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VERBIER
20/07/2007
© Mark Shapiro
Johannes BRAHMS (1833 – 1897)
Concerto pour violon et orchestre en Ré majeur op. 77
Ein Deutsches Requiem
d’après les Saintes Ecritures op. 45
Anne-Sophie Mutter, violon
Miah Persson, soprano
Thomas Quasthoff, baryton-basse
The Collegiate Chorale
Robert Bass, direction de choeur
USB Verbier Festival Orchestra
Manfred Honeck, direction
Festival de Verbier, Salle Médran
le 20 juillet 2007 à 19h
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Brahms au sommet
Ouverture orageuse de la 14e édition du festival de Verbier, non
pas en raison de l’annulation de James Levine –
problème de santé, il est remplacé par Manfred
Honeck - mais tout simplement à cause de la météo
– grondement de tonnerre et pluie battante - qui donne à
la soirée une tonalité toute romantique. Ca tombe
bien ; Brahms est au programme !
On commence avec le Concerto pour violon,
glamourisé par la présence d’Anne-Sophie Mutter,
robe émeraude, crinière au vent, qui tire de son
instrument des gémissements dont l’âpreté ne
correspond pas vraiment à
l’interprétation, plus apaisée, de Manfred
Honeck. Peu importe, le public applaudit à tout
rompre.
© Mark Shapiro
On continue surtout par Un Requiem Allemand
qui permet enfin au chef et à l’orchestre de trouver leur
pleine dimension, à un point tel qu’il semble entre la
première et la seconde partie avoir entendu deux formations
différentes (l’effectif orchestral d’Ein Deutsches Requiem n’est pas le même que celui du Concerto pour violon ; ceci explique peut-être cela mais pas totalement).
L’œuvre de Brahms, aussi germanique que son titre laisse
l’entendre, s’avère méditative plus que
démonstrative, à l’opposé en fait des
requiem chauffés à blanc par Verdi et Berlioz. Il ne
s’agit pas ici de colère et d’effroi face au
jugement dernier mais de confiance en la clémence divine. La
phrase souple et longue du dernier mouvement « Selig sind
die Toten » porte d’ailleurs en elle la promesse des
béatitudes à venir. Une telle écriture,
intérieure, réfléchie, n’est pas exempte de
dangers. Sorti de son contexte – temple ou église -
débarrassé de ses oripeaux religieux et
exécuté comme n’importe quelle pièce de
musique dans une salle anonyme, Ein Deutsches Requiem peut engendrer un
ennui… mortel.
Afin d’éviter un tel écueil, Manfred Honeck prend
le parti de jouer de la dynamique et de la lumière pour
assombrir sans obscurcir, éclairer sans aveugler. Investie
d’un lyrisme inattendu, l’étoffe de
« Denn wir haben hie keine », portée par
des cordes inspirées, se tend et se déploie de
manière saisissante. Rarement la marche funèbre du
deuxième mouvement, rythmée par des timbales implacables,
n’aura semblé aussi puissante – le percussioniste,
dont le nom, hélas, n’est pas indiqué sur le
programme, est doué, entre autres, d’une gestuelle
jubilatoire.
The Collegiate Chorale apporte la même pierre à
l’édifice. Et elle est de taille compte tenu de
l’effectif - une bonne soixantaine de chanteurs – et de la
part réservée au chœur ; interprétation
dramatique donc qui, plutôt que fusionner les masses, utilise les
contrastes avec de beaux effets sonores, le martèlement des
consonnes dans « Denn wir haben hie keine » par
exemple.
Thomas Quasthoff
© Mark Shapiro
Thomas
Quatshoff se place dans la même optique et, par son chant vibrant
d’humanité, pousse la soirée un cran plus haut
encore. Qu’on le veuille ou non, le physique du chanteur
participe à l’émotion. Comment une voix d’une
telle intensité peut sortir d’un si petit corps ?
Voix de baryton basse, non pas marmoréenne mais
projetée, richement pourvue d’un timbre clair, d’une
émission souple et naturelle avec, qui plus est, un art
consumé du mot. L’imploration de « Herr, Lehre
Doch Mich », débarrassée de son
austérité, se transforme alors en prière ardente.
L’annonce de « Siehe, ich sage euch ein
Geheimnis » rayonne comme jamais. Dietrich Fischer-Dieskau,
lui-même, ne touche pas ainsi au sublime.
Seule Miah Persson n’épouse pas le mouvement, moins
habitée, mécanique presque avec, dans l’aigu un
léger grelot qui surprend. La partition la cantonne au
quatrième mouvement ; c’est suffisant.
Ainsi présenté, Ein Deutsches Requiem
s’éloigne de son territoire habituel –
l’Allemagne, on l’avait compris - pour se rapprocher de
celui, plus théâtral, de ses congénères. Oui
et alors, du moment que l’esprit n’est pas
trahi : la Rédemption reste au bout du chemin tandis que le
concert, lui, décolle jusqu’à atteindre la
même hauteur que la salle Médran, 1500 mètres
d’altitude pour le moins.
Christophe Rizoud
Un site internet consacré à la diffusion en direct et en
haute définition des concerts du Festival de Verbier a
été créé pour l’occasion : www.medici-arts.tv.
L’enregistrement de ce concert reste disponible
jusqu’’au 31 août 2007, aux côté de
reportages et d’interviews exclusifs.
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