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BRUXELLES
22/05/2007
Maurizio Benini
© DR
Vincenzo Bellini (1801 – 1835)
I PURITANI
Mélodrame en 3 actes
sur un livret de Carlo Pepoli
basé sur un drame historique de Jacques-François Ancelot
et Joseph Xavier Boniface :
Têtes rondes et Cavaliers.
Lord Gualtiero Valton : Riccardo Ferrari
Sir Giorgio Valton : Michele Pertusi
Lord Arturo Talbo : Mario Zeffiri
Sir Riccardo Forth : Stefano Antonucci
Sir Bruno Robertson : Cristiano Cremonini
Enrichetta di Francia : Gabriella Colecchia
Elvira : Sumi Jo
Orchestre Symphonique et Chœurs de La Monnaie
Direction musicale : Maurizio Benini
Chef des choeurs : Piers Maxim
Palais des Beaux Arts
Bruxelles, le 22 mai 2007
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La petit musique de Sumi Jo
1835 est l’année de création d’I Puritani,
c’est aussi l’année du trente-quatrième et
dernier anniversaire de Vincenzo Bellini. Alors que son œuvre
ultime, un des chefs-d’œuvre absolus du belcanto
romantique, s’achève sur une note joyeuse : la
réconciliation d’Elvira et d’Arturo sur fond de
guerre civile ; la vie de Bellini prit fin de manière
sordide : l’enfant de Catane s’éteignit, seul,
à Puteaux, probablement d’un cancer foudroyant, fui par
ses amis qui craignaient une attaque de choléra. Destinée
tragique et mystérieuse qui inspire aujourd’hui encore
certains romanciers, ravis de spéculer sur les raisons
d’une disparition brumeuse, un peu comme Mozart, au fond, sauf
que dans son cas la thèse de l’ingestion des carbonades
avariées semble l’emporter.
Au début de son mandat, Bernard Foccroulle avait promis qu’il ferait la part belle au belcanto,
regardé d’un œil torve et peu inspiré par son
prédécesseur, Gérard Mortier. Malheureusement
Foccroulle, musicien de théâtre, dût se rendre
à l’évidence : il n’y a rien à
faire des livrets belcantistes, tous plus insipides et improbables les
uns que les autres. Face aux enfants jetés au feu par erreur,
aux somnambules qui se réveillent dans la chambre de vieillards
lubriques, aux jeunes amants fougueux qui tuent leur beau-père
en voulant déposer les armes, que peuvent faire un Luc Bondy ou
un Herbert Wernicke ? Le belcanto
trouva donc son salut dans la version de concert, exercice qui
connaît ses limites mais aussi ses avantages, comme celui de
reléguer au second plan des livrets indignes du génie
musical qui en anime l’action.
Cette initiative valut aux heureux Bruxellois de très grands
moments de musique, comme une Ermione légendaire portée
par Nelly Miricioiu et Chris Merritt. L’arrivée de
l’italien Valerio Tura à la tête de
l’administration artistique de La Monnaie a permis à la
doyenne des institutions lyriques belges de revisiter certains
incontournables du répertoire, boudés par l’auguste
scène. Ainsi n’avait-on plus programmé Les
Puritains à La Monnaie depuis 1952 et une distribution qui, sur
papier, ferait saliver une momie : Eugène Regnier, Maurice
De Groote, Gilbert Dubuc, Giulia Bardi et, bien entendu, Maurice Bastin
à la baguette. Que des champions du monde ! C’est
dire si la distribution de ce soir a été accueillie avec
délectation par les locaux.
Il faut composer, bien sûr, avec Maurizio Benini dont les
incessants rubati – censés insuffler du dramatisme
à une œuvre qui n’en manque pourtant pas – ont
de quoi agacer. Le chef italien privilégie une
théâtralité qui semble triviale quand elle se
greffe à une œuvre aussi simplement belle. Benini ne fait
pourtant mauvaise figure par rapport à la lignée des
Campanella et des Pidò qui ont cette musique dans le sang, mais
manquent peut-être du recul nécessaire à une
lecture vraiment originale. L’orchestre de La Monnaie
répond pourtant admirablement à ses impulsions et trouve
un enthousiasme interprétatif qu’il réserve
généralement à des œuvres plus
cérébrales. Aux saluts, orchestre, chœur et public
accueillent le chef avec un enthousiasme débordant, preuve
qu’à défaut de nous avoir conquis, la lecture de
Benini a convaincu une très large partie de l’assistance
et des protagonistes.
A tout seigneur, tout honneur, Michele Pertusi ne fait qu’une
bouchée du rôle de Giorgio. Ce jeune vétéran
prête sa noblesse, sa ligne généreuse et tout son
aplomb au seul personnage de la pièce dont les motifs ne sont
pas uniquement dirigés par sa libido débordante. Le
baryton Stefano Antonucci séduit par sa technique solide et par
l’ampleur de son organe, on regrette seulement un timbre pauvre
en harmoniques et une certaine incapacité à embrasser le
style belcantiste : la reprise de sa cabalette est à peine
ornementée et le chef est obligé de diviser son tempo par
cinq dans la partie vocalisante du premier finale.
Remplaçant Antonino Siragusa au pied levé, on retrouve
non sans inquiétude le ténor grec Mario Zeffiri dont le
timbre particulier, dans son acception la plus négative,
n’est pas sans rappeler William Matteuzzi. Ce constat purement
subjectif mis à part, il faut reconnaître au ténor
une somme de mérites indéniable : l’engagement
et le volume sans parler d’une facilité dans l’aigu
qui fait regretter qu’il ne tente pas le contre-fa de son air
final.
Sumi Jo nous avait façonné une Amina admirable il y a
à peine deux ans, son retour – en remplacement de
Désirée Rancatore, initialement prévue –
était donc une très bonne nouvelle. Sans surprise, la
soprano coréenne prend le parti de tirer le rôle
d’Elvira vers l’aigu, ce qui est historiquement
inadéquat mais fidèle à la bonne tradition. On
reste bouche bée devant sa verve ornementale,
l’imagination et le bon goût qui caractérisent son
travail sur ce rôle. On assiste fébrilement à un
véritable feu d’artifice de coloratures, de suraigus, de pianissimi, de diminuendi
et autres termes en « i » dont se
délectent les spécialistes du répertoire italien.
Bluffant ! Pour ne rien gâcher, Sumi Jo est une artiste, une
musicienne et ce qu’elle fait de sa voix dépasse le strict
cadre de l’esbroufe. Mais plus de vingt ans de carrière
sont passées par là et le suraigu, alors si fier, est
aujourd’hui relativement ténu, l’impact de certaines
intentions s’en voit par conséquent réduit. Mais ce
n’est rien par rapport au nombre sidérant de motifs
d’admiration.
Hélène MANTE
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