C O N C E R T S 
 
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BRUXELLES
(Palais des Beaux Arts)
03/12/02

(Copyright Harmonia Mundi)
Accademia dell'Arcadia

Andreas Scholl

Andreas Scholl, contre-ténor
Accademia Bizantina
Ottavio Dantone, direction
 

Pietro Paolo Bencini (ca.1670-1755)
Introduzione

Bernardo Pasquini (1637-1710)
Cantate "Navicella ove ten vai"

Arcangelo Corelli (1653-1713)
Concerto grosso en ré majeur, op. 6/4

Francesco Gasparini (1668-1727)
Cantate "Destati Lidia mia"

Benedetto Marcello (1686-1739)
Cantate "Quando penso agli affanni"

Alessandro Scarlatti (1660-1725)
Concerto grosso n°4 en sol mineur

Francesco Gasparini
Cantate "Ecco che alfin ritorno"

Bruxelles
Palais des Beaux-Arts, 3 décembre 2002

(Lire la critique du concert donné à Paris le 5 décembre 2002)



Andreas Scholl possède sans nul doute une des plus belles voix de contre-ténor au monde, mais depuis qu'il a pris son envol, il n'a jamais vraiment quitté les chemins balisés par ses prédécesseurs. Est-ce parce que la musique baroque s'est imposée, culturellement et économiquement, ou parce que les falsettistes, hier raillés et décriés, ont désormais leur public et n'ont plus rien à prouver ? A moins qu'il n'ait tout simplement pas l'étoffe d'un explorateur : son parcours aligne des tubes, de Bach à Haendel, en passant par Vivaldi ou Dowland, au point que René Jacobs, qui fut son professeur à la Schola Cantorum de Bâle et guida ses premiers pas, lui reproche, au détour d'une interview, de manquer de curiosité et de gâcher ses dons en livrant un énième Stabat Mater de Vivaldi. Le programme de sa nouvelle tournée européenne crée d'autant plus la surprise : Bernardo Pasquini, Francesco Gasparini et Benedetto Marcello, trois générations de maîtres et d'élèves pour une Arcadie largement méconnue, légère et rafraîchissante, galante et primesautière et qui bonifie au fil du temps. Aucune découverte majeure, mais un éclairage neuf sur le genre, extraordinairement fécond, de la cantate de chambre.

Et pourtant la soirée commence mal, sous le signe d'un ennui poli. L'introduzione de Bencini n'offre qu'une mise en bouche frugale et relativement insipide alors que "Navicella ove ten vai" (Pasquini) justifie pleinement le commentaire du programme : "Ses oratorios et ses cantates sont pour la plupart des oeuvres de circonstance assez conventionnelles" - il faut saluer, au passage, le franc-parler d'un auteur qui refuse la langue de bois fleurie et racoleuse qui sévit généralement dans les livrets distribués lors des concerts. Cette pièce mineure et routinière ne semble guère inspirer le contre-ténor, qui peine à trouver ses marques. En fait, l'impression ne nous quittera pas de sitôt : apparemment en petite forme, Andreas Scholl se montre extrêmement précautionneux, le chant manque de projection et d'éclat, l'aigu est effleuré avec une prudence déroutante, si ce n'est quelques suraigus détonants qui contrastent avec des graves excessivement poitrinés. Quelle mouche l'a donc piqué ? Le voici qui multiplie les décrochages en de voix poitrine et crée des ruptures extravagantes, parfois plaisantes, mais aussi dommageables, ainsi dans la savoureuse cantate de Gasparini ("Destati Lidia mia") où son timbre assez fruste de baryton vient briser le charme d'un aigu planant. Les arias virtuoses le montrent fatigué, la vocalisation est mécanique (Marcello), l'aigu fragile et parfois crispé. En outre, les limites de l'interprète sont particulièrement sensibles dans les récitatifs, notamment ceux de la seconde cantate de Gasparini (" Ecco che alfin ritorno"), sans doute l'oeuvre la plus personnelle et la plus intéressante du programme : Scholl survole le texte, il n'a manifestement pas grand chose à dire et s'écoute chanter. Ses admiratrices ont beau lui trouver un physique de Superman, il n'a pas le tempérament d'un héros, le théâtre n'est pas son univers, il le sait et limite d'ailleurs ses apparitions à l'opéra. Le décalage entre son chant et ses attitudes sur scène n'en est que plus frappant, quand il ne prête à sourire : les gesticulations et les froncements de sourcil ne servent à rien quand les accents, les couleurs, les inflexions, le mordant ne suivent pas. A sa décharge, il faut dire que le chanteur est livré à lui-même...

Les concerti grossi de Corelli et Scarlatti sont avant tout là pour lui permettre de respirer, mais la joyeuse anarchie des instrumentistes, cabotins en diable, laisse songeur. L'enthousiasme n'est pas tout, a fortiori lorsque la concurrence est redoutable : Il Giardino Armonico, I Sonatori della Giosa Marca, L'Orchestre baroque de Venise et Giuliano Carmignola... arrêtons là cette énumération cruelle. Suprême désinvolture, l'ensemble change le programme à la dernière minute et joue un troisième concerto. Croyez-vous qu'Ottavio Dantone ait jugé utile de l'annoncer et de le présenter au public ?

Mais qu'importe, au fond ? Tout le monde (ou presque) vient écouter la star et non cette sympathique, mais très perfectible phalange transalpine. Et pour ses fans, la voix du bel Allemand est déjà, en soi, une source de plaisir, un inépuisable sujet d'admiration. Au reste, le public bruxellois - "parce qu'il a élu domicile dans la capitale et chanté au mariage de Philippe et Mathilde", glousseront les commères - est conquis d'avance, chaleureux et unanime pour saluer l'entrée du chanteur ou le rappeler. Il apparaît plus décontracté et se donne enfin dans les bis, comme si l'heure de la délivrance, imminente, lui donnait des ailes : la voix s'épanouit, le chant se délie et l'Ange distille ces aigus éthérés qui font chavirer les âmes sensibles, même s'il se contente de reprendre deux arias extraites du programme.
 
 
 

Bernard Schreuders



Lire la critique du concert donné à Paris le 5 décembre 2002
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