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Joseph CANTELOUBE (1879-1957)

CHANTS D'AUVERGNE
Tirés des cinq volumes de Chants d'Auvergne

Réduction pour orchestre de chambre réalisée
par Raffi Armenian avec l'autorisation des Editions Heugel

Karina Gauvin, soprano

Canadian Chamber Ensemble
Direction : Raffi Armenian

1 Disque CBC Records
Les Disques SRC N° SMCD 5224  durée : 65:25 mn

Programme
1. La Pastoura als camps
2. Lou Coucut
3. Pastourelle
4. Tchut, tchut
5. Per l'éfon
6. Obal, din lo coumbèlo
7. Lou Boussu
8. La Pastrouletta è lou chibalié
9. La Délaïssàdo
10. Là-haut sur le rocher
11. Postouro, sé tu m'aymo
12. Brezaïrola
13. Oï, ayaï
14. Uno jionto postouro

Trois bourrées
15. L'aïo dè rotso
16. Ound' Onorèn gorda ?
17. Obal, din lou Limouzi

18. Baïlero
19. Tè, l'co, té
20. Lo Fiolairé
21. Malurous qu'o uno fenno



A LA CLAIRE FONTAINE
 

Les chants populaires et les mélodies traditionnelles n'ont jamais cessé de fasciner les compositeurs. Cette attraction a, dans certains cas, constitué une puissante source d'inspiration et même abouti à des chefs-d'oeuvre. On pourrait citer Beethoven, Brahms, Rimski-Korsakov, Kodàly, Dvoràk, Bartok, Britten, Copland, Prokofiev, Chostakovitch, Ravel, de Falla, Obradors, Nin et d'autres encore...

Cependant, aucun n'a probablement consacré pratiquement toute sa vie, à l'instar de Canteloube - par ailleurs élève de Vincent d'Indy et auteur de deux opéras, deux symphonies et d'une abondante musique de chambre -, à la musique folklorique, comme à une passion dévorante.

Bien qu'il se soit également intéressé aux chants de Touraine, du Languedoc, du Pays basque et de l'Angoumois, qui aboutirent à la publication d'une Anthologie des chants populaires français en quatre volumes, élaborée entre 1939 et 1944, ce sont les fameux Chants d'Auvergne, publiés entre 1923 et 1955, qui firent sa renommée. Ces trente mélodies, empreintes d'un amour profond pour son pays natal et sa langue (tous les chants, à quelques exceptions près, sont en auvergnat) témoignent aussi de son profond attachement aux montagnes, à la nature sauvage et la beauté des paysages de cette région. La richesse et l'originalité de leur orchestration, leur lyrisme raffiné font qu'elles n'ont jamais sombré dans l'oubli, d'autant que bien des cantatrices célèbres les ont inscrites à leur répertoire : Victoria de Los Angeles, Dame Kiri Te Kanawa, Frederica von Stade, Jill Gomez, Dawn Upshaw, Maria Bayo, Dame Felicity Lott, sans compter celles qui en inclurent quelques unes dans des récitals discographiques : Renée Fleming, Angelika Kirchschlager et même.... Barbara Streisand dans son fameux disque Classical paru chez CBS. 

Écrites en général pour le médium de la voix, elles requièrent avant tout un timbre rond, fruité, pas nécessairement de la puissance ni de la largeur, mais intelligence, musicalité et finesse, qualités que toutes les chanteuses précitées possèdent sans exception, à titres divers, bien sûr.

Pour cet enregistrement, Karina Gauvin a choisi vingt et un chants puisés dans les cinq volumes et qui en reflètent les grands thèmes : chansons de bergers et de bergères, scènes de la vie rurale, chants d'amour malheureux ou joyeux, airs de danse ... 

Canteloube, grand admirateur de Wagner, compositeur adulé également par son maître Vincent d'Indy, avait particulièrement soigné l'orchestration de ces oeuvres prévues pour un orchestre symphonique ample et étoffé, auquel on est d'ailleurs habitué.

L'option chambriste de Raffi Armenian (il a d'ailleurs lui-même signé la réduction) peut surprendre, mais le résultat est tout à fait convaincant et séduisant, voire carrément somptueux. Cela tient, d'une part, à la qualité des instrumentistes et des solistes, il est vrai tous issus de l'orchestre symphonique de Kirchner-Waterloo - hautbois de James Mason, clarinette de Ross Edwards... - et, d'autre part, à la subtilité du dialogue quasiment idéal qui s'établit avec la chanteuse.

La voix fraîche et pulpeuse de Karina Gauvin se plie à toutes les intonations, à tous les styles, module les couleurs et les expressions de manière ravissante, avec une grande précision et, surtout, une formidable spontanéité, en cela certainement très proche de l'esprit de ces airs tels qu'ils étaient chantés à l'origine par les habitants des montagnes et des vallées de cette belle province.

Certains, très célèbres comme La Pastoura al camps, Lou Coucut, Lou Boussu, Baïlero, voisinent avec d'autres moins connus, comme Obal, din lou Limouzi... Alternant humour, humeur joyeuse ou mélancolique, Karina Gauvin atteint des sommets de finesse et de beauté, sans jamais être affectée, elle nous offre, entre autres, un Baïlero d'anthologie.

Canteloube lui-même aurait sans doute aimé cette approche, tant elle respire la plénitude, l'harmonie et l'authenticité.

Si l'on devait comparer cette version à une grande référence du passé, c'est sans doute à celle gravée en 1969 chez EMI par Victoria de Los Angeles avec Jean-Pierre Jacquillat à la tête de l'Orchestre des Concerts Lamoureux qu'elle fait penser, la sophistication et le maniérisme en moins, car, il faut bien le reconnaître, ils furent souvent le péché mignon de cette artiste par ailleurs admirable sur bien des points (Disque EMI n° 7243 5 669 78 2 9 - Série "Great Recordings of the Century").

En conclusion, ce disque pur et vivifiant comme l'air et l'eau des montagnes est à recommander sans réserve et à consommer sans modération aucune, en cure de jouvence. Espérons qu'il donnera aux directeurs d'opéras et de salles de concerts de France et de Navarre l'idée d'inviter plus souvent cette lumineuse artiste, qui nous a bouleversés cet hiver dans Alcina.
 
 

Juliette  Buch

 
 



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