C  R  I  T  I  Q  U  E  S
 
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Ian Bostridge

Mélodies Françaises

Claude Debussy
Fêtes galantes II

Gabriel Fauré
Fleur jetée
Les berceaux
Au bord de l'eau
Prison
Clair de lune
Nell
La bonne chanson
(arr. pour voix, piano et quintet à corde)

Francis Poulenc
Montparnasse
Deux poèmes de Guillaume Apollinaire
Deux poèmes de Louis Aragon
Tel jour telle nuit

Ian Bostridge, ténor
Julius Drake, piano
Belcea Quartet
Leon Bosch, contrebasse

EMI 7243 557609 2 0, 1 CD


Ian Bostridge mélodiste est gâté par le disque ; après de nombreux volumes de mélodies anglaises et allemandes, voici sa première incursion dans le répertoire français. Après l'écoute de ses trois derniers disques schubertiens, très lisses et désespérants de propreté, on pouvait craindre le pire. C'est pourtant par une très bonne surprise que commence ce récital : le trop rare deuxième cycle Fêtes galantes de Debussy va comme un gant aux couleurs pastel de la voix du ténor anglais. La diction est bonne (à part quelques nasales évitées), le ton est pudique et la tessiture relativement centrale trouve dans cette voix plutôt claire une atmosphère presque irréelle qui sert à merveille les poèmes de Verlaine et le discours debussyste.

Aux jeux d'eau des Fêtes galantes succède le discours plus concret de Fauré. On restera plus circonspect face aux choix des six mélodies tirées des trois cahiers du grand Gabriel. Trop naturellement barytonales (malgré la tonalité pour voix hautes) comme Les berceaux ou Au bord de l'eau, ou encore dépassant les possibilités d'une voix somme toute légère comme le très lyrique Fleur jetée, seuls Prison, Clair de lune (malheureusement pris beaucoup trop lent) et Nell semblent tout à fait aller au ténor. Ces petites fautes de goût sont regrettables, car ces trois dernière mélodies, très joliment interprétées, nous laissent un peu sur notre faim. On regrettera un Notre Amour et les 5 mélodies de Venise qui auraient été plus adaptés. Dommage encore, car La bonne chanson, dans sa version pour piano et quintette à cordes, qui clôt le disque, nous offre de très beaux moments et révèle les affinités du chanteur avec la musique de Fauré.

On ne pourra pas en dire autant du reste du programme ! Le ténor anglais s'attaque à l'art complexe et tellement français de Francis Poulenc. Le discours à la fois plein de gouaille et subtil du génie de Noisay lui échappe totalement. Complètement dépassé par la diction dans les pièces rapides, jusqu'à en perdre le sens (un comble !), il souligne d'effets vocaux vulgaires un discours qui ne les appelle absolument pas dans les mélodies plus lentes, comme pour démontrer à l'auditeur qu'il comprend bien ce qu'il dit ; et bien justement, monsieur Bostridge n'a RIEN compris à Poulenc. De plus, on retrouve dans ces oeuvres les horripilantes habitudes d'étudiant gourmé qui rendent ses Schubert si ennuyeux : une lecture trop lisse et un manque de naturel flagrant. Cette partie du récital totalement ratée est couronnée par un Tel jour telle nuit cruellement dépourvu de la sensualité trouble qu'a inspiré Eluard au grand Poulenc. Pour connaître l'art de mélodiste du "moine voyou", préférez Sénéchal (EMI), Bernac (Adés avec le compositeur au piano) et Pruvot (Timpani).

On aurait préféré que l'artiste s'exprime dans d'autres pages debussystes, pourquoi pas les Ariettes oubliées, trop rarement gravées par une voix d'homme, pour compléter le programme. Une demi réussite donc, regrettable pour l'accompagnement subtil de Julius Drake et du Belcea quartet.
  


Jean-Christophe HENRY




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