Roberto
Alagna chante Luis Mariano
1 - Mexico (Raymond Vincy, Francis
Lopez)
2 - La belle de Cadix (Raymond
Ovanessian / Marcel Cabridens, Francis Lopez)
3 - Salade de fruits (Noel Roux,
Armand Canfora / Noel Roux)
4 - L'amour est un bouquet de
violettes
(Mireille Brocey, Francis Lopez
/ Francis Lopez)
5 - C'est magnifique (Cole Porter)
6 - I love paris (Cole Porter),
en duo avec Jean Reno
7 - Rossignol de mes amours (Raymond
Vincy, Francis Lopez)
8 - Aie, pourquoi on s'aime ?
(Raymond Bravard / Colette Mansard),
en duo avec Arielle Dombasle
9 - Maria luisa (Raymond Ovanessian
/ Marcel Cabridens, Francis Lopez)
10 - Vaya con dios (Larry Russel,
Inez James)
11 - Zambra gitana (Jesus Maria
Arozamena, Francis Lopez)
12 - Quand on est deux amis (Raymond
Vincy, Francis Lopez),
en duo avec Elie Semoun
13 - Mexico, version Mariachi
(Raymond Vincy / Francis Lopez)
Arrangement, direction d'orchestre
et réalisation artistique
: Yvan Cassar
Paris Symphonic Orchestra
Deutsche Grammophon (983 255-7)
Que du bonheur !
Roberto Alagna vend son âme à Luis Mariano. La nouvelle
agite depuis plusieurs mois les forums, provoquant, selon le camp, des
réactions contraires. Du côté de Saint-Luis,
on crie un peu au sacrilège mais on applaudit surtout l'initiative
qui remet au goût du jour le chanteur, mort il y a plus de trente-cinq
ans et dont on entretient toujours religieusement le culte ; les infidèles
retrouvent le chemin du temple, les incroyants se convertissent, c'est
plus que magnifique, c'est miraculeux. A l'opposé, les trois quarts
des membres d'Opéra
Giososo, le dernier né des salons lyriques, ne pensent pas acheter
le disque. Les plus intégristes même brûlent celui qu'ils
ont adoré, brandissent en pleurant ses Roméo et Don Carlo
comme s'ils ne devaient jamais revenir, fustigent l'esprit mercantile qui
l'anime, mettent dans le même panier d'osier sa tendre épouse,
la soprano Angela Gheorghiu et, telle Alice Ford Falstaff, le jettent sans
une once d'hésitation à l'eau. Difficile, au milieu d'un
tel brouhaha, de raison garder. D'autant que la question se teinte d'inquiétude
quand on apprécie les deux ténors chacun à sa manière,
quand on craint qu'ils ne fassent bon ménage, quand on connaît
toute la différence entre charme et charisme, lumière et
éclat, douceur et vigueur, bref entre Mariano et Alagna.
Et si simplement, avant de se lancer dans la mêlée, on
écoutait l'objet de la querelle. Il suffit de la première
chanson, du fameux appel tyrolien de Mexico, pour dissiper immédiatement
toute anxiété et rendre vain les débats ou procès
d'intention. Un vent de bonne humeur soudain balaye le salon ; il soufflera
jusqu'à la dernière plage. Hommage ici ne signifie pas imitation
nostalgique, voire tentative de réincarnation mais résurrection,
celle de l'esprit, de la joie tendre et simple qui anime ce répertoire
bigarré que le prince de l'opérette en son temps magnifia.
Pour chacun des titres qui composent l'album, Roberto Alagna sait trouver
la voix et le ton qui conviennent sans renier sa propre personnalité,
ni désobliger celle de son aîné. Technique naturelle
ou mixte, contre notes de poitrine, yodle, tous les effets sont convoqués
en fonction de la couleur recherchée. Tantôt éclaircir,
alléger tout en évitant de sombrer dans la mièvrerie
(Maria Luisa, Rossignol de mes amours, L'amour est un bouquet de violettes),
tantôt jouer l'humour et la fantaisie sans grossir le trait, en préservant
la sincérité et la dimension lyrique, essentielles (Mexico;
La Belle de Cadix, Salade de fruits...). Ce travail se poursuit même
à l'intérieur des chansons pour dissiper l'ennui que pourraient
engendrer la simplicité de la forme et la facilité mélodique.
Et puis, dernier atout majeur, en anglais, en espagnol ou en français,
la diction, évidente toujours...
Dernier atout ? Non, pas tout à fait. Il faut souligner aussi
les arrangements d'Yvan Cassar qui savent, avec le recul nécessaire,
recréer l'ambiance propre à chaque musique, jouer habilement
sur le décalage, reconstituer le son de l'époque tout en
l'adaptant à la sensibilité de notre temps. Rythmes appuyés
par les percussions, orgue de barbarie, swing, envolées symphoniques,
éclairages cinématographiques, le chef réussit avec
l'orchestre ce que le ténor accomplit vocalement : un tour de force.
Bien sûr, il ne faut pas non plus se voiler la face. La démarche
n'est pas désintéressée. Pourquoi se limiter à
une faible minorité, les lyricomanes, et négliger la majorité,
tous les autres ? Sans hésiter, le ténor français
fait de l'oeil au grand public, propose une version "Mariachi" de Mexico,
inutile au demeurant, appelle à sa rescousse quelques paillettes
du show-biz. C'est là sa seule faute de goût, surtout en ce
qui concerne Arielle Dombasle, inconsistante, cruellement écrasée
par son partenaire. Elie Semoun et Jean Reno tiennent mieux la marée,
mi franchouillards, mi rigolards, un peu intimidés mais finalement
sympathiques.
Alors disque commercial, oui certainement, mais brillant, honnête,
intelligent. L'art lyrique retourne dans les chaumières la tête
haute. Les grincheux en sont pour leurs frais, les cassandres aussi. Roberto
Alagna est en ce moment incontournable. A la télé, dans les
journaux, à la radio, il déclare à qui veut l'entendre
"Chanter Mariano, ça rend heureux.". L'écouter aussi, je
vous le garantis.
Christophe RIZOUD
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Lire également le dossier consacré à Luis
Mariano
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