C O N C E R T S
 
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PARIS
07/04/2004

(© DR)
LA TRAVIATA

Opéra de Giuseppe Verdi
Livret de F.M. Piave 
d'après La Dame aux Camélias d'Alexandre Dumas Fils

Mise en scène : Jonathan Miller
Décors : Ian MacNeil
Costumes : Clare Mitchell
Lumières : Rick Fisher
Bourrées : Françoise Grès

Violetta Valery : Inva Mula 
Alfredo Germont : Rolando Villazon
Giorgio Germont : Roberto Frontali
Flora Bervoix : Marie-Thérèse Keller
Annina : Martine Mahé
Gastone : Jean-Luc Maurette
Douphol : Michael Druiett
D'Obigny : Sergei Stilmachenko
Grenvil : Yuri Kissin

Choeurs et orchestre de l'Opéra de Paris
Direction : Jesus Lopez-Cobos

Bastille, le 7 avril 2004



UNE DERNIERE POUR LA ROUTE !

A peine un an après sa précédente reprise, revoici l'une des vaches à lait les plus sûres de Bastille ; une production "cheap", des interprètes qui n'auront guère le loisir de répéter, une direction théâtrale inexistante et, à l'arrivée, une salle pleine tous les soirs : pourquoi se priver...

Malgré cela, la distribution réunie cette saison réserve quelques bonnes surprises et en particulier celui de découvrir, enfin, la Violetta d'Inva Mula à Paris.

Ayant incarné le rôle avec grand succès dans bon nombre de salles prestigieuses, la cantatrice albanaise n'a aucun mal à convaincre dans chacune des facettes du rôle.

Certes, le timbre n'est pas des plus opulents et sans doute plus proche de celui d'une mozartienne que d'une authentique verdienne. Mais ces réserves comptent peu face à un engagement véritable, servi par une excellente technique vocale : pianissimi, piqués, trilles ou variations dynamiques ne lui posent aucun problème, jusqu'à un rapide contre-mi bémol qui vient clore le premier acte.

La coloration seule reste un peu plus limitée, mais compensée par une interprétation juste et sensible : ainsi le second verset de l'"Addio al Passato" est-il admirablement traité dans une progression dramatique tout en finesse et qui évite tout excès vériste.

En dépit de ces qualités, l'émotion n'est pas complètement au rendez-vous : il faut dire que cette énième reprise s'apparente plutôt à un rassemblement hétéroclite d'interprètes qu'à une véritable démarche théâtrale.

Quatre après ses débuts à Paris aux côtés de Cristina Gallardo Domas et dans cette même production, Rolando Villazon nous revient en Alfredo.

Le ténor mexicain est toujours aussi sympathique, mais ceci ne doit pas nous aveugler sur un certain nombre de réserves vocales. Les unes, anciennes : une voix un peu trop placée dans le nez, un volume vocal parfois insuffisant au regard des dimensions et de l'acoustique du lieu et un tempérament légèrement excessif pour le rôle ; d'autres plus récentes, comme une intonation pas toujours très juste.

Le "Bollente spiriti" manque de legato (la faute aux tempi métronomiques et trop vifs de Lopez-Coboz) mais la cabalette qui suit (sans reprise) est excitante (quoique dépourvue du contre-ut traditionnel). L'interprète continue à nous séduire par sa juvénilité et son engagement, mais sans réaction salutaire, le rôle d'Alfredo appartiendra bientôt au passé.

Comme l'année précédente, Roberto Frontali incarne un modeste Germont. Une prestation en tout point comparable appelle-t-elle un autre commentaire ? Comme je l'écrivais voici un an, "Roberto Frontali chante honnêtement, mais sans génie les belles pages de Germont : il retrouve lui aussi un couplet de sa cabalette de l'acte II, encore plus rarement donnée à la scène. Le volume de Bastille ne lui pose pas trop de problèmes, mais le style est un peu relâché. Quant au timbre, nasal, j'ai eu un peu de mal à reconnaître la voix jadis claironnante de ce baryton.". Pour être honnête, je dirai que le timbre m'a semblé un peu moins nasal cette saison, mais qu'en revanche, certains aigus étaient un peu bas.

A la tête de l'Orchestre de l'Opéra, Jesus Lopoz Cobos impose des tempi parfois un peu trop rapides, notamment dans la partie (théoriquement) lente de "E Strano" au premier acte, et dans le "Bollente Spiriti" déjà mentionné ou encore la quasi-totalité de la fête chez la Flora (il faut le faire !). Sa formation répond, heureusement, à merveille, et contribue à donner à la représentation une sorte de sentiment d'urgence, à défaut d'un véritable approfondissement dramatique.

A son actif, Lopez-Cobos rétablit un certain nombre de coupures (la reprise de la partie lente du premier air de Violetta, la cabalette de Germont ou les deux couplets de l'"Addio al Passato".) ainsi que certaines nuances écrites, mais pas toujours respectées par la tradition (telle l'alternance staccato/largo/staccato du final de la scène 2 de l'acte II sur laquelle Arturo Toscanini fit transpirer ses musiciens comme en témoignent les enregistrements conservés de ses répétitions).

Nous ne reviendrons pas sur la production, amplement critiquée à l'occasion de la précédente reprise (V. notre critique). On ne peut que se féliciter de la décision de Gérard Mortier de nous en débarrasser à la prochaine occasion : quel que soit le metteur en scène retenu, on imagine mal qu'il puisse faire quelque chose de plus médiocre. Voilà un spectacle qu'on ne regrettera pas !
 
 
 

Placido CARREROTTI
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