C O N C E R T S 
 
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PARIS
11 & 16/09/03

Fiorenza Cedolins
TOSCA

Opéra de de Giacomo Puccini

Livret de Giuseppe Giacosa et Luigi Illica
Díaprès Victorien Sardou

Floria Tosca : Fiorenza Cedolins
Mario Cavaradossi : Marcello Giordani
Le Baron Scarpia : Falk Struckmann (11/09) & Jean-Philippe Lafont (16/09)
Angelotti : Michael Druiett
Le sacristain : Michel Trempont
Spoletta : Christian Jean 
Sciaronne : Sergei Stilmachenko
Un geôlier : Vincent Menez
Un pasteur : Arnaud Pflimlin
Choeurs et Orchestre de líOpéra de Paris
Direction :Marcello Viotti

Mise en scène :Werner Schroeter
réalisée par : Nicolas Marty
Décors et costumes: Alberte Barsacq
Lumières: André Diot

Paris, les 11 et 16 septembre 2003


UNE DERNIÈRE POUR LA ROUTE !

En mars dernier, à l'issue de la présentation de sa dernière saison aux membres de l'AROP, Hugues Gall concluait (je cite de mémoire) : "Trois Strauss et deux Puccini, après ce sera le Carême...".
Je ne sais pas si Gérard Mortier consacrera sa réputation en bannissant ces deux compositeurs le temps de son mandat, mais l'amateur le plus forcené conviendra qu'on puisse se passer de cette production de Tosca durant quelques saisons.

Difficile de se remémorer une mise en scène du chef d'oeuvre de Puccini aussi laide, anti-dramatique et prétentieuse dans sa quête de modernité vide de sens que celle imaginée par Werner Schroeter.

A tel point que Bastille a même fait les frais, pour le premier acte, d'une nouvelle peinture de Marie Madeleine. Il faut dire que le précédent portrait (une tête tranchée de 6 m de haut et qui louche) ne se contentait pas d'être abominable, mais suscitait l'hilarité des spectateurs - la direction avait fini par censurer le sur titrage en supprimant la traduction d'un "É troppo bella" franchement hors de propos !

Comme en 2002, la reprise est confiée à Nicolas Marty. Pour l'édition de janvier (interprétée par Nelly Miricioiu, Fabio Armiliato et Lado Atanelli), j'avais  apprécié un intéressant travail sur la dramaturgie, que je n'avais cependant pas retrouvé en juin (avec cette fois Sylvie Valayre, Vladimir Galouzine et Jean-Philippe Lafont).

Hélas, l'édition 2003 confirme que la réussite théâtrale - sinon vocale - de l'édition de janvier 2002 devait davantage à l'intelligence des interprètes qu'au métier de l'assistant ; pour cette ultime reprise, nous retrouvons, en effet, la quasi totalité des poncifs de la version originale de 1994, à l'exception de l'insupportable scène de soldats-mimes de l'acte III, heureusement simplifiée.

On n'en finirait pas d'énoncer (et de dénoncer) les inepties de cette production; en vrac et pour faire court : Mario ayant été torturé au deuxième acte au moyen d'un cercle de fer garni de pointes qui lui entraient dans le crâne, nous apparaît à l'acte III avec des bandages... sur les mains (1) ; Floria reste en plein sur le passage des balles au moment de l'exécution de son amant; alors que Scarpia et ses sbires sont en scène depuis plusieurs minutes et que la chapelle des Attavanti n'est vraiment pas bien grande, un soldat découvre, enfin, le panier de victuailles et l'apporte en courant pour le mettre sous le nez ... du sacristain (!), lequel s'écrie "Vuotto ! Vuotto !"; Mario peint une Marie Madeleine de 6 m de haut (a-t-il des problèmes de vue ? Il n'est pas le seul : Tosca doit monter sur le praticable et coller son nez sur le portait avant de s'exclamer "E l'Atavanti"); vous en voulez encore ? Le pâtre est accompagné d'un corbeau, durant l'acte II ; des figurants observent constamment la scène au travers de fenêtres ; une sombre histoire de meurtre entre soldats (les connotations homosexuelles de la production d'origine sont un peu affadies) détourne l'attention au début du III... et, bien entendu, le décor ne ressemble à rien, quand il ne contredit pas franchement le livret, mais il est gris, noir et orange donc "moderne". Bref, c'est navrant (2) .

Fiorenza Cedolins faisait ses débuts à Paris ; il ne semble pas que cet événement l'ait motivée outre mesure. Habituée du rôle, elle l'aborde de façon très traditionnelle, voire routinière, sans que rien dans son interprétation ne retienne véritablement notre attention. Vocalement, la chanteuse est plus qu'honnête : après un démarrage un peu métallique, la voix chauffe rapidement et, si le timbre n'a rien d'exceptionnel, les aigus sont sûrs et puissants (pour une fois, nous avons droit à des contre-ut justes et percutants), il y a quelques piani là où on les attend, les graves sont un peu écrasés, mais audibles. La technique et les moyens sont une chose, l'interprétation en est une autre : et, malheureusement, cette Tosca n'a rien à dire, si ce n'est dans un "Vissi d'arte" enfin émouvant. Qui plus est, elle semble plutôt handicapée par la mise en scène, se mouvant avec une totale absence de naturel ("deux pas à gauche, après je m'agenouille, puis je me relève et puis deux pas à droite, zut ! où est Mario ?"). Bref, une interprétation qui manque cruellement de spontanéité, d'engagement et de charisme.

Giordani commence magnifiquement, avec un "Recondita armonia" sonore et bien conduit ; le duo le trouve comme d'habitude, un peu embarrassé dans le bas médium, mais il réussit en général à éviter les graillons qui le caractérisent dans des tessitures plus tendues (3) . Le deuxième acte se distingue par un beau "Vittoria", mais le troisième nous laisse sur notre faim. Dans un louable souci de musicalité, Giordani chante en effet son "E lucevan le stelle" entièrement piano et en registre de poitrine, sans le moindre recours à la voix mixte; techniquement, c'est un exploit, mais le résultat "audible" n'est pas à la hauteur de la performance : un ou deux piani  "alla Corelli", au milieu de l'air, auraient plus d'effet ; pour le spectateur moyen, Giordani paraît simplement s'économiser. Le duo final nous offre, en revanche, une belle ration de décibels, mais c'est un peu juste pour notre appétit !

Falk Struckmann constitue la vraie surprise de cette reprise. Je n'attendais pas ce baryton dans le répertoire italien ; sans être un modèle de style, Struckmann chante très correctement sa partition, à cent coudées au dessus des Scarpia des éditions précédentes. C'est surtout scéniquement que le chanteur fait la différence : physiquement, c'est un séducteur crédible, d'une certaine classe, pervers et jouisseur, mais qui  sait éviter le piège de la caricature libidineuse. Il faut voir, par exemple, au final de l'acte I, la variété d'expressions qui animent son visage. On peut affirmer, sans exagérer, que son incarnation rend globalement justice à un personnage dont la complexité échappe à bien des interprètes.

Falk Struckmann ayant déclaré forfait pour raisons médicales, Jean-Philippe Lafont le remplace au pied levé pour la représentation du 16. Depuis sa précédente incarnation, en ces mêmes lieux (cf. notre critique ), le baryton français a gagné en sobriété, même s'il n'a pas revu sa conception un peu sommaire du personnage. Vocalement, la voix m'a semblé avoir perdu en puissance; par contre, le style et le timbre demeurent conforme à ce que l'on connaît de cet artiste.

Marcello Viotti assure la fonction de chef d'orchestre... car il en faut bien un ! Rien d'indigne, en définitive : les tempi sont classiques, mais justes, l'équilibre scène / fosse est correct, et si on regrette parfois quelques décalages avec le plateau, il est difficile d'en accuser uniquement le maestro. Toutefois, Viotti n'évite pas la routine au final et la mayonnaise ne prend jamais.

Le plus triste dans l'histoire, c'est que cette distribution aurait très bien pu donner une soirée enflammée aux Arènes de Vérone, dans un opéra de province de la péninsule italienne ou encore dans un théâtre du sud de la France ; à Bastille, le coeur n'y était pas et il est désolant de voir gâcher de tels éléments faute d'une véritable réflexion dramaturgique.

Il faut avouer que le public n'a pas non plus incité les artistes à donner le meilleur d'eux-mêmes. Lors de cette 8ème reprise, il y avait visiblement plus d'amateurs pour les cocktails d'entracte, que pour l'opéra lui-même... Finire così ". 

Notons encore que certains défauts étaient, sinon corrigés, du moins atténués pour la représentation du 16, ce qui donne à penser qu'il n'y a pas eu assez de répétitions. Ainsi, Fiorenza Cedolins m'a semblé plus à l'aise, plus naturelle; le public n'a d'ailleurs pas hésité à applaudir airs ou duos, mais sans que Viotti ne daignât s'interrompe pour le laisser exprimer son enthousiasme.
 
 
 

Placido Carrerotti

(1) Le pansement a dû glisser...

(2) A noter également : un mime incarnant la statue de la Vierge, à l'acte I. Pourquoi un mime ?!?

(3) Classiquement, lorsque qu'un chanteur sollicite exagérément sa voix dans l'aigu, il peut facilement perdre son assise dans le grave : c'est typiquement un des problèmes majeurs de Giordani dont le contre ré facile, le conduit à être engagé pour des rôles où ces notes sont nécessaires; mais leur émission se fait au détriment de la ligne de chant générale et, pour moi, Giordani est bien meilleur, par exemple, en Des Grieux, que dans tout autre emploi où ses ressources dans le suraigu sont sollicitées.
 

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