C O N C E R T S 
 
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BORDEAUX
11/02/05

© DR
TOSCA

Opéra en trois actes (1900)

Giacomo PUCCINI (Lucques 1858 - Bruxelles 1924)

Livret de Giuseppe Giacosa et Luigi Illica
D'après le drame de Victorien Sardou, La Tosca (1887)

Direction musicale : Marco Balderi
Mise en scène : Niolas Joël
Décors et costumes : Carlo Tommasi
Lumières : Bruno Boyer

Floria Tosca : Hui He
Mario Cavarodossi : Viktor Afanasenko (Acte 1)
Brandon Jovanovich (Actes 2 et 3)
Le baron Scarpia : David Pittman-Jennings
Cesare Angelotti : Jérôme Varnier
Un sacristain : Jean Ségani
Spoletta : Riccardo Cassinelli
Sciarrone : Jean-Marc Bonicel

Orchestre National Bordeaux Aquitaine

Choeur de l'Opéra National de Bordeaux
Chef de chúur : Jacques Blanc

Choeur d'enfants du CNR de Bordeaux
Chef de choeur d'enfants : Marie-Christine Darracq

Grand Théâtre, Bordeaux
11 février 2005, 20h

Tosca retrouvée

On l'a connue dans un coin du petit écran, pionnière de la télé réalité, filmée en temps et en décors réels par Giuseppe Patroni Griffi ; sur les planches, à Paris, (http://www.forumopera.com/concerts/tosca_bastille_0903.htm), noyée dans l'océan de l'Opéra Bastille et mise en scène de manière contestable par Werner Schroeter ; puis reine des salles obscures, en haut de l'affiche, furieusement glamour face à la caméra de Benoît Jacquot... 

Sous le marbre gris et les teintes bleues du Grand Théâtre de Bordeaux, Tosca enfile enfin une robe à sa taille. Car la proportion et l'acoustique de la salle conçue par Victor Louis restituent au drame de Puccini toute sa vérité passionnelle. D'autant plus que la direction de Marco Balderi choisit d'enfoncer le clou. A la tête d'un Orchestre National de Bordeaux Aquitaine à l'implacable précision, le chef italien exalte l'intensité des couleurs au détriment des pastels. Le deuxième acte surtout se transforme en une arène sanglante. Même l'aube sur Rome se teinte de rouge.

Eblouie par tant de rutilance, la mise en scène de Nicolas Joël semble un peu pâle. Il faut dire que le lyricomane est un drôle d'animal. La plupart du temps, il fustige trop de modernité et ici il se plaindrait presque d'un excès de conformisme. Sant' Andrea della Valle pourvue de sa chapelle et de son portrait, la table et ses deux candélabres au centre d'un salon du Palais Farnese, le Château Saint-Ange avec vue sur Rome comme si on y était ; capes empire, perruques, jabots, on ne s'écarte jamais du moule établi par le livret. Il faut alors des comédiens sacrément accomplis pour en dépasser les ridicules outrances et éviter les pièges de l'histrionisme.


© DR

Hui He ne parvient pas à contourner cet écueil. Malgré un indéniable engagement, sa Floria Tosca prête souvent à sourire tant certaines attitudes frisent la caricature. Heureusement, la performance vocale de la soprano chinoise se situe à un autre niveau. Dotée d'un timbre à l'opulente rondeur, sans cet éclat métallique qui caractérise souvent les voix asiatiques, elle fait preuve du tempérament exigé par le rôle. "Quanto... il prezzo", "Nel pozzo nel giardino", les réplique mythiques tombent justes. Plus que les graves parfois artificiels, le médium et l'aigu frappent aussi sûrement que le poignard dans le coeur de Scarpia. Le "Vissi d'arte", parfaitement nuancé, frôlerait la perfection si il n'était entaché d'inutiles sanglots. 

Viktor Afanasenko (1), le premier Mario, ne peut malheureusement pas se targuer de la même forme vocale. On apprendra plus tard qu'il souffrait d'une rhinopharyngite. Mais il aura fallu auparavant subir un "Recondita armonia" engorgé et plat dont chaque note trahit l'effort. A tirer ainsi sur la corde, le ténor donne rapidement des signes de fatigue, se réfugie dans le parlando puis finit par craquer douloureusement tous les aigus. Il est remplacé après l'entracte par Brandon Jovanovich, le Cavaradossi de la seconde distribution, déjà entendu à Bordeaux dans Madame Butterfly aux côtés d'ailleurs de Hui He (2). Le rôle de Pinkerton convenait mieux à ce grand Américain, un peu raide, qui manque de latinité pour incarner comme il convient le fougueux peintre romain. Toutes les notes sont là mais ce que la voix, ample, barytonale, gagne en virilité, elle le perd en séduction. Dans ces conditions, "E lucevan le stelle" ne remplit pas tout à fait son office et laisse de manière inhabituelle le public muet.

En Scarpia, David Pittman-Jenning joue les grands seigneurs ; sa haute silhouette aristocratique confère au baron une cruauté distinguée. Déstabilisé par un large vibrato, le baryton a cependant une mauvaise tendance à chanter constamment forte.

Le sacristain enrhumé de Jean Ségani, l'Angelotti marmoréen de Jérôme Varnier et surtout le Spoletta, servile à souhait, de Riccardo Cassinelli complètent avec bonheur le trio de tête.

Au final, l'extraordinaire tension accumulée tout au long des trois actes se relâche. L'assistance s'embrase ; l'applaudimètre s'affole ; la distribution est unanimement ovationnée. Loin des paillettes, le "polar lyrique" de Puccini fonctionne à plein régime et son héroïne démontre, qu'à l'exemple des grandes tragédiennes, elle ne s'accomplit jamais mieux que quand elle se retrouve dans son élément : un théâtre, un vrai.
 
 

Christophe RIZOUD
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Notes

(1) Pour la petite histoire, il s'agit du ténor qui remplaça Roberto Alagna à l'Opéra Bastille dans un Trouvère de sinistre mémoire. Ce 15 novembre 2003, nous apprenions quelques minutes avant le lever du rideau que le fameux ténor français, souffrant, ne chanterait pas. Il faut dire que le public s'était majoritairement déplacé pour applaudir son Manrico et que les places, pour l'occasion, avaient été particulièrement difficiles à obtenir. L'annonce provoqua un tel tollé que le chef, faute de pouvoir rétablir le silence, attaqua les premières mesures de l'oeuvre sous les huées. Viktor Afanasenko, appelé in extremis à la rescousse, joua les doublures sans avoir eu le temps de répéter avec les conséquences qu'on peut imaginer : décalages, erreurs de tempi... Dans ces conditions, nous nous abstiendrons de juger sa performance. A l'impossible, nul n'est tenu. Mais la frustration et la mise en scène de Francesca Zambello aidant, cette soirée reste l'un de nos plus mauvais souvenirs lyriques.

(2) D'après le programme, Hui He chantera de nouveau Madame Butterfly à l'Opéra de Paris en 2006.
 
 

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