C O N C E R T S 
 
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PARIS
27/01/03
(Anne-Sofie von Otter)
Lamenti

Anne Sofie von Otter, mezzo-soprano

Musica Antiqua Köln
Reinhard Goebel, violon et direction

Claudio Monteverdi (1567-1643) :
"Con che soavitá"
(concertato pour voix solo et instruments)

Pier Francesco Cavalli (1602-1676) :
Sonate pour 2 violons, 3 altos, violoncelle et basse continue

Johann Christoph Bach (1642-1703) :
Lamento : "Ach, dass ich Wassers g'nug hätte"
(lamento pour voix d'alto, violon, 3 altos et basse continue)

Henry Purcell (1659-1695) :
Chaconne
"Thy hand, Belinda"
(récitatif et air de Didon dans Didon et Enée)

Michel Mascitti (1664-1760) :
Concerto en la majeur pour cordes et basse continue

Antonio Vivaldi (1678-1741) :
"Cessate, omai cessate"
(cantate pour alto, cordes et basse continue)

Théâtre des Champs-Élysées, 
lundi 27 janvier 2003


Les malheurs d'Anne-Sofie

La collaboration d'Anne Sofie von Otter avec Reinhard Goebel ne date pas d'hier, comme en témoignent les deux CD, particulièrement remarqués à leur sortie, qu'ils ont gravés ensemble chez DG : le trop méconnu Cantates et airs marials de Haendel (1994) et Lamenti (1998), un des récitals les plus étonnants de la cantatrice suédoise. Ce sont des extraits de cet enregistrement, agrémentés de quelques pages orchestrales, que les deux artistes ont proposés dans une série de concerts qui les ont menés de Metz (le 23) à Bordeaux (le 26), en passant par Lyon (le 24), avant cette soirée à Paris.

Les dates de ces concerts étaient-elles trop rapprochées ? Visiblement en petite forme, les cheveux en bataille, von Otter donnait l'impression de se réveiller d'une sieste prolongée et d'avoir à peine eu le temps d'enfiler la première robe venue avant d'entrer sur la scène du Théâtre des Champs-Élysées La voix était à l'avenant : instable et par moments détimbrée. Seul l'art de la cantatrice a pu sauver de l'ennui le "Con che soavitá" de Monteverdi, susurré avec une émotion contenue, d'autant que l'orchestre semblait chercher ses marques tout au long de l'aria.

Malgré le temps infini qu'ils employaient à s'accorder entre chaque page, les musiciens ont paru quelque peu fâchés avec la justesse dans la sonate de Cavalli tout comme dans le lamento de J.C. Bach, dont la tessiture a de surcroît semblé poser quelques problèmes à la chanteuse, trahissant par instants sa fatigue vocale. Fort heureusement la mort de Didon de Purcell, déclamée avec une grande noblesse teintée d'un désespoir subtilement dosé, emporta enfin l'adhésion des spectateurs restés jusque-là bien sages !

En seconde partie, Reinhard Goebel et son ensemble ont donné une rareté absolue : un concerto en la majeur de Michel Mascitti. Il n'est pas certain que le choix de cette oeuvre fasse beaucoup pour la renommée de ce musicien napolitain, qui fit durant la première moitié du XVIIIe siècle sa carrière à Paris où il mourut presque centenaire, à moins que l'on ne doive le peu d'intérêt que la salle lui a accordé à l'inadéquation stylistique de l'orchestre.

Nul doute que la cantatrice a dû estimer alors qu'il était temps de reprendre la situation en main ! Rentrant sur la scène d'un pas résolu, elle a présenté avec beaucoup d'humour et un art consommé du second degré "Cessate, omai cessate" de Vivaldi, avant d'en livrer une interprétation incandescente, exprimant tous les affects du personnage avec une acuité et un sens du théâtre stupéfiants qui ont soulevé l'enthousiasme du public, enfin réveillé par tant de véhémence déchaînée. Forte de son succès, von Otter a offert dans la foulée trois bis : un air de la cantate BWV 170 de Bach, un peu terni par les flottements de l'orchestre, précédé de deux Haendel somptueux, un extrait de Semele, "Where'er you walk", et l'aria "Piangerò la sorte mia", tirée de Jules César, qui a laissé entrevoir la Cléopâtre admirable qu'elle pourrait incarner. La comparaison avec Danielle De Niese, vocalement scolaire et appliquée à Garnier en début de saison, est à ce propos éloquente et prouverait, s'il en était besoin, qu'à l'opéra, avoir l'âge et le physique du rôle ne sont pas des atouts suffisants ni indispensables !

Un concert somme toute contrasté, sauvé in extremis par le charisme et l'art du chant ineffable d'une interprète qui ne laissera jamais de surprendre.
 
 

Christian Peter
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