l'Arioste : avec la complicité de Capece, il en
donne une image doucereuse et cruelle, celle de la séduction, de
l'inexorable passion contre laquelle personne, fut-il sensé
être un héros, ne peut lutter. Et seule une transcendance,
comme dans tout opera seria,
fera remporter à Orlando sa victoire finale, celle contre
lui-même. Mars peut revenir pour la suite des aventures du
héros. Opéra « psychologique »
finalement assez pauvre en actions, ce que compensent effets
spéciaux et versatilité du rôle-titre, Orlando
gagne-t-il à la vision juste, mais aussi très radicale,
de Gildas Bourdet ? On regrette un peu que le trait soit forci, et
que cet Orlando
déjanté mais finalement transparent n'évite pas
l'écueil de la caricature. Trop d'ambiguïté tue
l'ambiguïté.
Sophie ROUGHOL
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