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MONTE-CARLO
21/11/04

Carmen Oprisanu (la Marquise Clarice) et Marco Vinco (le Comte Asdrubale)
dans La pietra del paragone
© Opéra de Monte-Carlo novembre 2004
Gioacchino ROSSINI

LA PIETRA DEL PARAGONE

Melodramma Giocoso en deux actes

Crée au Théâtre de la Scala - Milan, le 26 septembre 1812
Première à l'Opéra de Monte-Carlo

La Marquise Clarice : Carmen Oprisanu
La Baronne Aspasia : Laura Brioli
Donna Fulvia : Patrizia Biccirè
Le Comte Asdrubale : Marco Vinco
Le Chevalier Giocondo : Raul Gimenez
Macrobio : Pietro Spagnoli
Pacuvio : Bruno De Simone
Fabrizio : Enrico Marabelli

Direction musicale : Marco Zambelli

Orchestre Philmarmonique de Monte-Carlo
Choeurs de l'Opéra de Monte-Carlo
Chef de choeur : Kristan Missirkov
Mise en scène, décors et costumes : Pïer Luigi Pizzi
Eclairages : Sergio Rossi

Production du Rossini Opera Festival de Pesaro

Opéra de Monte Carlo - 21 novembre 2004



"La Pietra del paragone est, suivant moi, le chef d'oeuvre de Rossini dans le genre bouffe." Elogieuse et véridique appréciation d'un Stendhal dans sa Vie de Rossini.
Peu donnée, presque inconnue (l'enregistrement Nuova era doit être encore au catalogue) cette Pierre de touche a effectivement tout pour séduire.

Avec un livret en béton (proche du Così mozartien et des comédies en vogue au XVIIIe), des travestissements, des quiproquos, une course poursuite délirante, le tout sur une musique d'une finesse et d'une richesse sans égale, un humour de tous les instants avec jeux de langue obligés (Ombretta sdegnosa del Missipipi, pipi, pipi...), des pages orchestrales somptueuses (scène de chasse et fameux orage !), l'on comprend l'enthousiasme soulevé chez un public avide de nouveautés et les cinquante-trois triomphales représentations successives données au lendemain de la création milanaise.

Il est vrai aussi que Rossini (qui ne se gêne pas au passage pour égratigner un microcosme coloré de parasites et scribouillards vaniteux) avait sous la main le gotha lyrique du moment et que tous s'en donnaient à coeur joie dans cette histoire burlesque, sucrée salée, de noble faussement ruiné mettant à l'épreuve la fidélité de ses nombreux amis. On pense à Marivaux dessiné par Daumier et parfois même Dubout.


Pietro Spagnoli (Macrobio), Bruno De Simone (Pacuvio),
Patrizia Biccirè (Donna Fulvia) et Laura Brioli (la Baronne Aspasia)
© Opéra de Monte Carlo - Novembre 2004

Importée de Pesaro, donnée en première à Monte-Carlo, la production de Pier Luigi Pizzi - qui, en véritable Protée signe mise en scène, décors et costumes - ne laisse aucun souffle au spectateur.

On complote, intrigue, danse, se bat à l'épée, joue au tennis ou téléphone dans le jardin avec vraie piscine d'une luxueuse villa. La domesticité est nombreuse, les pique-assiettes aussi. Passent les ombres d'une certaine Dolce Vita mais ici oisive, décadente, fin de siècle. 

Aucune trahison pourtant, dans cette intelligente transposition, tant le courant passe et le public s'amuse ! Combien soudain tous ces pantins nous apparaissent familiers ! Vous l'aurez compris : la comédie italienne dans toute sa splendeur trouve ici naturellement sa place. Un vrai moment de bonheur.

L'esprit de troupe, on n'a rien fait de mieux ! Comme revigorée par tant d'esprit et d'à-propos, la distribution s'en donne à coeur joie.

Fine comme un saxe, belle, dense, intense, un physique de star hollywoodienne, une voix rodée aux grands rôles de bel canto, la Roumaine Carmen Oprisanu (la Marquise Clarice) se met le public dans la poche dès son entrée en scène.

Satisfecit global pour les deux autres nobles dames (rouées ou vraies dindes prétentieuses, à votre choix) : Laura Brioli et Patrizia Bicciré.

Brelan d'as chez les messieurs. Totalement maîtres des secrets du chant rossinien, Raul Gimenez (Giocondo), Pietro Spagnoli (Macrobio) Bruno de Simone (Pacuvio) se défoncent à coup de malices réglées et rivalisent de musicalité.

Le baryton-basse Marco Vinco enfin (neveu d'Ivo et Fiorenza Cossotto) emporte tout sur son passage. Physique de jeune premier, ligne de chant irréprochable, aigu facile (il va chanter Athanaël à Rome !), grave cuivré et chaleureux, présence de tous les instants.

Dans la fosse, bordée de gazon, Marco Zambelli, sans ses surcharges qui sont habituellement à la limite du vulgaire, dirige un Rossini vif, pétillant comme du meilleur Asti, allègre, crépitant, bon enfant, pour un spectacle à déguster sans restriction.
 
 
 

Christian COLOMBEAU
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