C O N C E R T S 
 
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NEW YORK

26/10/02


Audrey Stottler (Turandot)
Turandot

Opéra en 3 actes de Giacomo Puccini 
Livret de Giuseppe Adami et Renato Simoni

Turandot : Audrey Stottler
Calaf : Vladimir (pour faire la vaisselle) Galouzine
Liu : Hei-Kyung Hong
Timur : Hao Jiang Tian
Altoum : Charles Anthony
Ping : Mark Oswald
Pang : Tony Stevenson
Pong : Eduardo Valdes
Le Mandarin : James Courtney

Choeurs et orchestre du Metropolitan
Direction : Carlo Rizzi

Production : Franco Zeffirelli
Costumes : Anna Anni et Dada Saligeri
Eclairages : Gil Weschler

New York, le 26/10/2002 (soirée)


Pour cette production de Turandot, Zeffirelli nous propose ici une Chine de contes de fées, colorée et fastueuse, certainement une des plus spectaculaires productions du répertoire du Met.
C'est aussi une des productions les plus académiques : les amateurs d'introspection ou de modernité en seront pour leur frais ; pas d'amazones ou d'eunuques comme à Bastille, mais serpentins et dragons chinois !

Créée en 1987 pour Eva Marton et Placido Domingo (on notait les débuts d'Aprile Millo pour le dernière représentation, succédant à Leona Mitchell) et maintes fois reprises depuis, cette production a vu quelques saisons mémorables (un affrontement Jones /Stratas en 92, les émouvants débuts dans ce rôle au Met d'un  Luciano Pavarotti malade en 97 (et oui !), face à Jane Eaglen, et bien d'autres).

Abordant le XXIe siècle, la production n'a pas pris une ride, rencontrant toujours un immense succès populaire.
L'oeuvre bénéficie par elle-même d'un surcroît récent d'intérêt dans le grand public, grâce à la notoriété relativement récente de "Nessun dorma", en passe de supplanter "Toréador prends garde !".

Le premier acte nous propose un décor d'échoppes reliées par des petits ponts de bois, à peine éclairée par quelques lampions ; c'est dans cette demie pénombre que rampe un peuple soumis, vêtu de haillons et que nous retrouverons au début de l'acte III.
L'arrivée de Turandot nous vaut un gigantesque baldaquin émergeant spectaculairement derrière le décor, puis s'enfonçant à nouveau après le refus de grâce par l'impitoyable princesse.

Le début du second acte (les lamentations du trio Ping, Pang, Pong) se contente d'une toile peinte aux couleurs flamboyantes : bien entendu, celle-ci se lève pour la scène des énigmes, faisant place à un des décors les plus fastueux que le Met puisse proposer et qui déclenche, bien entendu, les applaudissements de la salle. Costumes somptueux, figurants nombreux (danseurs et acrobates) : c'est spectaculaire, un peu tape-à-l'oeil, mais évitant le mauvais goût, trop fastueux pour être clinquant.
Cette reprise voit les débuts au Met de l'imposante Audrey Stottler, voix d'airain aux aigus impressionnants, qui triomphe sans effort apparent de ce rôle écrasant. Mais cette princesse est aussi capable de nuance et son endurance lui permet d'offrir de beaux piani au dernier acte et de rendre crédible la transformation par l'amour de la jeune fille sanguinaire.

Seul regret, une ligne de chant pas toujours impeccable (certaines phrases, un peu hachées, réclameraient une meilleure maîtrise du legato) : reproche mineur face à la difficulté du rôle.

Vladimir Galouzine, dont j'attendais beaucoup, déçoit en Calaf.
Il y a certes encore quelques aigus vaillants (les 2 contre-ut de l'acte II ne sont nullement escamotés), mais toujours raides et en force, sans respect de la ligne de chant (la note précédente est souvent écourtée pour préparer l'aigu qui suit) : nous sommes loin d'un spinto en pleine possession de ses moyens. Ne parlons même pas du legato, pratiquement inexistant. Après quelques échos alarmants en début d'année (dont une "Tosca" assez calamiteuse à Bastille, voir notre critique du 4 juin 2002), Galouzine semble maintenant  sur une pente inexorablement descendante : usure du temps ou fréquentation intensive de rôles très lourds, cette voix paraît définitivement altérée. Il faut bien reconnaître, enfin, que son timbre très "barytonnal" ne lui permet guère de briller : le "Nessun dorma", tube de la soirée, laisse sur sa faim un public habitué à des voix plus brillantes.

Habituée du rôle Hei-Kyung Hong est une superbe Liu, alliant sûreté technique et engagement. Malgré un physique en adéquation avec la fragilité du personnage, la voix est suffisamment grande et bien timbrée pour remplir l'immense salle. "Signore ascolta" est une merveille finement ciselée, qu'elle conclut par un aigu pianissimo parfait, enflé, puis mourrant sur un souffle. "Tu che di gel " est un autre moment de bravoure, d'une intense émotion. 

Hao Jiang Tian est un excellent Timur ; Ping, Pang et Pong sont irréprochables ; enfin, la réussite ne serait pas complète sans la direction inspirée de Carlo Rizzi, décidément à l'aise dans le répertoire "puccino-vériste" : il sait en maîtriser la richesse orchestrale sans couvrir les voix et en respectant la théâtralité de l'oeuvre.
  


Placido Carrerotti
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