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LILLE
11/03/2008
(Acte V)
© Alvaro Yanez
Jean-Baptiste Lully (1632-1687)
THESEE
Tragédie mise en musique en un Prologue et cinq actes
représentée pour la première fois
devant la cour
à Saint-Germain le 15 janvier 1675
Direction musicale : Emmanuelle Haïm
Mise en scène : Jean-Louis Martinoty
Assistante à la mise en scène : Violaine Brébion
Décors : Hans Schavernoch
Costumes : Sylvie de Segonzac
Assistante costumes : Isabelle Boiton
Chorégraphie : François Raffinot
Lumières : Fabrice Kebour
Images et régie : Alexis Noël
Chef assistant et chef de chœur : Denis Comtet
Chefs de chant : Yves Castagnet, Elisabeth Geiger
Thésée : Paul Agnew
Médée : Salomé haller
Aeglé : Sophie Karthaüser
Egée : Jean-Philippe Lafont
Cérès, Cléone, une bergère : Jaël Azzaretti
Mars, Arcas : Nathan Berg
Vénus, Dorine, une bergère : Aurélia Legay
La Grande Prêtresse, Minerve : Françoise Masset
Bacchus, un Plaisir, un berger, un vieillard : Cyril Auvity
Un Plaisir : Henri Vasselot
Un Plaisir, un vieillard : Jean-Gabriel Saint-Martin
Un Combattant : Pierre Virly
Orchestre et Chœur Le Concert d’Astrée
Danseurs de la Compagnie François Raffinot / SNARC
Coproduction Théâtre des Champs-Elysées & Opéra de Lille
Lille, Opéra
Mardi 11 Mars 2008
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Le Jardin des délices
Après les premières représentations parisiennes, voici enfin à Lille ce Thésée
tant attendu, fruit de la collaboration entre l’Opéra de
la ville nordique, qui accueille depuis maintenant quatre ans en
résidence Le Concert d’Astrée,
et le Théâtre des Champs-Elysées. Projet ambitieux
pour la scène lilloise, mais qui signe bien sa trop
discrète mais ferme prise de position dans le peloton des
scènes lyriques françaises.
L’auteure de ces lignes n’était pas à la
première parisienne, accueillie de façon mitigée
par Viet-Linh Nguyen.
Bénéfice du rodage parisien ? Des quelques jours de
repos avant la reprise lilloise ? De l’effet Dany
Boon ? Toujours est-il que, avec tout le respect de la
confraternité, on ne reprendra ici aucune des ses remarques
négatives sur le spectacle, après une soirée qui
fut pour nous l’un des plus beaux spectacles lyriques vu ces
dernières années. Une splendeur de tous les instants.
La partition d’abord, majeure, qu’Emmanuelle Haïm
incarne littéralement. On connaît sa mobilité, sa
technique de direction pour le moins originale, qui fascine ou agace.
Fascination ce soir, car ce n’est pas du chiqué :
Haïm se transfuse au sang de l’italien, danse, suit du corps
les moindres détails, et repasse le fluide à ses
musiciens et ses chanteurs avec un amour radieux et une
efficacité totale. Heureuse, elle est heureuse, et la voir
ainsi, comme on dit dans le nord, c’est « rien que du
bonheur ». Aux agapes finales, Françoise Masset
nous confiait la confiance des chanteurs à se sentir aussi
fusionnels avec leur chef, portés par elle, du geste et du
regard. Alors, où sont les décalages, la
sécheresse de ton, les défaillances des cuivres ? Le
microclimat lillois était tout de velours (bravo les bassons,
les flûtes à bec…), de lyrisme,
d’équilibre des timbres, de précision de dynamiques
et de contrastes.
1er plan : Sophie Karthaüser (Aeglé) - Jean-Philippe Laffont (Egée)
2e plan : Paul Agnew (Thésée) - Nathan Berg (Arcas)
© Alvaro Yanez
Côté plateau vocal, là aussi, rien que du bonheur
dans un casting de haut vol et pertinent, qui voyait le rôle de
Médée dévolu à Salomé Haller
au lieu de Sofie von Otter. La scène lilloise n’a pu
s’offrir la star, mais le public n’y perd rien :
subtile caractérisation dramatique, entre cruauté et
douleur, belle ligne de chant. On notera simplement qu’absolument
aucun surtitrage n’était nécessaire : tous les
chanteurs sont parfaitement compris, tous campent à la
perfection leurs personnages. L’acoustique a probablement
joué un rôle dans ce changement notable par rapport
à la scène parisienne, car l’Opéra de Lille
rend justice au moindre détail. Aucune faille dans un plateau
vocal superlatif, peu avare d’engagement, de
sincérité, et de vaillance vocale, à l’image
d’un chœur particulièrement éloquent.
Occasion de saluer le travail de trois personnes de l’ombre, chef
de chœur et chefs de chant, qui ne sont évidemment pas
étrangers à la clarté de la diction. Un plateau
enfin de chair et d’émotion palpables, prenant dans ses
rets une salle attentive, et enthousiaste au salut final.
Jean-Louis Martinoty
place délibérément l’action dans le Grand
Siècle versaillais, auquel ne manque aucun parterre, galerie,
dorure et perspective. Mais cela est réalisé dans une
vision poétique colorée et dynamique, à mille
lieux de toute nostalgie sepia, que renforcent les éclairages
directs - enfin un opéra qui ne se déroule pas dans le
noir, si ce n’est dans la scène infernale, ce qui aurait
été totalement incompatible avec le contexte de splendeur
royale et de violence des sentiments. Tout est abouti, soigné
dans les détails de costumes, de couleurs (palette vive et
riche), de déplacements, dans un plateau entièrement
exploité. Cette option dix-septième ne gêne que
lorsqu’on entend une Mère supérieure de Port-Royal
adresser une prière à Minerve… Quant aux
éléments vidéo, tournoiements de personnages de
Bosch côté Enfers ou Délices, ils nous ont
semblé une alternative bien pensée aux machineries
infernales du florentin, même s’ils détournent un
peu de la scène un regard capté malgré lui. Mais
n’en était-il pas de même des dispositifs de la
création, quand on voit les dessins conservés ?
On retrouvera de nombreuses photos de cette belle production dans un
numéro de l’Avant-Scène consacré à Thésée et paru ces jours-ci.
La semaine lilloise est faste, avec le lendemain de cette
représentation un récital de Françoise Masset sur
un programme original : « Thésée à
la croisée des femmes », autour des personnages de
Médée, Phèdre et Ariane. Et le samedi 15 mars,
prolongé sur le dimanche, un Happy Day titré
« Vous aimez donc Thésée ? », qui
truffe le bâtiment de mini-concerts, ateliers vocal et
chorégraphique, expositions, conférences, avec la
complicité du Concert d’Astrée, de Françoise
Masset et Cyril Auvity, du Conservatoire Régional, du Palais des
Beaux-Arts.
Sophie ROUGHOL
Prochaines représentations :
Lille, Opéra : Jeu 13, Sam 15, Mar 17 mars 2008
Happy Day "Vous aimez donc Thésée ?..." : Samedi 15 Mars 2008 dès 12.00
(informations et programme de la journée sur le site www.opera-lille.fr)
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