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FRIBOURG
31/12/04
© C. Haymoz
Gioacchino Rossini (1792-1868)

LA PIETRA DEL PARAGONE

Melodramma giocoso en deux actes
Livret de Luigi Romanelli

Nouvelle production de l'Opéra de Lausanne
En coproduction avec l'Opéra Théâtre de Besançon et l'Opéra de Rennes

Delphine Galou (La Marchesina Clarice),
Mélanie Boisvert (Donna Fulvia),
Mona Somm (La Baronessa Aspasia),
Till Fechner (Il Conte Asdrubale),
Benjamin Hulett (Giocondo),
Bruno Taddia (Macrobio),
Sacha Michon (Pacuvio),
Francesco Biamonte (Fabrizio).

Laurent Gendre, direction musicale

François de Carpentries, mise en scène
Emmanuel Clolus, décors 
Karine van Hercke, costumes et dramaturgie
Serge Simon, lumières

Orchestre de Chambre de Genève

Opéra de Fribourg, 31 Décembre 2004


Enthousiasmante production

Depuis bientôt vingt ans, les passionnés dirigeants de l'Opéra de Fribourg se dépensent sans compter pour présenter le spectacle lyrique de la ville. Une saison d'opéra se limitant à un seul spectacle annuel. Une production qui ne peut se dérouler que pendant les vacances universitaires, le théâtre de l'opéra de Fribourg prenant ses quartiers dans l'Aula de l'Université ! Un jour, peut-être, Fribourg pourra offrir à sa culture un théâtre digne de ce nom. Ne serait-ce que pour sa seule programmation annuelle, il le mériterait largement, tant sa qualité est remarquable. Les moyens économiques de l'Opéra de Fribourg ne sont pas, loin s'en faut, ceux des grandes maisons lyriques. Par conséquent, la fidélisation du public est primordiale et le choix des oeuvres s'avère délicat. Ne pas donner dans les grands classiques, dont les grandes maisons font leurs "choux gras ", ni dans les spécialités dont tout le monde parle et que personne ne va voir. Juste entre les deux.

C'est le défi auquel l'Opéra de Fribourg répond avec succès. Entre Les aventures du roi Pausole d'Arthur Honegger l'an dernier et un Mondo della Luna de Josef Haydn en 2006, c'est la rare La pietra del paragone de Rossini que les spectateurs fribourgeois (avant les Franc-Comtois et les Rennais) ont pu goûter cette année. Goûter est le mot, parce que ce spectacle est un délice d'humour, de fantaisie et de musicalité.

Un délice d'humour et de fantaisie avec la mise en scène de François de Carpentries. Dans cet imbroglio amoureux très bien ficelé par le livret de Luigi Romanelli, le metteur en scène utilise ses chanteurs avec ce qu'ils ont de naturel pour les projeter dans l'intrigue. Ainsi chacun est à sa place, comme lorsqu'il profite de la stature imposante de "son" Fabrizio, le confident du comte, pour réussir une scène admirablement comique avec "sa" minuscule Donna Fulvia, une de ses prétendantes. De Carpentries excelle dans le détail. Et l'annonce de la ruine du Comte qu'il découvre sur un papier noir en est un exemple parmi d'autres. Cela n'empêche pas la simplicité du décor (Emmanuel Clolus). Un mur blanc flanqué de deux escaliers amovibles, au milieu d'un parterre de lettres monumentales (pourquoi avoir abandonné cette belle idée dans le deuxième acte ?), permet à l'action de se dérouler sans anicroches. Improvisé accessoiriste, le choeur déplace les lettres du décor pour composer un mot éclairant le propos ou, retournant les escaliers, il érige une tribune de déclamation. Inhabituelle, mais néanmoins très efficace, l'idée de dire les récitatifs les plus importants à la compréhension de l'intrigue en français.

Un délice de musicalité avec un Orchestre de Chambre de Genève en incessants progrès. Sous la baguette de Laurent Gendre, l'ensemble sait doser ses élans pour maintenir l'équilibre avec les chanteurs et ne pas assourdir le public, un risque engendré par la disposition particulière de l'Aula de l'Université qui ne dispose pas d'une véritable fosse d'orchestre.

Le plateau réuni à l'occasion de cette production est certainement le plus homogène jamais présenté à l'Opéra de Fribourg. Aucun protagoniste ne ravit la vedette aux autres. Certes, le plus habile et le plus complet reste le baryton italien Bruno Taddia (Macrobio). Baryton typiquement rossinien, sa faconde vocale et son aisance scénique font merveille. De son côté, le baryton genevois Sacha Michon (Pacuvio) développe un admirable talent théâtral. Sa voix très bien placée et dotée d'un timbre flatteur devrait bientôt le conduire sur le chemin de beaux succès. Vocalement moins caractérisé que ses collègues, la basse Till Fechner (Il Conte Asdrubale) soutient pourtant la plus grosse part de l'opéra avec une présence scénique quasi continuelle. Si on reste un peu sur sa faim avec la "petite" prestation d'acteur du ténor Benjamin Hulett (Giocondo), celle-ci se trouve relevée par une voix extrêmement bien conduite.

Chez les dames, si les deux prétendantes, Mélanie Boisvert (Donna Fulvia) et Mona Somm (La Baronessa Aspasia), ont des rôles plus effacés, elles apparaissent néanmoins vocalement très à l'aise. Le contralto de Delphine Galou (La Marchesina Clarice) reste la révélation de cette production. Remarquablement homogène sur toute la tessiture, son léger manque de puissance reste largement compensé par une vocalité troublante et touchante. La technique vocale est irréprochable, et le charme de sa voix n'est pas étranger au vibrato rapide qui l'habite.

Certes, l'enthousiasmante production fribourgeoise doit une grande partie de son succès à la superbe musique de Rossini. Quelle verve pour un compositeur d'à peine vingt ans qui, en cette même année 1812, avait présenté pas moins de six opéras !
 
 

Jacques SCHMITT


Prochaines représentations :
Fribourg, Aula de l'Université : les 7, 8, 12, 14 et 16 janvier 2005
Düdingen, Podium : les 21 et 23 janvier 2005
Besançon, Opéra Théâtre : le 3 février 2005
La Tour de Trême, Salle CO2 : les 9 et 11 février 2005
Rennes, Opéra : les 3, 4, 6 et 8 mars 2005

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