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Pascal DUSAPIN (né en 1955)
Faustus, the last night
Opéra en une nuit et onze numéros (2006)
Livret du compositeur d’après
The tragical history of Doctor Faustus
de Christopher Marlowe (1588)
Créé à Berlin en janvier 2006
Mise en scène : Peter Mussbach
Décors : Michael Elmgreen et Ingar Dragset
Costumes : Andrea Schmidt-Futterer
Eclairages : Sven Hogrefe
Live electronics : Thierry Coduys – La kitchen
Dramaturgie : Ilka Seifert
Réalisation du film : Yvon Gérault
Faustus : Georg Nigl
Mephistopheles : Urban Malmberg
Sly : Robert Wörle
Togod : Jaco Huijpen
L’Ange : Caroline Stein
Orchestre de l’Opéra de Lyon
Direction musicale : Jonathan Stockhammer
Enregistré par France Musique en live
à l’Opéra de Lyon en mars 2006
Une belle crise d’adolescence
Le succès scénique de Faustus depuis sa création berlinoise, que ce soit à Lyon ou au Châtelet,
justifiait pleinement sa parution rapide en DVD, avant la reprise
à Spoleto fin mai 2007 (qui sera la première
représentation d’un opéra de Dusapin aux USA). On
se reportera aux nombreuses chroniques publiées à son
sujet, y compris ici même, aux entretiens accordés par
Dusapin lui-même, pour ne résumer ici que les
éléments essentiels. Un texte d’abord, qui,
s’il fait référence à la version ancienne du
mythe de Faust en écartant volontairement Goethe, mêle
aussi, par ordre chronologique, la Bible, Shakespeare, Blake, Nerval,
Beckett. Beaucoup de Beckett en fait, dans Togod l’ange
déchu, anagramme de Godot, dans l’attente vaine,
mélange de désespérance et de dérision,
dans l’hermétisme d’un texte pétri de
références inaccessibles au commun des mortels.
Surtitrage français indispensable, et l’on regrettera
l’absence du livret dans l’édition du DVD, à
moins que l’hermétisme et le non-sens procèdent
aussi de la volonté hypnotique du compositeur.
Reste la splendeur de l’écriture orchestrale : sans
concession à l’émotion, au ressenti. À la
lumière tant attendue par Faustus, Dusapin oppose une
métaphore de sa question perpétuelle, un continuum sans
rédemption possible que le silence. Une masse en implosion
constante, tournoiement concentrique de timbres comme l’horloge
sur laquelle les personnages tentent une verticalité qui les
rapprocheraient de la certitude. Aucune consolation dans ce huis-clos
sonore, aucun répit dans ces stridences et ces noirceurs denses,
lentes, aux graves magnifiques, parfois renforcées
d’effets électroniques. L’orchestre de Lyon et
Jonathan Stockhammer expriment tout cela avec une pertinence, une
éloquence remarquable. Les voix sont tout simplement excellentes
de projection et de diction, à commencer par le monomaniaque
Faustus de Georg Nigl, habité par son personnage, et le Diable
ambivalent et peureux de Urban Malmberg. Dusapin demande un
chant-narration habillé de lyrisme constant, d’une
difficulté totalement maîtrisée, y compris dans les
hurlements hystériques d’un Ange (Caroline Stein) bien peu
angélique, ou dans la virtuosité enivrée de Sly,
tout droit venu de Shakespeare.
Autre réussite, le décor, cette pendule que les
personnages tentent vainement de retarder, et qui devient le double
instable de leurs errements ; et les éclairages bleu nuit
d’hiver en contrepoint.
La captation est réussie, longs plans fixes en écho au
tournoiement statique de l’orchestre, zooms furtifs sur des
visages à la Murnau, écarts éloquents sur les
clins d’œil-métaphores de Mussbach, de
l’ouverture d’une trappe à la mise en route
d’un robot ménager. Unique concession au signifiant ?
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