David DANIELS
BERLIOZ - Les Nuits d'Eté
RAVEL - FAURÉ
Hector BERLIOZ (1803 - 1869)
Les Nuits d'été
op. 7
Six mélodies sur des poèmes
de Théophile Gautier
Les Troyens : Pantomime
de l'acte II
---
Maurice RAVEL (1875 - 1937)
Cinq mélodies populaires
grecques
sur des textes anonymes
traduits du grec par Michel Calvocoressi
:
Le réveil de la mariée
Là-bas, vers l'église
Quel galant
Chanson des cueilleuses de
lentisques
Tout gai
Pavane pour une infante défunte
---
Gabriel FAURÉ (1845
- 1924)
Trois mélodies (Arrgt.
Gil Shohat)
En sourdine
Mandoline
Clair de Lune
Elégie pour violoncelle
et orchestre en ut mineur opus 24
David Daniels, contre-ténor
Richard Vieille, clarinette,
Daniel Canalotti, cor,
Guillaume Paoletti, violoncelle,
Daniel Arrignon, hautbois.
Ensemble Orchestral de Paris
John Nelson
Jeff Cohen, chef de chant
CD Virgin Classics 7243 5 45646
2 8
durée 68'56
HARMONIE NOCTURNE...
Toutes les oeuvres vocales à l'affiche dans ce disque ont deux
points communs : le premier étant qu'elles furent d'abord écrites
pour chant et piano avant d'être transcrites pour accompagnement
avec orchestre, le second résidant dans le fait qu'elles ont été
interprétées par des voix différentes, quelle que
soit leur tessiture originale.
En premier lieu, l'exemple le plus flagrant, celui des Nuits d'Eté
: composées entre 1840 et 1841 pour chant et piano, et écrites
pour un ténor ou un mezzo-soprano, leur orchestration sera achevée
dans sa totalité par Berlioz en 1856, chacune des mélodies
étant alors destinée à une voix et à un interprète
différents.
Ce cycle célèbre constitue indiscutablement un des sommets
de la mélodie française, tant par la qualité de son
écriture musicale que celle des poèmes de Théophile
Gautier, extraits du recueil de La Comédie de la Mort. Le
fait que ce chef-d'oeuvre bénéficie d'une très riche
discographie n'a donc rien d'étonnant.
La tentative qui visait à rétablir la version originale
pour orchestre et voix différentes réalisée par John
Eliott Gardiner en 1989 (Erato-Musifrance) s'étant soldée
par un échec, deux versions par des voix de femme tiennent, à
mon avis, le haut du pavé : d'une part celle, mémorable,
de Régine Crespin avec Ernest Ansermet au pupitre, qui date de 1963,
(DECCA Legends 460 973) et celle plus récente d'Anne-Sofie von Otter
avec James Levine chez DG (N° 445 823, enregistré en 1989).
A ces deux versions de référence, à acquérir
de toute urgence, on peut ajouter, selon les affinités de chacun,
celles d'Eleonor Steber avec Edwin Biltcliffe chez Vidéo Arts, de
Janet Baker avec Sir John Barbirolli chez EMI (il existe également
plusieurs versions "live" par Baker, dont une vidéo - sublime),
de Jessye Norman chez Philips et plus récemment celle de Susan Graham
et John Nelson en 1997 pour Sony Classical. Enfin, il convient de mentionner
également la démarche intéressante de José
van Dam, qui a enregistré en 1987-88 chez EMI la version pour chant
et piano avec Jean-Philippe Collard.
Au vu de ces considérations, cette nouvelle version chantée
par un contre-ténor n'a, a priori, pas de quoi surprendre, n'en
déplaise aux esprits chagrins et un tantinet "intégristes"
qui sévissent fréquemment dans le milieu musical. Comme nous
le précisions récemment à propos du récital
de David Daniels au Théâtre des Champs Elysées,
il est désormais acquis que le lied et la mélodie, à
quelques exceptions près (je pense, en particulier, aux Quatre
derniers Lieder et aux Brentano Lieder de Richard Strauss, tous
écrits pour voix de femme élevée, les premiers pour
un soprano lyrique et/ou dramatique, les seconds pour un soprano colorature)
peuvent être chantés dans les différentes tessitures
et il serait dommage d'exclure celle du contre-ténor.
Mieux encore, l'ambiguïté de ce type de voix - très
flagrant chez Daniels - apporte un éclairage nouveau en épousant
les différentes "identités" véhiculées par
chaque morceau et contribue à en accentuer le caractère troublant.
Globalement, il convient de reconnaître que ce genre d'exercice empreint
d'étrangeté est plutôt convaincant.
Tout au plus pourra-t-on pointer chez Daniels une certaine difficulté
à restituer dans toute leur ampleur certaines mélodies comme
Le
Spectre de la Rose, Sur les lagunes, et Absence. Par contre,
la poésie intrinsèque de son timbre et sa sensibilité
font merveille dans des pièces plus légères comme
Villanelle,
Au Cimetière et L'Ile inconnue. En concert, il est quasiment
certain que Daniels serait plus à l'aise accompagné au piano
en raison du peu de puissance de sa voix. Au disque, malgré ces
limites, il donne de ces pages une très belle lecture, raffinée
et pudique sans être mièvre, avec une diction et un style
irréprochables.
Autre cycle célèbre au programme de son récital,
les Cinq mélodies populaires grecques, écrites aussi
au départ pour voix et piano en 1904-1906 et dont seules deux mélodies
ont été harmonisées par Ravel, la première
et la dernière, l'orchestration des trois autres étant de
la main de Manuel Rosenthal. D'un caractère nettement moins dramatique
que les Nuits d'Eté, eu égard à leur origine
folklorique, évoluant du registre élégiaque - Là
bas vers l'église - vers un ton plus joyeux, sinon désinvolte
- Quel Galant, Tout gai, elles ne posent à Daniels aucun
problème de volume ni de tessiture.
Des voix très différentes les ont également interprétées
: Gérard Souzay, baryton, Irma Kolassi, mezzo-soprano (dans leur
version originale grecque), sans oublier le soprano lumineux de l'inoubliable
Victoria de Los Angeles.
Ces très belles pages ont eu moins de chance au disque que Les
Nuits d'Été. On peut néanmoins recommander les
trois versions précitées. Celle de Daniels est magnifique,
comme en a témoigné ce même récital
du TCE où ces oeuvres figuraient accompagnées au piano.
Venons-en à Fauré : de toutes les oeuvres proposées
dans cet enregistrement, ces mélodies sont sans doute celles dont
l'harmonisation pour orchestre est la moins convaincante - même si
elle a été effectuée à l'origine par le compositeur
lui-même (ici nous avons affaire à un autre arrangement) -
en raison de la beauté de la ligne pianistique, absolument fascinante
dans Mandoline et surtout Clair de Lune. Daniels y est tout
bonnement divin, quasiment crépusculaire - Mandoline, Clair de
Lune et En sourdine étaient aussi au programme de la
soirée du 28 avril, superbement "orchestrées" par le piano
de Martin Katz.
Enfin, ce disque comporte des parties instrumentales fort judicieusement
choisies et juxtaposées aux oeuvres vocales. A la tête de
l'Ensemble orchestral de Paris, John Nelson excelle tant dans la "Pantomime
de l'acte II" des Troyens que dans la Pavane pour une Infante
défunte. En outre, l'Élégie pour violoncelle
et orchestre met formidablement en valeur les qualités de chambriste
des interprètes.
Voici un disque de musiciens au service de la musique, ce qui n'est
finalement pas si fréquent et mérite qu'on s'y attarde, voire
qu'on s'y plonge avec délices.
Juliette BUCH
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