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ZURICH
01/06/2008
© DR
Giuseppe VERDI (1813-1901)
LA TRAVIATA
Violetta Valéry, Eva Mei
Flora Bervoix, Michaela Selinger
Annina, Liuba Chuchrova
Alfredo Germont, Marcelo Alvarez
Giogio Germont, Thomas Hampson
Gastone, Boguslaw Bidzinski
Barone Douphol, Cheyne Davidson
Marchese d’Obigny, Pavel Daniluk
Dottor Grenvil, Tomasz Slawinski
Giuseppe, Noel Vazquez
Domestico, Heikki Yrttiaho
Commissario, Uwe Kosser
Chœur et Orchestre de l’Opéra de Zurich
Paolo Carignani
Mise en scène, Jürgen Flimm
Décors, Erich Wonder
Costumes, Florence von Gerkan
Chorégraphie, Katharina Lühr
Zurich, Opéra, le 01 juin 2008
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Les sanglots longs des violons
Retour à Zürich d’une production de la Traviata déjà connue par le dvd – et d’ailleurs déjà commentée ici même. Alors, quoi de neuf sous le soleil ?
Certains sont demeurés et d’autres sont partis ; et
au petit jeu des modifications sur le plateau et dans la fosse, les
équilibres – les déséquilibres, aussi
– se sont modifiés sans que la donne s’en trouve
radicalement changée.
Rien à dire de la mise en scène de Flimm ;
c’est encore le meilleur moyen de ne pas en dire de mal !
Elle est sans intérêt, souvent laide – ce que la
vidéo ne laissait pas forcément deviner ; elle ne
suscite aucune vision – à moins que celle des
bohémiennes en soit une et là, pour le coup, il y a de
quoi être perplexe ! L’ensemble fait pauvret ;
limite misérabiliste. Même le jardin, qui passait bien
à l’écran pue son militantisme brechtien mal
digéré ! Inutiles cloisons mobiles,
déplacements erratiques, foule comme une masse
indifférenciée et Violetta dans les cintres à son
entrée : un recueil de fausses bonnes idées.
Sur scène rien n’existe franchement, tout passe ;
c’est le contraire dans la fosse où tout est très
affirmé : très nettement énoncé !
Là, on a perdu Welser-Möst
qui était pour beaucoup dans les réussites de la
« première » production. On a perdu la
nostalgie moite de la valse, l’attaque féline du
« Brindisi » ; on a perdu les
sonorités éteintes du III et les lames de fonds de
l’affrontement Violetta/Germont. On n’y a rien gagné
en revanche. Là, le « Brindisi » sonne
entre le corps de garde et la fanfare ; le reste est dans la pire
tradition. Ou bien alanguie ; ou franchement trop rapide.
Du coup personne n’est franchement aidé. Pas Hamspon,
en tout cas, qui ne s’est pas révélé
baryton-Verdi dans l’espace qui a séparé les deux
séries de représentations. Germont hystérique,
ignorant toute nuance, il braille, vagit sont rôle de bout en
bout, pas toujours très stable, ne tentant des piani
détimbrés, grelottant – horrible reprise de
« Di Provenza » - que pour vite revenir à
des poses prosaïques de – comment dit-on
déjà ? Ah oui – père noble.
Alfredo, lui, a changé. Exit Piotr Beczala. Alvarez
a une certaine latinité pour lui et un timbre juteux, beaucoup
mieux approprié pour le rôle que celui de son
prédécesseur. Il commence, malgré cela,
plutôt mal, fibreux, engorgé. Le vibrato
sonne large, avec un vilain côté chewing gum. L’aigu
qui termine la cabalette lui, ne s’impose pas
forcément ; trop ouvert pour être honnête. Bref
quelques fautes de goût. Mais… Mais aussi une vraie
flamme, un emportement viscéral ; une drôle de
manière d’arracher l’adhésion à la
force du legato et, pour finir, un fabuleux « Parigi, o
cara », phrasé comme une berceuse, ce qui est une
trouvaille à arracher des larmes à n’importe qui.
Et Eva Mei ? Elle, fait
une composition majeure avec ses moyens, ce qui est une vraie, belle
preuve d’intelligence et d’honnêteté.
Evidemment, la voix ne prétend pas aux sortilèges des
grandes prêtresses du sfumato.
Oui, l’aigu est – et c’est peut-être paradoxal
– sec, dur, sans miracle. Oui, le I lui échappe un peu,
trop plein de micro événements, même si l’air
est très justement phrasé. Mais le II est d’une
dignité presque éprouvante – avec, superbe miracle,
le renouvellement, comme à la bravade, d’un
« Dite alla giovine » à peine
susurré qui avait laissé pantois au disque. Et le III est
simplement grand, éreinté, à l’extrême
limite de ce qu’elle peut… Mais elle le peut ! Et
même là où elle ne peut pas, où elle peut
moins, où le son paraît cabossé, elle se donne,
elle balance ; elle se bat comme une lionne et il vient, au moment
de sa mort, une drôle de boule au fond de la gorge qui dit que le
combat est gagné !
Et rien que pour cela la soirée est une vraie belle soirée d’opéra.
Benoît BERGER
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