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TOULOUSE
09/05/06
Michele : Juan Pons / Giorgetta : Doina Dimitriu
© Patrice NIN
Giacomo PUCCINI (1858-1924)
Il TRITTICO
Trois opéras en un acte
Livrets de Giuseppe Adami ( I )
et Giovacchino Forzano ( II et III )
Mise en scène, Stéphane Roche
Scénographie, Nicolas Joël,
Nicolas de Lajartre et Pascale Cazalès
Costumes, Gérard Audier
Lumières, Allain Vincent
IL TABARRO
Michele, Juan Pons
Luigi, Nicola Rossi Giordano
Tinca, Ricardo Cassinelli
Talpa, Michele Bianchini
Giorgetta, Doina Dimitriu
Frugola, Claudia Marchi
Un venditore di canzonette, Alberto Poesina
Due amanti, Zena Baker et Michel Dauzon
SUOR ANGELICA
Suor Angelica, Tamar Iveri
La zia principessa, Marjana Lipovsek
La badessa, Cinzia di Mola
La suora zelatrice, Claudia Marchi
La maestra delle novizie, Nona Javakhidze
Suor Genoveva, Eunyee You
La suora infermiera, Cécile Galois
Suor Osmina, Bénédicte Clermont-Pezous
Suor Dolcina, Catherine Alcoverro
Le cercatrice, Zena Baker, Nadia Yermani
Le converse, Cécile Crozat, Anne-Karine Varaut
Le novizie, Muriel Chauvin, Gersende Dezitter
GIANNI SCHICCHI
Gianni Schicchi, Juan Pons
Lauretta, Anne-Catherine Gillet
Zita, Cinzia de Mola
Rinuccio, Ismael Jordi
Gherardo, Ricardo Cassinelli
Nella, Eunyee You
Betto di Signa, Frédéric Caton
Simone, Michele Bianchini
Marco, André Heyboer
La Ciesca, Claudia Marchi
Maestro Spinelloccio, Eric Martin-Bonnet
Ser Amantio di Nicolao, Sergei Stilmachenko
Pinellino, Yves Boudier
Guccio, Didier Pizzolito
Gherardino, Hoang-Lam Phan Thanh
Orchestre National du Capitole
Chœur du Capitole, direction Patrick Marie Aubert
Chœur d’enfants du Capitole, direction David Godfroid
Direction musicale, Marco Armiliato
Toulouse, le 9 mai 2006
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Un tryptique sympathique !
Du Trittico, le Capitole
propose à nouveau sa production de 1997. Toujours aussi
efficace, elle impressionne par la qualité maison : la
probité. Scénographie et mise en scène exposent
les données, en exaltent le sens, médiateurs justes entre
l’œuvre et le public. Les hautes portes de
l’écluse encadrées par les hauts murs des quais
ferment l’horizon des personnages du Tabarro ;
le soleil qui meurt est invisible, mais Michele, dos au public, est
manifestement absent à ce qui l’entoure, et donc
profondément préoccupé. Le manège de
Georgette, cherchant à s’approcher de Luigi et craignant
d’être surprise, la gaîté factice de la
chiffonnière ou de Talpa, le vestige dont Frugola se coiffe,
digne de la Folle de Chaillot, les échines ployées, le
baiser esquivé, l’abandon furtif le temps de quelques pas,
tout est en place parfaitement.
Suor Angelica : Tamar Iveri © Patrice NIN
Pour Suor Angelica,
les quais ont disparu sous les murs du couvent ; la porte de
l’écluse est devenue un autre mur découpé
d’ouvertures ogivales trilobées surmontées
d’une rose représentant Une Vierge Mère. Au centre
de l’espace une Croix sur un piédestal. Dans ce
dénuement monastique les responsables de la communauté
encadrent religieuses et novices avec une fermeté que confirme
leur maintien, jamais relâché pendant la
récréation. La Princesse est un monument de
détermination et d’esprit de caste : elle est trop
sûre du bon droit de ses préjugés moraux, tant
qu’à sa nièce évanouie elle refusera
l’aumône d’une caresse, et ne la touchera que de la
pointe de son ombrelle.
Le cadre de Gianni Schicchi est
le vaste espace d’une maison patricienne au fond duquel un
immense cadre porte un crêpe en signe de deuil et au centre
duquel sur une estrade repose un lit mortuaire complet, avec couronne
et défunt, avec chaises à haut dossier ; deux
escaliers s’en élèvent latéralement à
cour et à jardin. C’est là que se
révèlent dans leur authenticité les
différents membres de cette famille qui se pousse du col mais
n’a plus les moyens de le faire, parce que l’avenir est aux
entrepreneurs. Tous médiocres, exceptés les amoureux
parce qu’ils ne sont pas intéressés, et tous
déterminés à détourner
l’héritage que le défunt destinait aux bonnes
œuvres, ils passent de la rage à l’espoir et puis au
désespoir, et à nouveau à la rage, avec un
aveuglement partagé qui fait de chacun d’eux le membre
involontaire d’une troupe de commedia dell’arte.
Gianni Schicchi : Juan Pons / Lauretta : Anne-Catherine Gillet
Rinuccio : Ismael Jordi
© Patrice NIN
Les
autres forces du spectacle tiennent évidemment aux distributions
et à l’orchestre. Entièrement nouvelles, les
premières mélangent avec bonheur et justice
vétérans et jeunes chanteurs. Passant de la bonhomie
à la violence après avoir rendu sensible le
désarroi de l’homme vieillissant qui sent qu’il
n’est plus aimé, Juan Pons est un Michele émouvant
qui refuse l’excès. Plus tard il est un Schicchi souverain
d’autorité et de malice dont la voix surmonte
glorieusement la brillance de l’orchestration. Son succès
n’est que justice, comme celui remporté par Marjana
Lipovsek, formidable bloc de certitudes dans le rôle de la Zia
principessa, impressionnante jusque par ses silences et à la
voix aussi implacable que ses propos.
Ricardo Cassinelli, probablement l’aîné, rend
crédible sans peine la fatigue qu’il démontre en
débardeur ; mais les jeux de scène voisins de
l’acrobatie auxquels il se livre dans Gianni Schicchi
prouvent sa bonne santé, confirmée par la sonorité
et l’éclat d’un timbre encore frais. Cinzia de Mola,
d’abord mère abbesse stricte dont la voix grave exprime
l’autorité, est ensuite une Zita péremptoire et
impuissante dont la dignité ne résiste pas aux
déconvenues ni aux positions que lui fait adopter la mise en
scène ; on entend toutefois par moments une
instabilité dont on espère qu’elle est seulement un
effet de l’art.
La soprano roumaine Doina Dimitriu est une Giorgetta expressivement
juste, à la voix pleine, dont les aigus sont assurés et
beaux tant qu’elle ne force pas. Son Luigi tend justement,
à privilégier la force, mais il y est parfois contraint
par la vigueur de la fosse ; en tout cas le personnage est vivant
et convaincant. Michele Bianchini était-il fatigué ?
Son Talpa sonnait assez engorgé, beaucoup moins toutefois que le
vendeur de chansons d’Alfredo Poesina. La mezzo Claudia Marchi
incarne une Frugola sensible, avec une voix bien posée,
utilisée sans recherche d’effet, ainsi qu’une
vigilante sœur zélatrice et une Ciesca prête
à tout pour circonvenir Gianni Scicchi. La délicieuse
Eunyee You se faisait remarquer en sœur Genoveva spontanée
et sensible. Eric Martin-Bonnet et Boris Stilmachenko, respectivement
le médecin et le notaire dans Schicchi donnaient du corps
à ces comparses. Ismael Jordi a fait grande impression en
Rinuccio ; la curiosité était vive pour ce jeune
ténor qui se produisait pour la première fois au
Capitole. Elle reste entière après cette prestation dans
un rôle qui ne permet pas à l’artiste de montrer
tout son talent. C’est aussi le cas du rôle de Lauretta,
mais il était pour Anne-Catherine Gillet la touche finale
à une saison qui a fait d’elle une vedette du
Capitole ; son O mio babbino caro a été tel qu’on l’espérait, et sa présence scénique toujours aussi charmante.
La triomphatrice a été l’étonnante Fiordiligi du dernier Cosi,
Tamar Iveri, qui a chanté Suor Angelica avec un engagement et
une maîtrise technique ébouriffants, parvenant à
faire que les passages les plus véhéments restent du
chant, dévoilant des graves de mezzo dont quasiment pas en voix
de poitrine, un Senza mamma
et une scène finale à laisser pantois, le tout avec une
sobriété dramatique des plus élégantes.
Triomphe aussi pour le maître de cérémonie, que
l’orchestre du Capitole connaît bien et apprécie, au
point de le saluer à chacun de ses retours dans la fosse, le
chef italien Marco Armiliato. Avec les musiciens il a fait briller tous
les aspects de cette partition multiple, comme pourront en juger les
auditeurs de France-Musique puisque la soirée devrait y
être retransmise le 24 juin à 19h30 dans les
soirées lyriques.
Maurice SALLES
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