C O N C E R T S
 
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LYON
28/11/2004

Sandrine Piau
©  www.jeanine-roze-production.fr
DIVAS HAENDELIENNES

Récital Sandrine Piau

Les Talens Lyriques
direction Christophe ROUSSET

Georg Friedrich Haendel

Orlando : Verdi piante, erbette liete
Radamisto : Sposo ingrato, parto si
Rodelinda : Ombre, piante, urne funeste!
Water Music, Troisième suite en sol majeur, HWV 350
Giulio Cesare : Che sento? Oh Dio! Se pietà

Entracte

Arianna in Creta : Son qual stanco pellegrino
Concerto grosso op. 3 n°1 en si bémol majeur, HWV 312
Amadigi di Gaula : Ah! spietato!
Scipione : Ouverture
Scoglio d'immota fronte

Bis

Deidamia : M'ai resa infelice
Faramondo : Combattuta da due venti
Tamerlano : Cor di padre

Opéra de Lyon
dans le cadre du Festival de musique ancienne de Lyon,
le 28/11/04


Billet en poche, on abandonne pour quelques heures le disque Haendel de Sandrine Piau nouvellement sorti et que l'on écoute en boucle depuis deux semaines pour faire avec la dame l'expérience du live. On croit tout savoir du Haendel de Piau et l'on s'attend seulement à un beau moment de musique répétant un peu mécaniquement les trésors de l'enregistrement, puisque le programme lui-même s'assume comme une reprise de ces derniers.

Ce programme justement est très intelligemment conçu, sans la relative raideur conceptuelle du disque qui consiste à faire alterner airs tendres et de bravoure, pathos et bucolisme. Ici le versant doloriste, arcadien, de l'oeuvre haendelien prédomine, et il faudra attendre la fin du concert (l'ironique "faux départ" et les bis, très prodigues) pour s'ébrouer de virtuosité. A peine quelques airs ont été retranchés par rapport au disque, mais l'auditeur y gagne, en première partie, l'absolu bijou que constitue l'ébouriffant "Sposo ingrato" de Radamisto, véritable joute oratoire entre soliste et violon concertant, pugilat rhétorique grandiose autour de l'idée d'amour trahi. 

Au concert, dans cette atmosphère qui permet toutes les mises à nue vocales, les silences les plus éloquents comme aussi et surtout les plus purs moments d'émotion, Piau ressert de manière presque implacable ce qui fait toute l'excellence de son album haendelien. La lumière profuse du timbre, ici particulièrement servie par l'acoustique de la salle, irradie des lignes conduites sur un souffle qui semble ne jamais devoir s'épuiser ("Sposo ingrato" et surtout magnifique "Ombre piante" de Rodelinda). L'artiste joue aussi de ces dégradés infinitésimaux, de ces crescendi et decrescendi, de ce modelé diffus qui sculpte la phrase tout en lui laissant l'apparence d'une pure abstraction sonore. Piau a la qualité rare de sembler flotter sans peine ("Se pieta" est à cet égard troublant à la fois de facilité et de simplicité dans la plainte, d'ascèse sonore), mais aussi cette pugnacité, cette virulence qui dans les airs brillants clouent le spectateur à son siège, de par la tempétueuse radiance de la voix. Et ici comme au disque, les da capo que l'on serait tenté de dire "berninesques", d'une plasticité virtuose, rayonnent d'une technique vécue plus encore qu'assumée.

Mais le concert offre à Piau, plus que le disque sans doute, l'occasion d'un dialogue complice avec un orchestre qu'elle connaît et qu'elle aime, et pour lequel la réciproque est évidente. Le chef la couve, les dialogues concertants (on l'a dit pour Radamisto mais le violoncelle en larmes d'Arianna in Creta comme le traverso souple de Rodelinda affirment les mêmes qualités de musicalité trouble, d'écoute mutuelle et de dramatisme douloureux) innervent le discours avec une fluidité de phrasé et un refus du pathos démonstratif toujours justes. Et le live, avec la fatigue que l'on sent poindre dans la dernière partie du programme, avec aussi la fêlure de chacun de ces personnages, permettent à Piau d'unifier les pièces par le supplément d'âme que n'offre que la scène, par cette tendresse poignante que sa voix charrie comme un torrent humaniste. Qu'importent alors quelques sons où l'artiste semble en lutte avec elle-même; qu'importent aussi quelques vocalises bousculées dans l'urgence d'un allegro brillant, d'une gamme virtuose culminant sur un aigu percutant, solaire.

A la fin du concert, pour une séance de dédicace bon enfant, Sandrine Piau, avec cette robe Pompadour relookée qui dit tout d'elle, comme le miroir "froufroutant" de son art ténu, avec un sourire, s'excuse presque de souffrir encore de quelques restes d'une récente laryngite. Mais elle aime tellement Haendel, nous dit-elle... Elle nous le fait si bien aimer aussi... Et si finalement, dans sa catégorie, LA Piau était LA diva haendélienne ?
 
 
 

Benoît BERGER
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