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Engelbert HUMPERDINCK (1854-1921)
KÖNIGSKINDER
(Les enfants du roi)
Conte lyrique en 3 actes
Livret du compositeur d’après Ersnt Rosmer.
Le fils du roi Jonas Kaufmann
La gardeuse d’oies Ofelia Sala
Le ménétrier Detlef Roth
La sorcière Nora Gubisch
Le bûcheron Jaco Huijpen
L’aubergiste Henk Neven
Le marchand de balais Fabrice Mantegna
Sa petite fille Nelly Lawson
Le mayeur Hans-Otto Weiss
La fille de l’aubergiste Mareen Knoth
Le tailleur Marc Dorstet
La vachère Diana Schmid
Une femme Inga Zilinska
Orchestre National de Montpellier Armin Jordan
Chœur de la radio Lettone
Chœur d’enfants Opéra Junior
Live, Festival de Radio France et Montpellier juillet 2005
Editions ACCORD
Le testament d’Armin Jordan
Débutée en 1893 avec Hänsel und Gretel
qui ouvrait la voie d’un genre nouveau,
l’opéra-conte de fée, la carrière
d’Engelbert Humperdinck pâtit de ce succès
foudroyant jamais égalé par la suite. Proche de Richard
Wagner dont il fut l’assistant sur Parsifal, ce jeune et brillant
musicien, qui faillit être architecte, triomphe là
où personne avant lui ne s’était
aventuré : l’opéra féerique
destiné aux grands et aux petits. Coup d’essai, coup de
maître avec Hänsel und Gretel, toujours à
l’affiche, qui lui valut l’admiration de Richard Strauss
qui en dirigea la création à Weimar, genre lyrique
qu’il poursuivit en 1895 avec Les sept petits biquets et en 1902
avec La Belle au bois dormant, sans pour autant renouer avec son
succès initial. Humperdinck s’essaiera également
à l’opéra comique avec Les Vivandières (1914) et Gaudeamus
(1919), avant d’explorer la dimension tragique et symbolique avec
Königskinder (Les enfants du roi), qui relate l’histoire
d’une gardeuse d’oies éprise du fils du roi venu
dans les bois déguisé en mendiant, sur lesquels une
sorcière jette un sort ; le couple conspué par la
foule qui ne les reconnaîtra pas comme souverains, mourra
empoisonné par le pain ensorcelé de la sorcière.
Toujours à l’affût d’ouvrage inconnus,
oubliés ou peu joués, René Koering a eu la bonne
idée de programmer en juillet 2005 dans le cadre du 20ème
Festival de Radio France et de Montpellier, une version concertante de
ces Königskinder, conte lyrique représenté
d’abord à Munich en 1897, puis créé au
Metroplitan de New York en 1910 avec Geraldine Farrar, Louise Homer et
Hermann Jadlowker, sous la direction d’Alfred Hertz.
Qui mieux qu’Armin Jordan pouvait rendre pleinement justice
à cette partition originale, où le choix d’une
déclamation située entre parole et musique correspond
parfaitement au sujet, inspiré d’un conte de Grimm et
d’Andersen, évoluant entre réel et
irréel ? Personne, et il suffit pour en être
convaincu d’écouter attentivement les premières
mesures de cette œuvre sur laquelle plane l’ombre de
Wagner, ou de s’arrêter sur les préludes de chaque
acte à l’écriture très
élaborée, aux idées très personnelles et
aux combinaisons harmoniques plus poussées encore que dans
Hänsel und Gretel. Plus il avance dans la narration, plus Armin
Jordan, manifestement dans son monde, se plait à souligner les
multiples détails qui distinguent le premier acte
véritable conte de fée, du second, qui s’apparente
à un conte médiéval et du troisième qui
relate l’amour des deux enfants sous forme
tragico-réaliste. Le chef met également en avant la
richesse de l’orchestration (l’alliance des
timbres obtenus par une formation imposante, bois par trois,
quatre cors, trois trompettes, trois trombones, un tuba basse, harpe,
cordes et percussion) et révèle la finesse des couleurs
vraiment inoubliables dans le duo final, séraphique, avec la
passion, le talent et l’expérience qui sont les siens.
Entre ses mains, l’Orchestre National de Montpellier, si souvent
terne et juste honorable, sonne glorieusement comme si la seule
présence d’un maestro d’envergure, suffisait
à transfigurer ces instrumentistes et à les mener vers un
moment d’exception. Voici un tour de force devant lequel il
convient de s’incliner et que la disparition d’Armin Jordan
ne rend que plus précieux encore.
A côté du beau travail accompli par les Chœurs de la
Radio Lettone, très importants dans cet opéra où
les scènes de foules sont nombreuses et brillamment
réglées (à l’acte 2, lorsque le peuple de
Hella attend l’arrivée d’un enfant royal), les voix
du Chœur d’enfants Opéra Junior et notamment celle
de la jeune soliste Nelly Lawson, sont elles aussi à
féliciter. La distribution vocale est de très loin
dominée par le ténor Jonas Kaufmann, entendu à
Paris la saison dernière dans Fierrabras de Schubert au
Châtelet, qui aborde le rôle du Fils du Roi avec
l’engagement et le matériau d’un Lohengrin, mais
surtout une juvénile sensibilité qui magnifie ce
personnage. La distinction naturelle de son chant, la noblesse de ses
phrasés et l’élégance de sa ligne, procurent
un sentiment de plénitude qui transporte l’auditeur,
littéralement subjugué ; son air « Ei is
das schwer, ein Bettler sein » au 2ème acte, est une
splendeur. Derrière cette facilité
d’élocution, cette langue précise émise
à fleur de lèvres, qui n’est pas sans
évoquer l’aisance d’un Fritz Wunderlich ou
d’un Richard Tauber, s’annoncent de grands emplois
wagnériens, mais également Alfredo et Don José,
qui figurent déjà sur son calendrier. Un artiste à
suivre. La soprano Ofelia Sala est une gardeuse d’oies dont les
accents poétiques confèrent à
l’héroïne sa candeur et dont le timbre se marie
joliment à celui de son partenaire. Invitée
régulière du Festival de Montpellier, Nora Gubisch
n’est pas inoubliable en Sorcière, appuyant un peu trop
ses effets, le baryton Detlef Roth se révélant un superbe
Ménétrier, notamment dans son aria conclusif
« Ihr Kindlein, sie sind gefunden und verloren »
(Mes petits, on les a retrouvés et perdus), d’une
vérité touchante. Vous l’aurez compris, il
s’agit là d’un très bel et très rare
enregistrement.
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