LA VEUVE
DU CENTENAIRE
Die Lustige Witwe fut créée
il y a 100 ans au Theater an der Wien et le Volksoper de la ville impériale
a décidé d'en proposer une nouvelle production pour fêter
dignement l'événement. De nombreuses scènes européennes
ont d'ailleurs ressorti La Veuve des cartons en cette année
2005 (cf. la critique du 10/06/2005 sur
Forumopera).
Force est de reconnaître l'invention
mélodique de Lehar, ses airs qui ne sortent plus de la tête,
la richesse de son orchestration. Rythmes dansants ou duo capiteux (celui
de Camille et Valencienne au deuxième acte est d'une sensualité
troublante) constituent le secret de cette Veuve qui n'a pas pris une ride.
L'ancienne production qui avait encore
cours en 2004 était très traditionnelle. Daniel Dollé
a misé sur une scénographie plus stylisée: un grand
escalier qui se perd dans les coulisses au premier acte, des ombrelles
suspendues au dessus de la scène à l'acte suivant ou encore
des corolles de tulipes géantes d'où sortent les grisettes
au dernier acte, voilà quelques touches d'originalité.
Cependant les costumes 1900 et la
mise en scène restent fidèles à la tradition. La robe
dorée de Hanna Glawari au 3e acte n'est pas sans évoquer
le fameux Baiser de Klimt.
Alfred Eschwé est un habitué
des lieux ; sa direction est colorée, vive, brillante. L'orchestre
et les choeurs sont, pour ainsi dire, en "pilotage automatique" : ils ont
ce répertoire dans le sang. Le ballet intervient peu, quoiqu'on
ait ajouté au 3e acte "l'entracte galop" de La Grande Duchesse
de Gerolstein pour allonger sa participation.
Nous avions pu voir la Première
en juin dernier, mais le jeu des multiples distributions qui alternent
au Volksoper nous a permis d'entendre de nouveaux chanteurs lors de la
septième représentation. L'ensemble est d'un bon niveau.
Andrea Maronn (Hanna) n'a pas un grave
très puissant mais le médium et l'aigu sont suffisants. Sa
chanson de Vilja est phrasée dans les règles de l'art et
l'aigu final tenu crescendo puis descrescendo superbe. De
plus, elle joue à merveille la veuve aguicheuse. Son partenaire,
Mathias Hausmann allie une belle prestance scénique à une
voix de baryton agréable. Ces deux-là forment un couple séduisant
en diable. Pour ce qui est du couple Valencienne-Camille le point fort
est le ténor Sebastian Reinthaller qui assure crânement tous
les aigus avec sa voix de demi-caractère. Malheureusement Jennifer
O'Loughlin n'est pas à la hauteur, faute de volume. Dès que
le tissu orchestral devient dense, on ne l'entend plus; le comble est de
la laisser chanter l'air de "meneuse des grisettes" au dernier acte qui
sollicite le grave, chez elle inaudible. Il serait fastidieux de citer
tous les seconds rôles, nombreux dans cette opérette, assurés
ici avec le professionnalisme requis. Les dialogues et les airs s'enchaînent,
fluides, sans temps mort.
Malgré ses 100 printemps, cette
Veuve nous promet encore de nombreuses années de plaisirs insouciants.
Valéry FLEURQUIN