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Wolfgang Amadeus MOZART (1756-1791)
La Finta giardiniera
John Graham-Hall Don Anchise
Alexandra Reinprecht Violante Onesti
John Mark Ainsley Belfiore
Véronique Gens Arminda
Ruxandra Donose Ramiro
Adriana Kucerova Serpetta
Markus Werba Roberto
Mozarteum Orchester Salzburg
Ivor Bolton, direction
Doris Dörrie, mise en scène
Bernd Lepel, décors et costumes
Enregistré en janvier 2006 au Landestheater de Salzbourg
Durée totale : 161 min.
2 DVD DG 044007342220
(série M22)
C'est la Finta qu'on assassine
La Finta giardiniera fait
partie des opéras de Mozart que l'on hésite encore
à classer entre les chefs-d'oeuvre de la maturité et les
ouvrages de jeunesse. La publication en dvd, à quelques semaines
de distance, de deux productions marquantes du onzième
opéra du Salzbourgeois aurait dû nous permettre de mieux
en mesurer l'intérêt et la richesse.
Le problème est que, à la différence de Don Giovanni ou des Nozze, qui gagnent à être transposés dans les situations les plus improbables, la Finta
se doit d'exister d'abord au « premier
degré » avant de passer par le prisme de la
modernisation. Or ce premier degré, c'est ce que semble refuser
Doris Dörrie, tout autant que Tobias Moretti dans la production zurichoise.
Ce premier degré, c'est celui du drame baroque dont le livret de
Petrosellini, dans la lignée de Calderon et Rotrou, use de
toutes les ressources (fausse mort, imbroglio amoureux, illusion, songe
reconnaissance...). Pourquoi le travail de Dörrie est-il si
concret, terre-à-terre, capitaliste alors que l'oeuvre oscille
avec magie entre réalité, rêve et illusion ?
Pourquoi avoir transposé l'action dans les rayonnages d'un
magasin de jardinage où tous les prix sont ostensiblement
affichés sur de grands panneaux jaunes ? Parce que, nous
explique la notice, craignant que la mise en scène ne parvienne
à le faire comprendre au spectateur, le jardin (image de
l'éden) ne se mérite pas, mais s'achète !
Fulgurante constatation, qui justifiait à elle seule cette
transposition qui fait de la nature un artifice alors même que
chacune des notes de Mozart dit le contraire. Ce n'est pas que le
travail de l'artiste allemande manque de poésie ni de
grâce – c'est même ce qui explique le succès
de cette production auprès du public autrichien – mais en
ancrant le drame dans une réalité des plus
prosaïques, il n'en devient que moins crédible, à
l'opposé de la rhétorique baroque. Du coup, on en vient
à s'interroger plus sur les motivations du metteur en
scène que sur l'oeuvre elle-même.
En l'absence de vision d'ensemble, Dörris occupe les chanteurs en
leur donnant un accessoire par air (une serpillière pour
« Se l'augellin sen fugge », une
étiqueteuse pour « Appena mi vedon », et
surtout une tourterelle géante pour « Gemme la
tortorella »...) et cette fragmentation systématique
finit par déliter le drame qui perd ainsi le peu de consistance
qu'il avait...
La distribution en revanche, complète bien celle réunie
par Harnoncourt. Mention spéciale pour les deux ténors :
John Graham-Hall n'oublie pas que Don Anchise reste un Podestà
et allie noblesse et désinvolture alors que John Mark Ainsley
confère un peu plus d'épaisseur que de coutume au doux
rêveur qu'est Belfiore. Véronique Gens en bourgeoise
psychorigide découvrant les joies de la photographie
numérique s'amuse visiblement sur scène et son chant est
toujours aussi stylé. Mais on aimerait que la soprano prenne un
peu plus de risques et se mette parfois un peu plus en danger pour nous
procurer de vrais frissons. Dans un tel contexte, le reste de la
distribution, à commencer par le Ramiro petite frappe de
Ruxandra Donose et la Sandrina pompadourienne de Alexandra Reinprecht,
est solide et tout à fait honorable, mais à aucun moment
remarquable voire inoubliable. L'année Mozart aura finalement
fait beaucoup de bruit pour pas grand chose...
Sévag TACHDJIAN
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