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George Frideric Haendel (1685-1759)
GIULIO CESARE IN EGITTO
Dramma per musica en trois actes
Livret de Nicola Haym
Giulio Cesare : Flavio Oliver
Cleopatra : Elena de la Merced
Sesto : Maite Beaumont
Achilla : Oliver Zwarg
Curio : David Menéndez
Tolomeo : Jordi Domènech
Cornelia : Ewa Podles
Nireno : Itxaro Mentxaka
Orchestre et Chœur Gran Teatre del Liceu
Direction : Michael Hofstetter
Adaptation, mise en scène, décor et costumes : Herbert Wernicke
Enregistrement live au Gran Teatre del Liceu, juillet 2004
DVD TDK 2005 (2 DVD 9)
216 minutes – NTSC - Toutes zones.
DTS Surround /LPCM STEREO
Haendel sauce Wernicke
Si on a envie d’évoquer cette production de Giulio Cesare
avec un vocabulaire plus culinaire que musical c’est
qu’Herbert Wernicke s’est livré à une
véritable cuisine pour apprêter à sa façon
un opéra qui ne s’y prêtait guère. Un travail
qu’il a d’ailleurs loyalement déclaré comme
une adaptation. La captation vidéo TDK a été
réalisée en juillet 2004 lors d’une reprise au
Liceu de Barcelone de la production créée en 2001 dans ce
même théâtre. Il s’agit donc ici de
l’une des dernières mises en scène de Wernicke
avant son Rheingold de Munich en 2002, année de sa mort.
Sur un mode burlesque et insolent, frisant la caricature au
quatrième degré, le metteur en scène allemand
tente de traduire un choc délirant entre deux civilisations
antiques se croisant brièvement, avant pillage et invasion
touristique. "Prima l'emozione, doppo la tradizione", tel est le
postulat adopté. À partir de là, tout est permis.
Des idées, parfois pertinentes mais hélas plus souvent
assez lourdes, semblent avoir infusé dans un bouillon de culture
d’opérette parfumé d’un zeste de
surréalisme.
Une recette plantureuse et pimentée qui supporte mal la mise en conserve et dont voici les ingrédients :
Réduction de la partition et ajouts d’airs d’autres
opéras ; écumage des récitatifs, panneaux
brandis par Nireno pour résumer l’action
(incompréhensible en vidéo !) ; gigantesque
pierre de Rosette sous un plafond en miroir ; déploiements
d’obélisques brisés, bruyamment manipulés
par des figurants machinistes…
Élégamment vêtus, les principaux héros
romains et égyptiens côtoient les personnages secondaires
en tenue coloniale (Achilla) ou en costume cravate (Nireno) et les
militaires fascistes italiens dont certains sont déguisés
en coquillages préhistoriques. Adoption du principe de reptation
universelle : un énorme crocodile devient le partenaire
omniprésent des divers protagonistes, qui rampent eux aussi
fréquemment — ou bien s’effondrent, quand ils ne
font pas du strip-tease pour l'indispensable touche d’emozione, au cas où la musique et le chant ne suffiraient pas. Il ne faut pas que le public trouve le temps long pendant les da capo !
Enfin, pour faire comprendre le passage du temps et lier sa sauce,
Wernicke envoie un chœur final de joyeux touristes en shorts,
chemises à carreaux et robes à fleurs.
Parfois, malgré tout ce tohu-bohu, de beaux éclairages,
une mise en place simple et juste, l'émoi de Cleopatra ou la
douleur de Cornelia font surgir quelques beaux tableaux qui permettent
de goûter la direction à la fois vive et
légère, enthousiaste et précise, sérieuse
et inspirée du jeune chef allemand Michael Hofstetter. On peut
alors apprécier l’engagement de ce plateau de solistes
doués à la fois d’une personnalité
scénique bien caractérisée et des qualités
vocales nécessaires à ce répertoire.
Avec sa voix assez aigre et courte, au léger vibrato,
le contre-ténor espagnol Flavio Oliver donne un Cesare aux
allures adolescentes, paradoxalement plus féminin que celui de
la plupart des chanteuses qui interprètent le rôle en
travesti… Dans les éclats guerriers, il frôle
l’hystérie et dans les émois amoureux, il
dévoile une coquetterie décalée et une
sensualité troublante. Le chanteur manque de souffle dans les
vocalises, mais le superbe air lent de l'acte III, "Aure, deh,
per pietà", est chanté avec une grâce retenue
indéniable.
Malgré une voix un peu verte, qui manque encore de souplesse
dans les aigus et de puissance dans les graves, la jolie Maite Beaumont
se sort bien de son personnage de jeune homme fougueux et se fait
applaudir. La soprano espagnole Elena de la Merced est une Cleopatra
élégante qui chante sagement et joliment ses belles
arias, en particulier « Se pietà di me, non
senti » où elle sait se faire émouvante. Par
contre, le méchant Tolomeo de Jordi Domènech a une
diction maniérée et une voix au son cotonneux qui manque
d’unité dans les registres. Ce n’est qu’au
dernier air ajouté (issu de « Tolomeo re
d’Egitto »), quand il chante la tête
émergeant du sol, que sa voix, devenue fantomatique, donne son
meilleur. Quant à la basse Oliver Zwarg dans le rôle
d’Achilla, il a tendance à aboyer et il faut dire que
son striptease est bien peu sexy. Pauvre Cornelia !
Herbert Wernicke fait évoluer la veuve Romaine, Ewa Podles, dans
une élégante robe noire, à paniers, brodée
d'argent. Elle ne cesse de cajoler la tête de Pompeo, lui parle,
la caresse… Il lui faut aussi ramper, laver le sol à
quatre pattes, mordre et frapper ses prétendants …
Bouleversante à la scène dans ce rôle — la
longue ovation du public dès la fin de son premier air
« Priva son d’ogni conforto » en est la preuve
—, la contralto polonaise est desservie à
l’écran par des gros plans filmés en contre
plongée et surtout par une prise de son impuissante à
restituer le magnétisme de son timbre rare et les couleurs si
particulières de son chant. Dommage.
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