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COLMAR
05/07/2007
© DR
Richard Wagner : Ouverture de Tannhäuser
Igor Stravinsky : Symphonie de Psaumes
Dmitri Chostakovitch : L’Exécution de Stépan Razine
Orchestre National Philharmonique de Russie
Académie d’Art Choral de Moscou
Dir. Victor Popov
Alexey Mocholov, basse
Direction musicale
Vladimir Spivakov
Colmar, Eglise Saint Matthieu, 5 juillet 2007-07-06
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Du bizarre, du rare et du russe
Bizarre comme le programme de ce concert de l’Orchestre National
Philharmonique de Russie dirigé par Vladimir Spivakov dans le
cadre du Festival International de Colmar (dont il est le directeur)
qui a choisi cette année de rendre hommage à la figure de
Charles Munch. Les noms de Stravinsky, Chostakovitch ou Wagner ne sont
en effet pas ceux que l’on associe d’emblée à
Munch, mais plus encore - et bien que le chef alsacien ait
effectivement dirigé ces œuvres - le mélange est
curieux... Les liens entre l’ouverture de Tannhäuser, la Symphonie de Psaumes de Stravinsky et L’exécution de Stépane Razine
de Chostakovitch semblent ténus, et à vrai dire,
l’enfilade passe mal. Mais ne faisons pas la fine bouche car le
concert nous réserve bien des satisfactions.
Rare, L’exécution de Stépane Razine
l’est, et c’est fort dommage car il s’agit de
l’une des plus belles œuvres vocales de Chostakovitch.
Ecrite pour basse, chœur et orchestre, cette œuvre
d’une demi-heure est animée de plages dramatiques
intenses, à la rythmique roborative, de contrastes saisissants
et d’un souffle puissant qui font penser à certaines pages
de la 11e symphonie ou de la 13e Symphonie, elle aussi avec basse solo.
La Symphonie de Psaumes de
Stravinsky quant à elle, bien que plus connue, n’en est
pas moins rare dans les programmations de nos orchestres.
Russe car la direction de Vladimir Spivakov ne lésine pas sur le
pathos, voire les décibels, et ce au détriment de
l’équilibre entre les pupitres ; elle offre
néanmoins des lectures qui emportent le public. On pense
à Svletlanov, mais le génie et la technique en moins. On
apprécie en effet ce souffle dans les pages dramatiques de
Chostakovitch, dans la Symphonie de Psaumes
de Stravinsky qui sonne ainsi avec un lyrisme étonnant (on est
à l’opposé de Boulez !) et bien sûr dans
une ouverture de Tannhäuser
large comme un panorama de haute montagne. Les tempi souvent lents
peuvent également surprendre, notamment dans le Stravinsky dont
les Alleluia du 3° mouvement, sans doute les plus tristes Alleluia de l’histoire de la musique, sont joliment modelés.
On est par contre plus gêné par la technique assez
sommaire du chef. Sa gestique désordonnée, tantôt
à l’allemande (en avance sur le temps), tantôt sur
le temps même, perturbe visiblement les musiciens qui semblent
soit attendre le geste du chef, soit le devancer. Départs flous,
décalages, flottements sont ainsi sensibles et gâchent la
performance. Heureusement, les musiciens sont excellents, et
c’est là un autre des bonheurs de la soirée.
L’Académie d’Art Choral de Moscou flatte par son
homogénéité et sa rondeur. On est par contre moins
convaincu par la basse Alexey Mochalov dans Chostakovitch. La voix,
instable, grosse si ce n’est grasse, rend le chant indécis
au point qu’on s’en demande parfois quelle note est
chantée... Reste une belle implication dramatique.
L’orchestre enfin, est superbe. Les pupitres sûrs (magnifiques trombones et cors dans l’ouverture de Tannhäuser)
et aux couleurs franches (bois parfaitement acerbes dans le
Chostakovitch) donnent à l’ensemble une identité
affirmée, ce qui manque parfois à des formations au son
de plus en plus standardisé. Ici, la sonorité
typée est néanmoins toujours ronde et belle, et ce
malgré l’absence de discipline qu’un vrai chef
saurait donner, et qui aiderait à hisser encore plus le niveau.
Nous avions remarqué une situation similaire à Moscou en
écoutant en mars dernier l’Orchestre Symphonique
d’Etat « Nouvelle Russie » fondé et
dirigé par Youri Bashmet : une formation
intrinsèquement splendide mais en pilotage automatique avec un
« chef » totalement dépassé par les
événements. Ils sont loin les temps des Mravinsky,
Kondrachine, Svletlanov et Cie, et la superbe tenue de ces jeunes
orchestres russes réclame des chefs à leur mesure et
à la mesure de l’histoire musicale de ce pays dont Colmar
se veut, pour notre bonheur, la villégiature estivale.
Pierre-Emmanuel Lephay
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