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VIENNE
22 & 29/06/06
© Wiener Staatsoper
Giuseppe VERDI
RIGOLETTO
Duc de Mantoue : Rolando Villazón/Stefano Secco*
Rigoletto : Leo Nucci
Gilda : Elena Mosuc/ Diana Damrau*
Sparafucile : Ain Anger
Maddalena : Nadia Krasteva
Giovanna : Zsuzsanna Szabó
Monterone : Janusz Monarcha
Marullo : Eijiro Kai
Borsa : Cosmin Ifrim
Comte Ceprano : Clemens Unterreiner
Comtesse Ceprano : Ǻsa Elmgren
Huissier : Mario Steller
Page du duc : Laura Tatulescu
Mise en scène : Sandro Sequi
Décors : Pantelis Dessyllas
Costume : Giuseppe Crisolini Malatesta
chef de choeur : Ernst Dunshirn
Chœur et orchestre du Staatsoper
Dir. musicale : Vjekoslav Šutej
Vienne, 22 et 29* juin 2006
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La leçon de Nucci
Un vétéran du rôle titre considéré comme le Rigoletto de sa génération, un ténor (sur)médiatisé et deux excellentes soprani
sont les ingrédients de cette reprise. C’est une des
caractéristiques du Staatsoper : des productions vues et
revues, parfois même vieillottes auxquelles l’abonné
ne fait plus attention ; des chanteurs livrés plus ou moins
à eux-mêmes sur le plan scénique, un orchestre qui
ne répète pas, et fouette cocher !
On peut ne pas aimer cette politique : en dehors des nouvelles
productions, soignées et longuement
répétées, on propose du
prêt-à-porter… mais avec une distribution de luxe.
Ceci compense cela. C’est ainsi que sur trois soirs
d’affilée fin juin la maison viennoise peut aligner
Garanca dans Werther, Florez dans L’Italiana (et même Shicoff dans Idomeneo au Theater an der Wien).
Aucune surprise à attendre donc dans ce qu’on voit sur
scène. Costumes traditionnels, palais ducal du XVIe
siècle, jardin de Rigoletto, repaire de Sparafucile, attitudes
conventionnelles, pour le mélomane agressé par les
productions innovantes, c’est rassurant ; dans
l’absolu, c’est routinier.
Reste ce qu’on entend sur scène et dans la fosse. Saluons
d’abord une exécution sans coupures et des chœurs
-exclusivement masculins- aguerris. Quelques décalages entre
l’orchestre et les solistes le 22 juin ont été
réglés le 29 : par exemple le chef propose
plusieurs rubatos à Rolando Villazon dans la reprise de
« Possente amor mi chiama », mais ce dernier ne
s’en saisit pas et garde le même tempo, ce qui oblige
l’orchestre à rattraper l’avance prise par le
ténor. D’une manière générale la
direction de Sutej est attentive aux chanteurs mais manque parfois de
vigueur et de poigne.
Leo Nucci a besoin de quelques minutes pour s’échauffer le
22 juin, mais une fois passées les craintes du début de
représentation, il offre une leçon de chant et
d’humanité qui ferait pâlir des barytons plus jeunes
de vingt ans. Rolando Villazon qui avait annulé la
première pour maladie dessine un duc ardent dans toute
l’inconséquence de sa jeunesse. Nous retrouvons ses
qualités : son engagement, un beau phrasé
(« E il sol dell’anima » sur le souffle),
de belles nuances (« Parmi veder »)… mais
aussi ses défauts : une tendance à forcer ses
moyens pour ne pas se faire couvrir par l’orchestre et le talon
d’Achille de l’extrême aigu (la fin de
« La Donna e mobile »). Une nouvelle
défection du ténor mexicain nous a permis
d’entendre Stefano Secco le 29 juin. La voix est plus
corsée et l’acteur convaincant. Ain Anger est un
Sparafucile correct à défaut d’être marquant.
Chez les femmes, Nadia Krasteva ne manque pas de séduction, mais
la palme du charme scénique et vocal revient à Elena
Mosuc et Diana Damrau. La première possède beauté
du timbre, élégance de la ligne de chant, projection de
la voix ; la soprano roumaine fait taire les tousseurs, plaie des
théâtres, et nous enchante. Comme la perfection
n’est pas de ce monde, elle lâche en catastrophe le
contre-mi qu’elle a voulu ajouter à la fin du
« Caro nome », mais une note reste bien
secondaire après un air aussi finement ciselé. La soprano
allemande possède elle aussi une voix insolente, une
musicalité sans faille et une technique remarquable (on peut
citer par exemple des trilles parfaitement battus). Quant à
l’engagement dramatique sa Gilda sait se faire à la fois
fragile et désespérée. C’est un luxe
véritable, écrivions nous au début de
l’article, d’entendre ces deux voix à sept jours
d’intervalle.
Valéry Fleurquin
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