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C’est beau comme les mathématiques…
Le sujet est si simple qu’il peut se résumer en deux phrases : pour
satisfaire un pari stupide, deux freluquets échangent leurs fiancées,
perruches gâtées qui n’ont jamais souffert, à la faveur d’un
déguisement. A la fin, les couples initiaux se reforment, tout rentre
dans l’ordre.
Le monde de Cosi est complètement artificiel. L’intrigue proprement
dite est invraisemblable, Il n’y a pas de contexte social, pas de
liens familiaux, aucune action secondaire, rien d’autre qu’un
cadre logique et irréaliste. Cet opéra a la beauté de l’épure :
il correspond à un modèle, au sens de modèle mathématique, destiné à illustrer
un théorème. Les situations sont délibérément archétypales, afin de donner
plus de beauté à la démonstration.
Et comme des archétypes, les personnages cessent de souffrir au finale
(fortunato l’uom che prende ogni cosa pel buon verso…heureux
celui qui voit toujours les choses du bon coté, chantent-ils en cœur),
ils n’ont plus de sentiments, la démonstration est terminée. Les
hommes sont guéris de leur vanité, les filles de leur inconstance, tous
le sont de leur ignorance de soi et du monde. Ils sont rendus à la raison,
ils sont devenus adultes. L’amour ne vaut rien sans la raison, CQFD,
fin, passez votre chemin. N’oublions pas que le titre complet de
l’œuvre est : « Cosi fan tutte, ossia la scuola degli amanti
».
D’où nous vient alors ce mauvais goût d’amertume sitôt la
dernière note envolée ?
En fait, si les situations sont caricaturales, par la grâce de la musique,
les quatre amoureux, eux, sont dotés de sentiments humains, trop humains.
Ils nous semblent vivants, faits de chair et de sang, ils souffrent…Et
une expérimentation comme celle-ci effectuée sur des personnes vivantes,
c’est une vivisection !
Cette expérimentation au scalpel sur êtres vivants aboutit également à
la conclusion suivante : l’amour, l’amour heureux tout du
moins, n’existe pas. Les cœurs sont aveugles et l’amour
n’est que dérision. Toutes choses que nous n’aimons guère
entendre. Il y a de quoi être atterré.
Un autre aspect du livret, bien souvent occulté, est qu’il s’agit
d’une histoire libertine, voire grivoise. Da Ponte a truffé son
texte d’allusion : la coda del diavolo, les « moustaches » de Guglielmo,
le caldo desio, allusions recherchées que nous sommes de nos jours difficilement
à même de détecter instantanément. Cette grivoiserie était perçue par
les contemporains, elle était peut être même un des ressorts du livret.
C’est à partir du XIXème siècle, qui avait déjà rabaissé Cosi au
rang d’opérette, qu’on ne comprend plus que les couples ont
« consommé »…
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